C’est dans une ambiance festive que nous avons eu l’honneur de rencontrer une icône de la musique camerounaise en la personne de Sam Fan Thomas, qui termine une tournée en Amérique du Nord entamée depuis le mois de novembre. Entre quelques causeries mielleuses et des discussions chaleureuses, le bonheur des retrouvailles aux accents footballistiques. Le chanteur laisse aller ses connaissances du ballon rond et nous permet de le découvrir autrement que par ses chansons. Lisez plutôt…
Camfoot.com: Mr Sam Fan Thomas, qu’est-ce qui justifie votre présence en Amérique du Nord ?
Sam Fan Thomas: Permettez-moi déjà de dire merci à Camfoot de me donner l’opportunité de m’exprimer à travers ce média populaire. Après Los Angeles, New York, Washington et autre, je suis venu présenter une autre phase du Makassi, dans un spectacle en Live en exclusivité à Montréal, avec un orchestre choc, ce 1er janvier pour fêter la nouvelle année 2005. C’est un rêve qui devient réalité, grâce à mon promoteur, le célèbre « Money Man », qui m’a offert cette opportunité d’évoluer en Live dans cette grande ville canadienne.
Camfoot.com: Comment avez-vous été accueilli dans votre périple à travers les villes américaines?
Sam Fan Thomas: Très bien… Je suis arrivé dans des villes où les gens connaissaient bien mes chansons, même si mes derniers spectacles en Amérique dataient de dix ans lorsque j’avais effectué une tournée de six mois avec mon groupe du Cameroun. L’accueil fut formidable. Les gens sont venus applaudir et revivre ce que j’ai fait depuis le début de ma carrière.
« Mais je travaille actuellement sur un nouvel album qui sortira probablement au cours de l’année 2005. »
Camfoot.com: À quand remonte le dernier album de Sam Fan Thomas?
Sam Fan Thomas: Mon dernier disque date de 1999, et a été produit par JPS (Jean-Pierre SARR). Il s’intitulait « Douala ». L’album n’est sûrement pas arrivé en Amérique du Nord à cause d’un problème de distribution et vous savez que la distribution est le vrai problème des disques africains. Dans ce domaine Safari Ambiance et Sono Disque maîtrisent mieux la problématique. Mais je travaille actuellement sur un nouvel album qui sortira probablement au cours de l’année 2005.
Camfoot.com: On a cependant l’impression que vous n’êtes plus au-devant de la scène depuis plusieurs années…
Sam Fan Thomas: Je travaille beaucoup dans l’ombre avec plusieurs groupes et des jeunes. J’ai fait découvrir par exemple au Cameroun beaucoup de jeunes comme par exemple feu Kotto Bass, Keng Godefroy, les Koutchouang Mbanda (groupe traditionnel) et plein d’autres. Actuellement je travaille aussi avec les Brasseries du Cameroun dans le cadre du concours de la chanson où j’arrange les albums des lauréats.
Camfoot.com: On peut dire que vous êtes passé du rôle d’auteur-compositeur-interprète à celui de producteur et arrangeur?
Sam Fan Thomas: On peut le dire, mais il faut savoir que même par le passé, je le faisais déjà. J’avais ainsi produit des gens comme le feu Sam Batcho, Isidore Tamwo qui était en même temps mon producteur à l’époque. Il faut aussi comprendre que le rythme des sorties d’album n’est plus le même qu’avant.
Camfoot.com: Parlons de votre studio d’enregistrement…
Sam Fan Thomas: Justement, j’ai un studio d’enregistrement qui a beaucoup évolué. Nous sommes passés de l’analogique au numérique, ce qui a révolutionné la qualité sonore que nous y réalisons. J’ai ainsi deux systèmes d’enregistrement actuellement au Cameroun; le système numérique, et un autre système uniquement sur ordinateur avec des propulses et le 6.4 qui vient de sortir. À mon retour au Cameroun, je vais me mettre à la production vidéo, à la réalisation des clips et autres. Ça manque chez nous quant même ces outils d’accompagnement des albums. Mais je vais continuer à faire la production. Vous savez que la musique m’a tout donné et c’est à moi de tendre la main et de servir cette musique de chez nous, en aidant ceux qui n’ont pas les moyens de se rendre en Europe de réaliser d’excellents albums sur place.
« Les ivoiriens ont fait un « couper décaler » dans lequel j’ai retrouvé mes refrains. »
Camfoot.com: Votre musique a eu tellement de succès partout en Afrique et ailleurs dans le monde. N’avez-vous pas envie de rompre ce long silence en réalisant un nouvel album à succès?
Sam Fan Thomas: Ce n’est pas très facile de concilier la création avec ce que je fais actuellement. Il faudrait alors que j’arrête avec le studio pour me consacrer à la réalisation de mon disque. Ce sera chose faite bientôt, puisque j’ai un projet avec des amis en France. Ce n’est pas encore conclu et je ne voudrai pas citer de nom. Mes partenaires en Europe veulent qu’on fasse des albums ensemble.
