La 24e édition de la Can est arrivée à son terme avec le sacre des Aigles de Carthage, pays organisateur. L’élimination précoce et la prestation des Lions continuent à faire couler beaucoup d’encres et de salives. Des voix se sont élevées de la manière la plus acerbe et souvent même avec un zeste de fanatisme pour dénoncer les travers qui ont pu contribuer à cette prestation déconcertante des quadruples champions d’Afrique.
Les avis sont certes partagés mais pointilleux et même pimentés. Nous avons depuis la Tunisie donné la parole aux acteurs mais aussi aux observateurs avertis pour faire une analyse de la participation des Lions à cette campagne tunisienne. A chacun d’apprécier.
Timothée Atouba: «Nous partageons la peine de nos compatriotes»
Même étant la meilleure équipe du monde, il faut faire attention. Il faut se concentrer pendant tout un match, ce qui n’avait été le cas pour nous. Et puis cette défaite face au Nigeria nous ramène sur terre et montre que ce n’est pas parce que nous la gagnions régulièrement que cela devrait devenir systématique. A cet effet, je dis aux Camerounais que nous partageons cette peine. Nous aurions bien aimé aller jusqu’au bout. Remporter cette Coupe comme les précédentes fois et venir la présenter à la nation toute entière. Cette année n’a pas été la nôtre. Il faut regarder l’avenir.
Idriss Carlos Kameni: «Nous avons affronté cette Can en gagneur»
C’est vrai que nous étions partis sur de très bonnes bases avant cette compétition. Nous l’avions gagnée sans avoir joué et curieusement nous avons trouvé que la compétition africaine était relevée. Nous voulions gagner et cela n’a pas été facile. Il est maintenant question de se remettre au travail pour préparer d’autres compétitions. Je dirais à tous les Camerounais que nous sommes aussi très meurtris. C’est la loi du foot, il faut faire avec. Nous l’avons gagné deux fois de suite et vous comprenez que les autres équipes ne sont pas venues à cette édition nous regarder faire. On n’a raté cette Can, il ne faut pas s’y attarder, c’est plutôt l’occasion de tirer les leçons et préparer l’avenir avec plus de sérieux.
Géremi Njitap: «Cette élimination est la bienvenue»
C’est une déception essayons de la digérer. Disons que de notre prestation, à cette Can, il y a des points positifs et négatifs. Mais il y a aussi le facteur chance. Cela n’a pas bien marché cette fois-ci. On connaît les potentialités de l’équipe nationale, mais il reste que nous avons encore à apprendre. Les Nigérians nous ont contré après certainement avoir bien décortiqué sur vidéo notre jeu. Il faut chercher d’autres possibilités. Cette élimination précoce est donc la bienvenue. Il faudrait qu’elle nous serve de leçon pour la suite. Ce n’est pas pour dire que le football camerounais a perdu de son allant. Non ! C’est même une bonne opportunité pour nous remettre en cause afin de pouvoir ramener l’équipe nationale au niveau où elle était.
Perrier Doumbé: «Il y a encore du travail à abattre»
On retiendra de cette Can qu’il y a encore à travailler. On n’a pu se rendre compte que beaucoup d’équipes ont évolué et se sont retrouvées au même niveau que le Cameroun. Il nous faut nous réveiller si nous voulons nous remettre encore au-dessus du lot. Il n’y a pas lieu d’être fataliste, le Cameroun va se reprendre. On s’est un tout petit peu loupé, mais on n’en prend conscience et il est question que tous nous nous concentrons à nouveau pour redevenir le Cameroun gagneur que nous avons toujours été.
Eric Djemba Djemba: «Nous avons été ramenés à la réalité»
Nous étions très confiants en nous engageant pour cette Can. Nous avons été ramenés à la vérité. Il est question de se ressaisir et de regarder ce qui n’a pas du tout marché pour se corriger au plus vite. Mais c’est la loi du sport, un jour on gagne un autre on perd. Nous espérons tous que cette défaite serve de remise en question pour la suite.
Etienne Arthur Deffo (journaliste, Crtv Radio): «La défense a été notre tendon d’Achille»
Le Cameroun champion en titre est tombé en quart de finale. Il avait certainement un palmarès à établir, les Lions n’y sont pas parvenus, l’une des failles de ce loupé a été la défense qui est restée le ventre mou de cette équipe. On a pris 6 buts en quatre matches, ce que nous n’avons pas connu depuis longtemps. On n’a pas aussi marqué beaucoup de buts. Ce sont les réalités du sport et de la vie. Il y a des jours ou cela marche et des jours où cela ne marche pas !
