L’ancien entraîneur national des lions Cadets, aujourd’hui instructeur Fifa, nous parle du statut des entraîneurs Camerounais de football adopté par le comité exécutif de la Fecafoot, le 10 Mars dernier, un statut qui ne fait pas toujours l’unanimité dans le milieu du Football. Mais l’instructeur Njili maîtrise son sujet et explique ici le bien-fondé de ce statut tant souhaité jadis. Un discours rafraîchissant et plein d’enseignements. Lisez plutôt…
Camfoot.com: Monsieur Pierre Njili Ndengué, on va dire que c’est un soulagement après l’adoption de ce statut des entraîneurs de football…
Pierre Njili Ndengué: Disons que c’est plus qu’un soulagement. C’est un sentiment de fierté, car depuis l’indépendance en 1960, les entraîneurs camerounais n’ont jamais eu de statut digne de ce nom. Aujourd’hui que l’Assemblée Générale de la Fécafoot a estimé qu’elle pouvait adopter ce texte, il est valable et a force de loi. Désormais les entraîneurs camerounais pourront exercer en toute dignité. C’est un sentiment de joie et c’est aussi l’occasion pour moi en tant que Secrétaire Général de l’Acef (Association camerounaise des entraîneurs de football, Ndlr), de remercier au nom de cette association, les membres de l’Assemblée Générale, la Fécafoot, le président et le vice-Président de la Fécafoot et tous les autres de la compréhension dont ils ont fait montre pour que le statut puisse être adopté.
Camfoot.com: Qu’est-ce qui va concrètement changer dans la vie de l’entraîneur à partir d’aujourd’hui ?
Pierre Njili Ndengué: Les entraîneurs seront désormais véritablement formés sur le terrain. Chacun aura ensuite un secteur d’activité bien connu, c’est-à-dire que, les entraîneurs des jeunes ne travailleront qu’avec les jeunes qui ont un entraînement spécifique adapté à leurs âges. Les entraîneurs proprement dits, premier et deuxième degré entraîneront les clubs de l’élite. Il sera désormais difficile de retrouver un novice qui entraîne une équipe de première division ou alors une sélection nationale parce qu’il y avait déjà un certain cafouillage dans l’exercice de ce métier. De plus, tous les deux ans, il sera procédé à un recyclage des entraîneurs qui sont sur le terrain pour comprendre que les techniques de l’entraînement du football moderne évoluent. Ainsi, ils pourront être à la page de toutes les innovations en matière d’entraînement. Les entraîneurs travailleront effectivement sur le terrain, ce qui aura pour but d’éviter le tripatouillage que l’on observe sur les âges des jeunes footballeurs. Avec les entraînements spécifiques qui seront dispensés, si un jeune change son âge, il risque de se retrouver dépassé car les entraînements qui lui seront prodigués ne seront plus de son âge et il ne pourra pas progresser comme il se doit. Il existe une ouverture avec ce statut, car c’est un métier qui sera à la portée d’un grand nombre de personnes au chômage qui en profiteront pour s’occuper valablement des jeunes sur le terrain. Actuellement, la majorité des entraîneurs qui travaillent sur le terrain le font par amour du travail. Si nous ajoutons à cet amour la qualification, c’est le football camerounais qui en sera bénéficiaire.
Camfoot.com: Qu’est-ce qui peut expliquer le fait que certains de nos entraîneurs qui officient dans des clubs de l’élite refusent de se soumettre à ces stages de recyclage organisés par la Direction Technique nationale ?
Pierre Njili Ndengué: Je crois tout simplement que c’est un problème d’ignorance. Ils ignorent les textes qu’ils sont pourtant nombreux à avoir entre les mains. Malheureusement, ils ne le lisent pas. Ensuite il s’agit d’un manque d’humilité, car qui cesse d’apprendre doit cesser d’exercer. Vous ne pouvez dispenser le même entraînement à un enfant de 12 ans et à un joueur de première division. Pourtant, ils sont nombreux qui le font du fait de l’ignorance, justement. Si le Cameroun veut continuer d’avoir de grands joueurs dans l’avenir, cela passe par la formation. Ainsi, la tradition de grands joueurs tels Mboma, Eto’o, Njitap, Song Bahanag… sera perpétuée. Mais si la formation n’est pas adéquate, nous ne pourrons pas avoir de grands joueurs, encore moins un championnat de D1 attrayant. Nous ne pourrons tout simplement pas avoir une bonne équipe nationale. La formation est la bienvenue pour notre football et le statut des entraîneurs vient poser des gardes fous pour permettre à ceux-ci d’exercer en toute sérénité et efficacement.
