Yaoundé – Depuis le décès brutal du footballeur international camerounais Marc-Vivien Foé, interrogations et supputations se font jour dans la presse camerounaise et internationale. Des questions suscitées au départ par les circonstances étranges et inhabituelles de la disparition survenue au cours d’un match de football sont devenues plus persistantes après le rapport fort attendu de l’autopsie qui n’a trouvé « aucun élément déterminant sur l’origine de la mort ».
Forts de cette conclusion qui exclut toute cause accidentelle, les médias, toutes catégories confondues, se demandent toujours ce qui a bien pu tuer Foé. « Pourquoi, comment, les questions se bousculent devant une telle tragédie. A 28 ans, Foé n’avait disputé que 154 minutes de jeu sur les 270 possibles depuis le début de la compétition. Cette force de la nature réputé pour ses capacités athlétiques hors du commun n’avait laissé rien paraître avant son malaise », écrit
Sylvain Labbe de Sports.fr.
« Si on exclut les cadences infernales imposées aux joueurs professionnels et décriées au cours de cette Coupe ainsi que d’autres facteurs extérieurs comme la foudre, l’accident de santé dont a été victime Foé en pleine compétition est rarissime dans le sport de haute compétition », estime la rédaction Internet du Figaro citant l’AFP. S’appuyant sur les résultats de l’autopsie qui exclut la rupture d’anévrisme (le cerveau et la cage thoracique n’étant pas inondé comme on l’avait pensé), le quotidien français Libération dans son édition du 28 juin se penche sur cette « mort en questions ». En attendant le verdict des analyses toxicologiques, aucune hypothèse ne peut être privilégiée, permettant à toutes de pouvoir exister, celle du dopage comme de l’arrêt cardiaque », écrit notre confrère qui avance aussi la thèse de la négligence médicale. Les massages cardiaques réalisés au stade n’ayant commencé que 12 à 13 minutes après l’effondrement de Foé. Alain Constant du Monde (27 juin) s’interroge également sur les causes de cette mort inattendue. Les ennuis gastriques du joueur avant le match fatidique tout comme l’état de fatigue évoqué n’expliquent pas tout. Et notre confrère de citer Hector Fabio Cruz médecin de l’équipe de Colombie selon lequel Foé était inconscient après sa chute mais il respirait et son coeur battait encore. Et de se demander comment « un athlète hors du commun réputé pour son hygiène de vie » a pu finir ainsi alors qu’il n’avait pas disputé le précédent match (Cameroun-Etats-Unis) ni l’intégralité des deux premières rencontres en Coupe des Confédérations et ne sortait pas d’une saison éprouvante avec seulement 38 sur plus de 50 en championnat avec le club anglais de Manchester City. Cette « mort aussi brutale qu’incompréhensible a plongé le monde du football dans la stupeur et l’émotion », conclut Libération.
Si les confrères occidentaux en sont encore aux hypothèses scientifiques, au Cameroun, la presse a depuis quelques jours franchi le pas qui sépare qui sépare du monde de l’irrationnel. Au fil des lignes, le mystère de la disparition s’épaissit au fur et à mesure que les causes scientifiques pouvant justifier la mort se font rares. Du coup, toutes les supputations sont permises. La plupart des périodiques camerounais évoquent de plus en plus la possibilité d’une main invisible qui aurait précipité le joueur dans l’au-delà. Dans son édition du 02 juillet, Le Messager évoque, entre autres, l’hypothèse d’une « mort mystique » qu’aurait décrétée quelque assemblée de sorciers jaloux des succès du jeune Lion au cœur d’or. Les joueurs eux-mêmes ne sont pas en odeur de sainteté quand on connaît leur propension « à marcher beaucoup, toujours à la recherche d’un petit plus…ou pour arracher une place de titulaire. Et ces pratiques seraient répandues également en Europe et en Amérique latine.
L’hebdomadaire La Nouvelle Presse pointe également un doigt accusateur vers des gens de l’ombre qui auraient « mangé l’âme » du joueur alors que le bi-hebdomadaire La Nouvelle Expression du 02 juillet se demande si la Mefou et Afamba, département d’origine de Foé est maudit, car ayant perdu deux autres de ses plus valeureux fils (un haut fonctionnaire et un artiste-musicien) en une semaine. Ces supputations empruntant à l’irrationnel peuvent faire sourire mais ici, certains dans l’opinion y croient dur comme fer. « Parce que dans nos sociétés, la mort est toujours enveloppée de mystère. On ne meurt jamais pour rien chez nous. Il faut une explication à toute disparition, surtout brutale », explique un sociologue.
Jean-Marie Jahmane