15 km de marche ! C’était une manifestation inédite. Ce n’est pas une marche des travailleurs et autres ouvriers qui est en passe d’être un phénomène de mode au Cameroun. Mais, tout simplement pour venir en soutien à Samuel Eto’o Fils, l’international camerounais, « sifflé » ces derniers temps dans les stades européens. Ce samedi 8 avril 2006 restera dans les annales…
Lors de la 25è journée de la liga espagnole 2005-2006, l’attaquant du Fc Barcelone a été victime des incidents racistes sur le terrain du Real Saragosse. Face à ce « crime contre l’humanité », un groupe de citoyen basé à Douala ont voulu exprimer un coup de gueule à tous les racistes du monde. Des actes ignobles que Eto’o a dû encore subir ce dimanche 9 avril 2006 à Sandanter (Espagne), tout comme Emana de Toulouse il y a une semaine.
Aux grand maux, les grands remèdes. L’itinéraire du trajet a été fortement médiatisé bien des semaines avant le jour fatidique. C’est au stade Marion du quartier Cité Sic à Douala que le rassemblement a eu lieu. La caravane d’une centaine de personnes s’ébranle dans les artères de la ville. Premier point de chute. Carrefour Agip. Une voiture équipée d’un haut parleur sur lequel on pouvait lire des messages de soutien à Samuel ouvre la marche. Un speaker hurle des slogans anti racistes à tout vent. Ensuite, suivent une fanfare de la ville louée par les organisateurs par l’opération basée « franc défi » et les différents groupes de manifestants. Au rang des manifestants, on cite Achille Kotto, président du comité d’organisation de l’ événement et par ailleurs Directeur général d’une agence de messagerie basée à Douala, Mboua Massok, homme politique camerounais et activiste bien connu, Me Momo, avocat exerçant dans la capitale économique du Cameroun, David Eyengue Nzima, directeur de publication de Eto’o goal, etc. Certaines personnes, surprises par la manifestation s’arrêtent au passage des ‘’marcheurs ». Pas besoin de poser des questions pour comprendre l’objet de la manif. Les pancartes et les banderoles sont assez éloquentes : « Non au racisme dans les stades ! En soutien à Samuel Eto’o, les artistes du Cameroun disent NON au racisme. Pour que cesse le racisme, la xénophobie dans le monde… »
Récupération
Au passage de la caravane, les réactions sont toujours les mêmes. Surprise. Lecture de pancartes. Compassion. Et soutien. Les ‘’bendskinneurs » (conducteurs de mototaxi) et taximen n’hésitent à donner un grand coup sur le klaxon pour manifester leur approbation à la marche. Réputé très discourtois dans la ville de Douala, c’est d’ailleurs de gaieté de cœur que les ‘’bendskinneurs » se rangent avec d’autres véhicules sur une voie pour laisser les manifestants qui occupent la seconde voie. Qu’il s’agisse de ‘’carrefour Feu rouge Bessengue, Mobil Bonkouamouang, carrefour Dalip, Soudanaise, le cortège recevra des ovations des foules.
Commencée aux environs de 16 heures (heure locale), la manifestation arrive à destination deux heures plus tard, au stade Mbappe Lepe, à Akwa, au quartier des affaires. Un tour du stade et toute la caravane s’arrête à l’entrée de ce lieu chargé d’histoire pour déposer, en guise de monument, une pancarte à l’effigie du légendaire footballeur qui a fait les beaux jours de l’équipe nationale du Cameroun dans les années 60. Si certaines personnes n’hésitent pas à taxer les organisateurs de cette manifestation des opportunistes, récupérateur, Me Momo, avocat exerçant à Douala ne rougit point : « Cette marche n’est pas une récupération. Sur l’échiquier national, je suis déjà bien placé. Je n’ai pas besoin de cette marche pour me faire voir. Et même si c’était de la récupération, c’est pour une noble cause. Nous marchons pour que ce qui est arrivé à Samuel Eto’o n’arrive pas à d’autres Noirs ! »
Eric Roland Kongou, à Douala
Réactions
David Eyengue Nzima, directeur de publication de ‘’Eto’o Goal »
« Eto’o Fils est de la race de personnalité qui s’inscrivent en faux contre le très politiquement correct et qui disent tout haut ce qu’ils pensent. Ces personnalités dont nous voulons, par notre modeste action, faire partie, souvent incomprises et marginalisées, sont pourtant des modèles, qui devraient faire école, et faire réfléchir la communauté noire qui chaque jour subit des frustrations et des humiliations dans les domaines les plus variés de notre société. Il faut la révolte pour réveiller certaines consciences. Si on veut se faire respecter, ce n’est pas en étant adepte de la République Jacobine qu’on le fera. Car ce n’est qu’en s’affirmant haut et fort qu’on se fait respecter. »
Achille Kotto, président du comité d’organisation de « franc défi »
« Je souhaite que notre marche aujourd’hui fasse tâche d’huile. Ce n’est pas une partie de plaisir que de faire 15 km à pied dans la ville de Douala. Nous voulons faire passer un message. Nous voulons que les incidents racistes dont sont victimes les africains en Europe et notamment Eto’o, cessent. Il est tout simplement regrettable qu’au 3è millénaires, des individus se moquent d’autres hommes pour la simple raison que la couleur de leur peau est différente de la nôtre. À travers l’opération « franc défi », nous voulons marquer notre ras-le-bol à cette pratique d’une autre époque. Nous voulons également tirer de vibrants hommages aux patriotes qui ont marqué l’histoire du Cameroun. »
Mboua Massok, activiste camerounais, membre du comité d’organisation de l’opération « franc défi »
« Nous voulons voir ériger dans ce pays des monuments à nos dignes fils. Mbappe Lepe est un. Nous voulons commencer, commencer cette par le truchement d’une grande figure du football mondial en la personne de Samuel Eto’o Fils. Nous voulons faire un trait d’union entre le présent et le passé. Nous voulons que le monde entier sache que les camerounais sont frustrés par le racisme dont les Noirs sont victimes au quotidien en Europe. Il faut que cela cesse ! »
Me Momo, avocat exerçant à Douala
« C’est avec plaisir que je participe à cette marche parce que c’est une noble action. Nous voulons apporter notre soutien à Samuel Eto’o qui a été victimes des insultes racistes en Europe. Le racisme est un crime contre l’humanité. Le Noir a toujours été victime du racisme. Mon père hier, moi aujourd’hui et peut-être mes enfants demain. C’est un message que je lance à tous les racistes, dorénavant, ils auront à qui parler. On ne peut plus tolérer le racisme. Je lance aussi un message aux autorités de mon pays. On doit ériger des monuments à des légendes comme Roger Milla, Bessala Joseph et autres de leur vivant. Ce sont les gens qui inspirent les camerounais à aller de l’avant. »