Camfoot.com: Certains de ces entraîneurs posent le problème de la qualité de la formation. Quelle garantie pouvez-vous donner quant à la qualité de vos stages de formation ?
Pierre Njili Ndengué: Je crois que ceux qui mettent en doute la qualité de nos formations n’ont rien compris à la chose. S’ils pensent avoir des programmes aux contenus mieux élaborés que ceux que nous avons à la DTN, qu’ils nous les apportent et nous en discuterons. Il ne s’agit pas d’aller dans les bars et les quartiers raconter n’importe quoi, il s’agit plutôt de se rapprocher de la DTN et nous leur montrerons les contenus des programmes niveau1, niveau2 et niveau3. Les contenus de premier degré, de deuxième degré, de troisième degré, et même le contenu du programme des Instructeurs. Je crois que si l’on parvient à être instructeur, c’est qu’on a forcément maîtrisé toutes ces données, depuis la base jusqu’au sommet. Il y en a qui prennent un malin plaisir à critiquer ceux qui travaillent et je pense qu’il est grand temps que cela cesse. Allez interroger la majorité des entraîneurs et ces éducateurs que nous avons pu former depuis 2000 et vous verrez qu’ils sont tous unanimes sur la bonne qualité du contenu et qu’avec ça, ils peuvent travailler, non seulement au Cameroun, mais aussi à l’extérieur du pays. C’est ici l’occasion de rappeler que ces diplômes que nous leurs remettons leurs permettent de travailler même dans la zone Schengen, car nous avons eu l’aval du DTN français qui est Aimé Jacquet et qui nous a affirmé que le contenu de nos formations était homologué et reconnu en France.
Camfoot.com: Que répondez-vous à ces présidents de clubs qui émettent quelques réserves quant à ce statut des entraîneurs et qui seraient pour son retrait pur et simple ?
Pierre Njili Ndengué: Je crois que ces présidents de clubs devraient aussi être formés, car il est stipulé dans les règlements généraux de la Fédération qu’ils doivent avoir une licence technique de présidents de clubs comme cela est fait partout ailleurs. Si vous observez bien, tout le monde se proclame président de club au Cameroun, pour peu que l’on ait quelques milliers de francs dans la poche. Ils sont nombreux à ne même pas savoir quel est le rôle d’un président de club et si vous leur demandez si leurs clubs ont un statut, ils vous répondront certainement par la négative. Ils n’ont pas de cursus de formation de président de clubs ? Certainement pas. À la Direction Technique nationale, nous avons un programme de formation pour les présidents de clubs et je pense que ceux du Cameroun en ont grand besoin. Ils leur faut comprendre que le management moderne d’une équipe de football ressemble à s’y méprendre au management d’une entreprise. Pris comme tel, les présidents de clubs ici chez nous ne peuvent qu’être mécontent de cette évolution, car ils ne maîtrisent pas grand-chose. Pour ne pas l’avoir lu pour la plupart, ces présidents de clubs ignorent même que ce statut les couvre également. S’ils avaient lu ce statut, ils seraient les premiers contents au lieu de chercher à tout prix ce que j’appelle la petite bête. Ils ne pensent qu’à l’argent et se disent que les entraîneurs vont leur revenir cher. Pourtant dans le texte, il n’est mentionné nulle part la valeur du salaire d’un entraîneur. Il y a plusieurs manières de faire un contrat. Le président peut vous donner du terrain, vous faire signer un contrat à long terme stipulant que vous serez payé dès qu’un joueur de l’équipe sera transféré…le contrat peut être verbal, question de motiver l’entraîneur et l’amener à travailler avec engouement. Maintenant que les entraîneurs sont formés et que le statut existe, il ne sera plus possible pour un président de club d’ici quelques années d’utiliser un entraîneur sans avoir signé avec celui-ci un contrat. Le contrat couvre et les entraîneurs et les présidents de clubs et ces derniers doivent être suffisamment humbles pour comprendre que les choses évoluent et qu’il faut vivre avec ces évolutions qui sont dans l’air du temps. L’Assemblée Générale de la Fécafoot a adopté un statut des entraîneurs et il faudra bien que les présidents de clubs, contents ou pas, l’acceptent. D’ailleurs, à l’exception de la province du Centre, toutes les autres provinces du Cameroun ont déjà adopté ce statut des entraîneurs. Et cela se ressent sur les résultats des équipes de cette province qui joue les récalcitrantes.
