Depuis quelques semaines, la police judiciaire à Yaoundé reçoit ses nombreux “ clients ” de la Fécafoot et du Minsep. Hier était un autre jour. On parle du retour sur la gestion des fonds alloués pour la Can 2006.
Dans le cadre de la participation des Lions indomptables du football à la coupe d’Afrique des nations (Can) Egypte 2006, et répondant à la lettre Ln° 2050/L/Minsep/SG/DS du 29 décembre 2005, les services du Premier ministre ont indiqué, au ministre des Sports et de l’éducation physique (Minsep), que le gouvernement de la république leur a alloué une dotation de plus de deux milliards de francs cfa.
En effet, le secrétaire général des services du premier ministre a écrit au Minsep en ces termes : “ J’ai l’honneur de vous faire connaître que par courrier séparé (…) le ministre de l’Economie et des finances a été instruit de préparer une provision spéciale de deux milliards cinquante un millions cinq cent mille francs arrêtée pour financer la participation de notre équipe nationale fanion “ Les Lions Indomptables ” à la phase finale de la 25ème coupe d’Afrique des nations prévue en Egypte du 20 janvier au 10 février 2006. ” Le secrétaire général, dans la même note, a précisé le calendrier des déblocages desdits fonds ainsi que l’usage y relatif.
Le premier déblocage, pour un montant d’un milliard deux cent neuf millions cinq cent mille francs, représentait les dépenses avant compétition et les primes de matches du premier tour. Somme qui a été décaissée avant le début de la compétition. La deuxième tranche, quatre cent soixante sept millions, nécessaire au paiement des primes des 1/4 et 1/2 finales a été débloquée le 1er février 2006 à la suite de la qualification des lions pour le second tour. Les 375 millions restant, réservés à couvrir les primes de victoire en finale devraient être débloqués à leur retour à Yaoundé.
Le projet de budget
Le transport Yaoundé – Paris – Le Caire – Paris – Yaoundé, pour le Minsep, le représentant de la présidence, celui de la primature, les invités spéciaux, le Dag et Roger Albert Milla a coûté 36 millions, soit 3,6 millions pour chacun. La classe économique qui compte douze personnes a coûté 13,2 millions de francs Cfa. Quant aux billets d’avion Tunis – Le Caire – Paris – Yaoundé, pour le directeur des sports, le médiateur, le préparateur psychologique et les entraîneurs, l’Etat a dépensé 16,1 millions soit 2,3 millions pour chacun des sept membres. Les deux encadreurs administratifs et les vingt trois joueurs qui ont voyagé en classe économique. Ceci a valu 24,7 millions de francs Cfa.
Dans ces montants, quelques irrégularités sont observées. D’abord on parle d’un billet d’avion pour le préparateur psychologique, Yannick Noah, qui n’a pourtant pas été du voyage. Qui a donc touché la somme de 2,3 millions qui était allouée à l’achat du billet d’avion. Autre cas, on parle de deux encadreurs administratifs et de vingt trois joueurs. Pourtant dans les calculs, l’on se retrouve avec vingt-six personnes au lieu de vingt-cinq. Là encore, on se demande qui a distrait les 950 mille francs. Dans l’ensemble, il est écrit qu’une somme de 90 millions a été dépensée. Mystère et boule de gomme.
Primes
Le flou reste perceptible dans la gestion de l’enveloppe des primes. Selon les mêmes calculs, pour ce qui est des primes de participation, chaque joueur avait droit à une somme de 15 millions. L’entraîneur principal, Artur Jorge, aurait reçu 30 millions, 15 millions pour chacun de ses deux adjoints. C’est le même montant qui a été reversé au directeur des sports. A quel titre ? Motus et bouche cousue. Officiellement, chacun des deux médecins a reçu 5 millions, 2 millions pour chacun des deux kinésithérapeutes, 5 millions pour le médiateur, même montant pour l’encadreur psychologique – pourtant absent – et le directeur administratif. Le directeur administratif adjoint et le chef de bureau de la direction des équipes nationales de football ont perçu respectivement 3 et 2 millions. Selon les textes.
On se souvient des éclats de voix venus de l’Egypte selon lesquels les entraîneurs adjoints et les autres membres sus-cités à l’exception des joueurs et de l’entraîneur principal n’ont pas eu les montants qui leur revenaient. Toujours la même interrogation : donc touché la prime de l’encadreur psychologique ?
Les primes des matches du premier tour étaient estimées à 5 millions pour chacun des 23 joueurs en cas de victoire. Les Lions ayant remporté leurs trois premières rencontres, une somme globale de 345 millions a été dépensée. Par match gagné, l’entraîneur principal, l’entraîneur adjoint, les deux médecins, les deux kiné, le médiateur, l’encadreur psychologique, le directeur administratif des équipes nationales, le directeur adjoint et le chef du cabinet de la dite direction devraient recevoir respectivement par match : 10,5, 3, 1,5,2, 2, 3, 2,5 et 1,5 millions. Cette enveloppe globale donnait un total de 455 millions francs Cfa.
Sur quoi repose cette répartition des primes ? Dans sa lettre signée en janvier 2005 nommant les entraîneurs, le ministre en charge des sports avait trouvé deux collaborateurs à Artur Jorge. Qu’est-ce qui justifie qu’au moment de répartir les primes l’on parle d’un seul adjoint. C’est le même ministre qui avait présenté Jacques Songo’o comme étant l’entraîneur des gardiens de but. Mais au Caire, il a été presque ignoré lors de la répartition des primes.
En outre, il se trouve que la décision N°124/Mjs/Daen du 10 août 1999 signée du ministre Joseph Owona précisant la nature des avantages n’a pas été modifiée. Elle stipule en son article 2 “ les encadreurs ci-après désignés perçoivent le double de la prime attribuée aux joueurs : le Daen ou son représentant, les entraîneurs et le médecin. ” Texte, pas encore annulé, que le directeur administratif a semblé ignorer puisque les entraîneurs Jules Frédéric Nyongha, Songo’o Jacques n’ont pas eu droit aux primes tel que le texte le prescrit. L’entraîneur des gardiens de buts a même menacé de porter plainte si ses droits n’étaient pas respectés.
En somme, dans cet îlot de frustrations, les Camerounais de différentes responsabilités présents en Egypte affirment n’avoir pas reçu les montants qui leur revenaient. A quel niveau l’argent a-t-il été distrait ? Seules les enquêtes engagées par les fins limiers de la police judiciaire nous éclaireront.
Par Sandeau Nlomtiti, Le Messager