La bouche de Philippe Mbarga Mboa, on s’en doute, ne sera pas laissée vide. Notre Allah sur cette terre, qui distribue des strapontins et accorde des indulgences à la camarilla de privilégiés de la République, y pourvoira assurément. Et même s’il lui tournait définitivement son divin dos, il ne réussirait pas à affamer un type qui se coucoune goulûment le ventre depuis l’enfance.
Cela dit, un certain nombre de choses quand même que nous voulons, sous couleur d’oraison funèbre, rappeler. Nous connaissions Philippe Mbarga Mboa avant, en fait depuis les années de collège. Nous avions largement des motifs d’inquiétude au moment où il avait été nommé ministre des sports, mais nous avions cependant mis sur ses épaules tous les espoirs que se sont complu à décevoir quelques précédents ministres que nous continuerons de mépriser. Sanga Titi, d’habitude peu porté sur l’hagiographie nauséeuse de certains becs-jaunes du journalisme camerounais, avait lancé, dans nos colonnes, une salve de dithyrambes en direction du nouveau ministre.
Eh ! bien, restituons donc à Philippe sa part d’histoire en reconnaissant d’emblée que, sans le malencontreux raté de Pierre Womé à Yaoundé, notre ministre eût été un très grand ministre, car le seul à avoir gagné tous « ses » matchs réguliers, puisqu’il faut bien le dire, chez nous, la performance des ministres des sports se mesure exclusivement à l’aune des résultats des Lions indomptables. Cela n’aurait pas été un vilain dossier, admettez-le. Avec le recul toutefois, on est forcé de trembler à la perspective du cirque que le ministre aurait orchestré entre Yaoundé et Frankfurt, si l’on en croit les facéties ministérielles qui ont précédé le match contre les Égyptiens à Yaoundé.
Au crédit de PMM, saluons donc l’éclosion d’un cercle vertueux dessiné par le recrutement d’Artur Jorge et entretenu par l’engagement du ministre à faire marcher les institutions du football en toute liberté, sans interférence ni ukases abusifs signés de sa main. Laissons de côté le volley-ball, le hand-ball, le basket-ball et la pétanque, les infrastructures sportives, etc. pour ne pas juger PMM sur un terrain que n’a jamais occupé le moindre de ses collègues auparavant. Restons avec les Lions indomptables, car c’est le seul enjeu, la seule convoitise, le seul intérêt du maroquin.
Revenons ensuite sur les préoccupations que suscitait le prince du Plateau Atemengué, le m’as-tu-vu de l’équipe de basket-ball du Lycée du Manengoumba, le fringant jeune homme dont les exploits à Yaoundé ont émoustillé, à partir des années 1970, une jeune génération découvrant les plaisirs de la chair que permet d’acheter la notoriété. Un peu fat, hâbleur, mirliflore soucieux d’épate, d’ostentation et de gloriole? Peut-être. La vraie vertu répugne à l’ostentatoire, nous le savions bien, mais nous n’avions rien dit, vraiment. Et même le passage, pour le moins controversé, du ministre à la Fécafoot et à la direction de l’Olympic de Mvolyé, qui aurait dû être déterminant dans notre appréciation, n’a pas réussi à cristalliser un sentiment généralisé de rejet à l’endroit de PMM.
Simple à expliquer. Nous espérions avoir enfin trouvé un ministre moderne. C’est-à-dire un ministre qui croyait aux vertus de la prise de responsabilité, de l’obligation pour tous de rendre compte de leurs actes, de l’application de pratiques modèles éprouvées dans les pays respectés. Nous espérions que PMM comprenait l’importance qu’il y a à renforcer le championnat national de football, qu’il comprenait la nécessité de donner à la Fécafoot toute la latitude dont elle avait besoin pour gérer le football au pays, qu’il croyait que le sélectionneur des Lions devait travailler dans la sérénité et l’autonomie, qu’il comprenait et acceptait son rôle d’arbitre et de « facilitateur ». Et, surtout, qu’il entendait semer les germes de la probité, de la rigueur morale, du respect de la parole donnée et du bien public, de l’honnêteté.
Nous étions forcés de tout espérer, nous qui venions de mourir de mille morts face à l’incroyable timidité de M. Etamé Massoma et à l’inertie sertie de morgue de M. Bidoung Mkpatt, qui s’est longtemps cru le premier moutardier du pape. N’avons-nous pas vécu les querelles sans fin entre le ministère et la Fécafoot, la déliquescence du football camerounais, l’ingérence honteuse du ministre dans toutes les sphères du foot ? N’avons-nous pas vécu dans la douleur la démission du même ministre de toute participation active à la vie d’autres disciplines et de ses responsabilités de gestionnaire du sport en général au Cameroun ?
Nous avons eu mille fois honte. L’incroyable périple, dont s’est gaussé la terre entière, de notre équipe nationale perdue dans le ciel asiatique, le spectacle de nos vedettes transportées dans des avions militaires, les procès à répétition intentés par des entraîneurs laissés sans salaire, les terrains de jeu atroces, tout cela nous a embarrassés et blessés. Nous avons été particulièrement choqués d’assister en direct, dans un hôtel d’El Kantaoui, près de Sousse en Tunisie, à la distribution d’argent liquide du pays par un ministre de la République (par femme interposée, il faut le reconnaître) sans le moindre souci du qu’en-dira-t-on.
PMM, nous l’espérions, allait mettre sinon de la dignité, du moins de l’ordre dans toute cette chienlit. Un type qui, d’après la légende, n’accepte de faire pipi que sur le marbre de la salle de bains de son palais, un type soigneux à l’extrême de sa personne et de son image ne pouvait quand même pas, pensions-nous, laisser un département ministériel dont il avait la charge prendre eau.
Le PMM qu’on craignait n’a pas tardé à remonter à la surface. Nous avons compris lorsque le ministre a commencé à donner des audiences dans le salon de son palais plutôt qu’à son bureau au ministère. Petit à petit, et l’élimination des Lions aidant, PMM a repris la vedette, comme il a toujours aimé : on ne parlait plus du sport, mais du ministre. Alors la seule personne qui lui faisait un peu d’ombre, le président de la Fécafoot, Mohammed Iya, a commencé à sentir sa douleur. Et, en passant, l’entraîneur recruté par le ministre peinait à recevoir sa solde.
Il n’y a pas là, vous en conviendrez, matière à licenciement. Les résultats et la compétence ne semblent pas déterminer les décisions de notre grand manitou concernant ses grands commis. Il y a plus, bien sûr, et s’agissant de l’ignominieuse avanie qui a été réservée à PMM, un nom nous fait trembler : Yannick Noah.
Non, ce n’est pas possible, nous ne voulons pas y croire. Une négligence pareille n’est pas possible. Quoi, quelques vilains millions, à peine de quoi s’acheter quelques boîtes de cigares, auraient été distraits de leur légitime destination pour aller alimenter le compte d’un usurpateur au nez et à la barbe de PMM, qui avait pour charge de gérer les deniers publics en bon père de famille ? Lamentable.
par Ndogkoti