Madeleine Soppi Kotto (journaliste, Crtv Radio): «Les Lions jouaient seuls contre tous»
Cette Can est une compétition où on n’est pas sorti des surprises, à l’instar de la mise hors course de quelques gros calibres comme l’Egypte au premier tour et surtout du champion en titre, le Cameroun en quart de finale. La sortie des Lions est une grosse surprise, si l’on s’en tient aux attentes qui étaient placées en les joueurs de renommée internationale. Il reste tout de même que cette édition était celle où on retrouvait deux camps : celui des Lions Indomptables et celui de toutes les autres équipes qui voulaient avoir leur peau ? On n’a pu le constater à l’élan d’euphorie qui a caractérisé les équipes comme l’Algérie après le match nul ou le Nigeria après cette victoire. Toutes les deux équipes se sont comportées comme si elles avaient remporté la Coupe du monde.
Thierry Ndong (Journaliste, Le Messager): «Il faut savoir accepter la défaite»
Il faut savoir perdre. La victoire n’appartient pas qu’au Cameroun. C’est dire qu’il faut rester sportif car c’est dans la défaite qu’on devient aussi grand.
Honoré Foimoukong (journaliste, Le Messager): «L’équipe est vieillissante»
Nous sommes tous déçus de cette élimination que je peux qualifier de précoce. Depuis le début de cette compétition, ce n’était pas ça, mais nous sommes restés sur notre faim croyant que les Lions se retrouveraient au deuxième tour. Mais ils nous ont montré qu’ils étaient une équipe vieillissante et qu’il est maintenant urgent de rebâtir la grande équipe nationale du Cameroun. Il est évident qu’il faut repartir sur de nouvelles bases et de donner la chance à une nouvelle génération montante qui se distingue aussi bien en championnat national qu’européen.
Junior Binyam (journaliste, L’Equatorial): «Les Lions sont en fin de cycle»
Je crois que les Lions sont arrivés à la fin d’un cycle; La preuve on est au sommet depuis huit ans à peu près avec une génération de joueurs qui nous ont apportés beaucoup et qui sont peut-être émoussés par toutes leurs prestations. Cette élimination qu’on peut considérer comme prématurée est peut-être l’occasion de faire le point autour des Lions Indomptables et peut-être de baliser les voix du futur. Cela a déjà été le cas lorsque le Cameroun est sorti au stade des demi-finales de la Can 92 au Sénégal et finir quatrième de la compétition. On était alors à la fin d’un cycle qu’on ne réalisera pas. En 94, on est éliminé pour la Can, et à la Coupe du monde on prend la même génération de joueurs qui est quasi décadente et on l’emmène aux Etats-Unis, les résultats qui ont suivi nous les connaissons. Nous sommes là à la veille des éliminatoires de la Can/Mondial 2006. Il est urgent de renouveler les effectifs. Même si beaucoup de joueurs qui sont là aujourd’hui sont encore en âge de jouer, il faut considérer que la volonté et l’envie de vaincre qui habitaient beaucoup d’entre eux n’existent plus. Ils ont presque tout gagné avec les Lions et ne trouvent plus de motivation particulière.
Gustave Emmanuel Samnick (journaliste, Mutations): «La faute à la mauvaise préparation»
La compétition a été d’un très bon niveau. Et c’est le football africain qui en est tant honoré. Pour le Cameroun, je constate que les Lions n’ont pas eu une bonne préparation. Cela s’est fait remarquer au niveau de l’inconstance dans la prestation lors de chacun des matches disputés. Tantôt, l’équipe joue bien pendant 30 minutes avant de baisser de régime par la suite. Il y a là un manque de repère. Cela appelle au réglage du problème des matches amicaux de préparation et à mettre un terme à ces regroupements familiaux qui se font en Allemagne qui n’apportent rien. Je suis toutefois persuadé que l’équipe à un gros potentiel, il faut tout simplement qu’elle se ressaisisse. Car, et nous l’avions toujours dit, une équipe nationale vit en permanence et pas seulement au moment des compétitions.
Sam Séverin Ango (journaliste, Journal Afc): «Indiscipline notoire au sein des Lions»
Il y a lieu de relativiser et comprendre que le Cameroun ne va pas toujours gagner. Et la loi du sport voudrait que si la victoire soit accessible à tous, il ne faudrait pas s’alarmer sur les défaites. S’il faut regarder dans les causes de cette sortie prématurée des Lions, il y a un ensemble de raisons qu’il faut évoquer. D’abord au niveau de l’environnement, on n’a vu que l’équipe n’était pas toujours dans un cadre de sérénité au niveau de sa base. On n’a noté des cas d’indiscipline notoire à l’exemple des amis, femmes et copines que certains joueurs ont réussi à infiltrer dans leur hôtel ce qui n’était pas propice à la concentration. Et puis, il y a le phénomène de suffisance de nos joueurs qui croient être des titulaires indiscutables parce qu’ils évoluent dans de grands clubs. Et sur le dispositif tactique, on peut reprocher à l’entraîneur certains de ses choix. Je suis d’avis que l’entraîneur aurait pu se passer des services de Patrick Mboma mais il n’a pas eu suffisamment de personnalité pour résister aux pressions fortes de la haute hiérarchie.