J’ai remarqué avec plaisir lors de ma tournée ici en Amérique du Nord que dix ans après, les gens écoutent et chantent mes chansons comme si elles étaient faites hier. Cela m’a fortement touché… Le temps est passé, mais Dieu merci, les albums sont restés d’actualité.
Camfoot.com: Ne pensez-vous pas que la musique camerounaise se meurt lentement et sûrement depuis quelque temps, avec l’avènement des rythmes venus de Côte d’ivoire et du Congo? Ces rythmes sont d’ailleurs très imités et repris par beaucoup d’artistes camerounais…
Sam Fan Thomas: C’est un problème de génération. Le Makossa traditionnel n’est pas mort parce qu’il y a bien de chanteurs qui continuent à croire à ce Makossa et qui vendent bien leurs albums. Il y a cependant certains autres qui voudraient aller très vite. Puisque la musique congolaise marche bien, ils voudraient faire comme Koffi Olomidé en oubliant qu’ils n’ont pas les mêmes talents que Koffi Olomidé, Werason ou JB.
Grâce Decca a du succès en faisant du Makossa pur, tout comme le jeune Nassi Price qui vient de faire un disque qui marche très bien au Cameroun. Quand vous regardez les clips de Sallé John ou de Kotti François, vous vous rendez compte qu’ils continuent à fabriquer du rythme du terroir…
Concernant la musique ivoirienne, tous les disques ivoiriens ne marchent pas. Il y a parmi eux de très mauvais chanteurs et de mauvais compositeurs. Mais il y en a qui sortent du lot et illuminent le reste. Ils ont fait un « couper décaler » où j’ai retrouvé mes refrains. Il y en a qui ont fait du « couper décaler » avec les refrains de Jean-Paul Mondo (décédé il y a environ trois mois). C’est une autre façon de voir la musique en recréant un rythme avec ce qu’on a écouté dans la jeunesse. Nous aussi on a fait la même chose quand nous écoutions les Wilson Piquet, James Brown, Manu Dibango, Gérard Djoumbissié ou Éboa Lottin.
« …Si nous avions à Douala et Yaoundé un vrai palais des sports de 5000 à 10000 places comme celui projeté à Yaoundé, tout le monde serait gagnant. »
Camfoot.com: Êtes-vous satisfait des structures de spectacles en place au Cameroun?
Sam Fan Thomas: Il n’ y a rien en place pour tout dire. Aujourd’hui nous évoluons encore dans des salles de cinéma dont la capacité est réduite. Du coup, les prix d’entrée qui en moyenne tournent autour de 15 000 CFA deviennent un facteur discriminatoire, puisque seuls les plus aisés vont au spectacle. Alors que si nous avions à Douala et Yaoundé un vrai palais des sports de 5000 à 10000 places comme celui projeté à Yaoundé, tout le monde serait gagnant. Les spectateurs viendront nombreux apprécier du bon son et voir un beau spectacle à prix abordable et dans un beau cadre. Vous voyez comment le sport et les rythmes se croisent tout le temps…
Camfoot.com: Justement parlant de sport, Sam Fan Thomas est-il un sportif dans l’âme?
Sam Fan Thomas: On m’a toujours dit que j’aurai dû être footballeur que musicien, parce que j’étais bon balle au pied. Mais finalement, je me suis contenté de jouer le « deux zéro » tous les soirs avec des copains, après la journée de travail. J’ai même une équipe de football (Avia Football Club) actuellement au Cameroun dans le championnat des vétérans, qui est même championne du Littoral devant les Joseph Antoine Bell, les Ékéké, tous les anciens de la Dynamo, Union que vous connaissez, etc…
« Un entraîneur qui veut le résultat ne peut pas rentrer dans la magouille. »
Camfoot.com: Vous qui côtoyez quotidiennement les acteurs du football camerounais, que pensez-vous de ce qui se passe à la tête des Lions indomptables, avec le limogeage et de Schäfer et de Bidoung Mkpatt il y a quelques mois auparavant?
Sam Fan Thomas: Je suis heureux qu’on ait chassé tous ceux qui nuisaient aux Lions indomptables, de ce ministre au coach Schäfer. On ne pouvait comprendre que cet entraîneur incapable soit maintenu aussi longtemps en poste. Aujourd’hui, le nouveau gouvernement avec à la tête des sports, un ancien sportif et surtout ancien dirigeant de club d’élite au Cameroun, cela ne devrait qu’aller mieux. Je pense que les joueurs qui ont déposé les armes il y a quelque temps vont reprendre du service. En tout cas, je le souhaite. Les Mbami, Etame Mayer ont encore beaucoup à donner à notre football.
Camfoot.com: Est-ce que le fan que vous êtes pense qu’il y a des joueurs au sein des Lions qui doivent laisser leur place aux plus volontaires ou aux plus jeunes?