Camfoot.com: Quelles sont les sanctions auxquelles s’exposent ces entraîneurs, ces présidents de clubs et ces clubs qui ne veulent pas s’arrimer à ce statut ?
Pierre Njili Ndengué: Les sanctions sont contenues dans les textes de base de la Fécafoot. Maintenant dans le statut des entraîneurs, il est dit que vous ne pouvez entraîner deux clubs la même année, vous ne pouvez vous asseoir sur le banc de touche alors que vous n’êtes pas qualifié, vous ne pouvez envoyer vos programmes d’activité pour que l’on vérifie si vous êtes dans la norme. Les sanctions vont de l’avertissement à la perte de points doublée d’une sanction pécuniaire, en passant par le blâme.
Camfoot.com: Vous croyez la Fecafoot capable de faire appliquer ceci aux présidents de clubs, quand on sait qu’elle est incapable de faire respecter son propre statut à ses membres ?
Pierre Njili Ndengué: La Fédération ne joue pas le rôle qu’elle devrait jouer effectivement. Vous savez autant que moi que la fédération a une commission où les dossiers doivent passer. La commission qui après étude envoie le dossier au niveau du Bureau exécutif qui décide. Quelle que soit la décision du Bureau Exécutif, il aura de bonnes décisions de l’avoir prise. Les sanctions ne sont donc pas immédiatement prises et vous constatez que le Bureau Exécutif joue un rôle prépondérant dans la prise de sanctions. Il y a des étapes pour arriver à une sanction et je pense que la Fécafoot à qui revient cette tâche la remplira parfaitement.
Camfoot.com: Un dernier mot à l’endroit des joueurs, des encadreurs, des présidents de clubs…
Pierre Njili Ndengué: Je pense que l’humilité devrait être de règle pour nous tous, en commençant par nous les instructeurs de la DTN. Que tout ce monde qui est encore à la traîne puisse faire preuve d’humilité pour venir au moins comprendre ce qui se passe avant de chercher à critiquer délibérément. Nous de la DTN sommes prêts à écouter tout le monde et, s’il se trouve que nous nous sommes trompés quelque part et que la partie d’en face a raison, nous serons bien obligés de reconnaître nos torts et à nous remettre en question.
Camfoot.com: Autre actualité Monsieur Njili, le Cameroun n’a plus d’entraîneur. Vous qui êtes entraîneur, que pouvez-vous dire de cet état de choses ?
Pierre Njili Ndengué: Vous faites erreur. Le Cameroun a bel et bien un entraîneur en la personne de Monsieur Nyongha que le Ministre des Sports a récemment confirmé comme intérimaire, en attendant que la situation change. Je pense que Jules Nyongha a les aptitudes pour diriger cette équipe et qu’il ne saurait travailler seul. Il devrait faire des propositions afin que d’autres techniciens viennent lui donner un coup de main dans sa lourde tâche.
Camfoot.com: Et si son choix se portait sur vous ?
Pierre Njili Ndengué: Je ne saurais dire non. Je suis à la disposition de mon pays et je ne refuserais jamais de donner un coup de main à mon ami Jules et ainsi servir le football camerounais.
Camfoot.com: Reste qu’il est intérimaire et que dans les prochains jours l’on pourrait désigner un entraîneur principal. Militez-vous pour la filière étrangère ou alors faut-il remettre les clés de la maison aux nationaux ?
Pierre Njili Ndengué: J’ai toujours dit que l’intelligence n’a pas de couleur. Ce n’est pas une affaire de Blanc ou de Noir. Il faut que ce soit un expert. Celui qui a l’expertise requise devrait être nommé à la tête de cette équipe. Il y a des conditions préalables pour être entraîneur des Lions Indomptables et que ce soit un noir ou un blanc, s’il remplit ces préalables, on lui confie le poste. S’il m’était donné de faire des propositions, je pense qu’en 2006, l’on n’a pas besoin de chercher un entraîneur expatrié. Il y a suffisamment d’experts au Cameroun qui pourraient faire l’affaire.
Camfoot.com: Pensez-vous être capable de tenir la barre de cette équipe nationale des Lions Indomptables si on vous en confiait la responsabilité ?
Pierre Njili Ndengué: J’en serais capable. Je pense qu’après 25 années de travail sur le terrain et après avoir gravi les échelons comme je l’ai fait tout au long de ma carrière, je serais capable de conduire cette équipe des Lions Indomptables.
Propos recueillis par Guy Nsigué à Yaoundé