Philippe Bonye (journaliste, Radio Siantou): «Il faut déplorer les immixtions»
Il faut déplorer aujourd’hui les immixtions de la hiérarchie, notamment sur le débat qui a eu lieu avant cette Can. Maintenant sur le terrain on a observé une équipe un peu plus fatiguée. Cela a été confirmé avec le mauvais fonctionnement du milieu et de la défense, deux compartiments importants dans la stabilité d’une équipe. Avec un Djemba Djemba qui est passé à côté de la compétition, Mbami très inconstant. Mais je suis de ceux qui pensent que cette élimination est la bienvenue, puisqu’elle nous permettra d’envisager l’avenir avec beaucoup plus de sérieux dans la gestion et la préparation des Lions lors des échéances à venir.
Jean-Pierre Esso (journaliste, Camfoot): «Nécessité de renouveler le groupe»
Je pense que le Cameroun est arrivé à la fin d’un cycle comme ce fut déjà le cas en 1994. Il importe seulement de savoir gérer cette période pour qu’elle n’évolue pas de mal en pis. Et pour cela, il faut avoir le courage d’expurger. A l’époque, des joueurs comme Emmanuel Tataw, Milla et bien d’autres avaient laissé la place aux Song, feu Foé… Et à cet effet, il y a une génération montante en Europe et au Cameroun notamment ces jeunes Espoirs qui ont gagné les Jeux Africains du Nigeria 2003. C’est dire qu’il faudra faire un savant dosage pour les batailles futures.
Jacques Eric Andjick (Journaliste, Global football): «Il faut se remettre au travail»
On retient de cette élimination des Lions qu’on n’a jamais gagné un match d’avance encore moins une compétition. Il faut se mettre au travail en dépit des faveurs des pronostics et du niveau élevé qu’on peut reconnaître à une équipe. Il faut se remettre en question tout en se disant que le football étant une science inexacte, toutes les équipes ont les mêmes chances. C’est ce qui a été fatale au Cameroun qui s’est vu très beau dans ses habits d’avant la compétition.
Martin Camus Mimb (journaliste, Radio Equinoxe): «Schäfer a échoué»
La première leçon à tirer de cette participation des Lions à cette Can est l’échec d’un entraîneur qui après Corée-Japon 2002 vient encore de démonter les limites de son coaching. On a eu l’impression qu’il avait vraisemblablement de petite incompatibilité d’humeur entre les joueurs. Ce qui s’est répercuté sur le terrain. Et la cohésion générale en a souffert. Cela nécessite une grande révolution dans cette équipe pour qu’elle entame une révolution qui permettra d’inciter une motivation certaine en vu d’autres challenges. Le problème véritable de ce groupe actuel, c’est que 80% de ces joueurs ont déjà tout gagné avec cette équipe nationale. Il manque un esprit de surpassement parce que l’entraîneur n’a rien fait pour mettre les joueurs en concurrence. Les onze sont connus d’avance et se sentent incontestés et incontestables. La triste vérité est la performance des Lions. Ils ont payé au comptant leurs turpitudes.
Maboang Kessack (Ancien Lion): «On paie la non-résidencee de Schäfer»
La leçon que nous devons tirer est que nous avions toujours attendu, mais maintenant que nous sommes devenus une grande nation de football, il faut réagir à temps. D’emblée, on n’a relevé un mauvais coaching des Lions dans l’ensemble de la compétition. L’entraîneur a mal géré l’effectif qu’on a. Schäfer que je ne connais pas particulièrement ne peut pas résider en Allemagne et revenir simplement à la veille des compétitions pour diriger l’équipe nationale. C’est ce qui explique le manque de dosage entre amateurs, très motivés, et professionnels très expérimentés. C’est ce qui explique les exploits de la décennie 80 et du début 90. Maintenant c’est comme si les joueurs locaux étaient privés de leur équipe nationale. Il y a aussi nécessité d’associer des anciens joueurs comme les Djonkep, Mfédé et autres pour étoffer l’encadrement technique. Il y a aussi le handicap de la langue entre les joueurs et l’entraîneur que les victoires précédentes qui étaient pratiquement acquises d’avance ont voilé. Les gars se sont bien battus mais on n’a constaté ce manque de motivation parce que leur statut de professionnel leur donne l’avantage d’avoir des poches pleines.
Mathieu N. Njog, Sports Paranorama