Le cœur de la République bat donc désormais au rythme de la » révision » des textes de la Fédération camerounaise de football, en vue du renouvellement de ses instances dirigeantes. Disons-le tout net: il y a, derrière cette gesticulation aux allures de prise en main par les pouvoirs publics.Rappelons aux guérisseurs d’Etoudi que, dans le cas d’espèce, le remède de cheval que l’on veut infliger à la poule aux œufs d’or, risque bien de la tuer.
Le cœur de la République bat donc désormais au rythme de la » révision » des textes de la Fédération camerounaise de football, en vue du renouvellement de ses instances dirigeantes. Disons-le tout net: il y a, derrière cette gesticulation aux allures de prise en main par les pouvoirs publics, une manœuvre aussi dangereuse que grossière de mise à l’écart de M. Iya Mohamed et son équipe qui, pendant les cinq dernières années, ont dirigé la fédération. On ne parlera pas ici de régions et de tribus, pour faire écho aux cris d’orfraie des uns qui se sentent agressés, et aux dénégations des autres qui éprouvent comme la nécessité de se justifier… Sans botter entièrement en touche sur cette question, force est de constater que la réalité de la confrontation se trouve sur un autre terrain : celui du Cameroun des élus contre le Cameroun des nommés ; la République du décret contre celle du bulletin de vote.
Dans un Cameroun où, depuis le temps, le décret confère l’intelligence, la beauté, la vision, la compétence, en plus du pouvoir, il faisait mauvais genre qu’une structure gérant une affaire aussi importante que le football, soit aux mains de dirigeants dont l’accession au pouvoir est aussi peu contrôlable par l’oligarchie en place. Or, il est patent que les textes régissant le choix des dirigeants des fédérations nationales de football sont sous-tendus par une philosophie compréhensible : l’organisation et la gestion du football, dans chaque pays, doit être aux mains des dirigeants de clubs et autres promoteurs du sport, en tout cas, sans influence aucune des fonctionnaires et des gouvernements. Les tenants du pouvoir établi à Yaoundé doivent ainsi vivre mal le fait qu’ils soient incapables de donner, simplement, un coup de pied dans l’arrière-train à Iya Mohamed, pour se débarrasser de lui, comme cela s’est passé pour l’inénarrable Bidoung Mkpatt. Autrefois, et dans les logiques camerounaises, le président de la fédération était nommé, selon le système flou et trituré à l’envi de la répartition du gâteau et de la concession des petits et gros avantages. Le très surveillé -par la Fifa – système actuel place d’emblée la Fédération Camerounaise de football, hors de contrôle. C’est sans doute cela qui dérange. Encore que, dans une attitude qu’on peut lui reprocher, Iya Mohamed a, pendant tout son mandat, laissé libre cours à une invasion notable du ministère de la Jeunesse et des Sports sur le terrain de ses attributions. Si le staff de la fédération était seul et souverain dans la gestion de l’équipe nationale de football, comme c’est le cas dans les autres pays membres de la Fifa, nous n’en serions sans doute pas là…
D’ailleurs, dans plusieurs secteurs de la vie politique et institutionnelle du Cameroun, il existe comme cela, et à la pelle, des exemples qui illustrent ce » rattrapage » forcené de l’expression de la volonté de la majorité par le décret : les délégués du gouvernement qui président aux destinées des communes là où des conseillers municipaux ont été régulièrement élus ; les atermoiements de la décentralisation qui tiennent des appréhensions planant sur ce qui restera du pouvoir des gouverneurs, préfets et sous-préfets face à de nouveaux responsables territoriaux élus…Il faut le dire, le décret reste la laisse, le moyen de chantage, le levier par lequel s’exerce le pouvoir chez nous. Le transfert du choix aux mains du peuple implique l’entrée en …démocratie, ce qui n’est pas une perspective bien réjouissante pour ceux qui régissent le Cameroun aujourd’hui.
Admettons, malgré tout, l’hypothèse de la révision, de l’assainissement et du nettoyage. Cette éventualité-là se heurte au bon sens de tous les Camerounais, et une question, lancinante, revient : d’accord, il faut remettre le Cameroun et les textes qui le régissent sur les rails. Mais, pourquoi d’abord et seulement le football ? La République fonctionne ainsi aux textes non appliqués, sans que personne ne s’en offusque, outre mesure. Le Cameroun doit être le seul pays au monde qui s’accommode de deux Constitutions. Tout comme l’article 66 de la Constitution de 1996, au sujet de la déclaration des biens des personnes occupant de hautes fonctions dans l’appareil d’Etat, n’a jamais été évoqué, même au cours d’une plaisanterie… Non ! On ne peut pas invoquer ainsi le souci d’assainir en urgence la gestion du football en révisant simplement ses textes, alors que le pays, dans son ensemble, va bien plus mal. C’est comme si on s’acharnait à guérir une blessure bénigne sur le pied d’un malade qu’un paludisme établi et diagnostiqué est en train d’emporter…
Pour rester dans le médical, rappelons aux guérisseurs d’Etoudi que, dans le cas d’espèce, le remède de cheval que l’on veut infliger à la poule aux œufs d’or, risque bien de la tuer: si, au forceps, le gouvernement Camerounais impose un président à la fédération, ce n’est plus à une petite soustraction de points qu’on aura droit, c’est vers une bonne et vraie suspension qu’on se dirige.
Haman Mana