Sam Fan Thomas: Vous savez, nous sommes 15 millions d’entraîneurs au Cameroun. Il suffit qu’un joueur ne réponde pas en un match ou deux pour que l’on conclu qu’il est bon pour le garage. Regardez le cas de Kalla… Il a été insulté de toute part injustement, et depuis trois saisons, il est en Allemagne et est de loin le joueur professionnel camerounais le plus régulier. Qu’on arrête de parler d’âge, pour enfin regarder le rendement sur le terrain. Je pense qu’il faut d’abord faire confiance aux joueurs qui sont titulaires dans leur club. Regardez l’équipe de 2000 avec Pierre Lechantre. Les joueurs étaient tous au top niveau dans leur club, aucun remplaçant en club parmi les onze Lions qui rentraient sur le stade. Je parle de titulaire, même dans un club de notre championnat. Dieu merci, cet entraîneur allemand est enfin parti. Si nous autres fans avions les moyens, on l’aurait fait partir depuis belle lurette. Ce fut un entraîneur incapable de dépister les joueurs du terroir et surtout incapable de réconcilier les tensions au sein du groupe.
Camfoot.com: Justement, le Cameroun est à la recherche d’un nouveau coach, avez-vous une préférence?
Sam Fan Thomas: Si c’était moi qui décidais, je dirais Pierre Lechantre, sans hésiter. Si ce n’est pas possible, pourquoi pas Tigana ou Fernandez? Il faut des hommes à poigne pour diriger cette équipe. Moi je pense qu’un entraîneur qui a de la valeur ne peut pas rentrer dans une combine qui va empêcher l’équipe d’avoir du succès, comme le faisait Schäfer. Tous ceux qui ont marché dans la magouille qu’on voit au Cameroun sont des petits entraîneurs. Un entraîneur qui veut le résultat ne peut pas rentrer dans la magouille.
« …J’attends un public nombreux et déchaîné pour qu’ensemble, nous passions la nouvelle année dans une ambiance de fête et de retrouvailles. »
Camfoot.com: Parlant de magouille, certains responsables d’associations d’artistes camerounais à l’instar de Sam Mbendé ont été récemment pointés du point pour mauvaise gestion des fonds, qu’en est-il justement?
Sam Fan Thomas: Oh! On a toujours dit beaucoup de choses de Sam Mbendé et personne n’a jamais apporté des preuves. Tantôt on a dit qu’il a pris de l’argent pour tourner un film et qu’il a bouffé… Qu’on apporte des preuves. Sam Mbendé a fait ce qu’il avait à faire, au moment où il fallait le faire. On avait un problème avec la Socinada et certains ont tout fait pour que cette société n’existe plus. Maintenant il y a une nouvelle société créée de toute pièce à la « camerounaise »… En tout cas, on attend de cette société la répartition des droits, la lutte contre la piraterie, réconcilier les artistes et donner vraiment cette envie à ces gens de refaire des disques. Je vous assure qu’en ce moment, c’est très dur au Cameroun. La piraterie c’est partout dans les rues ; on vous vent un cd à 500 cfa. C’est une catastrophe qui s’annonce pour les 100 ans à venir.
Camfoot.com: Qu’est-ce que le public montréalais peut attendre de votre spectacle live du 1er janvier pour la nouvelle année? Que leur réservez-vous?
Sam Fan Thomas: Ce qu’ils attendent de moi c’est du bon Makassi sur la scène, avec un orchestre qui a bien répété, avec un bon son; ce qui n’est pas toujours facile. Donc j’attends un public nombreux et déchaîné pour qu’ensemble, nous passions la nouvelle année dans une ambiance de fête et de retrouvailles.
Camfoot.com: Après l’Amérique du Nord, quelle est la suite de votre programme?
Sam Fan Thomas: Je rentrerai au Cameroun dans les prochains jours pour continuer mon projet; je suis au niveau des paroles pour mon prochain disque. Je m’y replongerai.
Camfoot.com: L’artiste que vous êtes réside-t-il toujours au Cameroun?
Sam Fan Thomas: J’ai toujours résidé au Cameroun, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent. C’est vrai que j’ai beaucoup voyagé, mais ce sont les tournées qui m’ont toujours emmenées dans les quatre coins du globe. Cependant, j’ai toujours résidé au Cameroun où je suis d’ailleurs chef d’une famille de douze personnes. Ils ne sont pas tous mes propres enfants naturels, rassurez-vous, même si je les considère comme tels. Donc, j’ai douze personnes que je nourris.
Camfoot.com: Un dernier mot pour vos fans?
Sam Fan Thomas: Je souhaite à toutes et à tous une Bonne année 2005. Une bonne année footballistique pour tous les fans et aux Lions Indomptables. Merci à Camfoot de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer dans un autre créneau autre que la musique. Je vous souhaite vraiment bonne santé et une bonne année 2005.
Propos recueillis par ER. LOWE