A l’heure où l’on s’interroge sur la valeur sportive de notre équipe nationale de football, à quelques jours de son choc contre les Eléphants de Côte d’Ivoire, on omet très souvent de s’intéresser à l’organisation qu’il y a tout autour de cette sélection et qui, en toute logique, peut influer sur les résultats sportifs.
Remarquez que depuis le 02 septembre 2002, l’équipe nationale de football du Cameroun est régie par une décision du ministre de la Jeunesse et des Sports, qui a, de fait, abrogé des dispositions contenues dans deux décrets du président de la République, celui du 31 octobre 1972 et celui du 14 février 1985 portant organisation de l’équipe nationale de football. Ladite décision crée la »Cellule administrative des équipes nationales de football ». Et depuis bientôt deux ans et l’échec des Lions indomptables à la Coupe du monde Corée/Japon, on navigue dans le provisoire, alors que la mise sur pied de ce genre de structure règle en général un problème urgent et ponctuel et prépare la transition vers du solide et une structure définitive.
Le ministre Bidoung Mkpatt, profitant de l’amertume du public née de la déception de la Coupe du monde 2002, a donc mis entre parenthèses des textes du chef de l’Etat, dans un Etat de droit. Le décret n°72/600 du 31 octobre 1972 avait créé une direction administrative de l’équipe nationale placée sous l’autorité d’un directeur administratif, avec rang de chef de service, et une direction technique nationale placée sous l’autorité d’un directeur technique, avec rang de sous-directeur de l’administration centrale. Or, une autre décision du Minjes, signée le même 2 septembre 2002, nommait des directeurs techniques et entraîneurs nationaux par intérim, y compris dans des équipes nationales qui n’existent dans aucun texte, telles que les équipes nationales A’ et minimes. Ces responsables doivent pourtant être nommés par arrêté. Mais, comme l’arrêté passe par les visas des services du premier ministre et de la présidence de la République, avec toutes les exigences sur les équilibres professionnels, sociologiques et d’expérience, le Minjes a trouvé un raccourci avec ses décisions.
Une semaine avant son limogeage, Bidoung Mkpatt persistait dans sa gestion illégale de l’équipe nationale en nommant de nouveaux hommes, toujours intérimaires, dans l’encadrement des Lions indomptables, dont un illustre inconnu comme nouvel adjoint de Winfried Schäfer, et, dans la même lignée, un autre blanc-bec à la tête de la Cellule administrative provisoire des équipes nationales.
Depuis longtemps, le comptable-matières de la direction administrative de l’équipe nationale ne sert plus à rien : le Minjes a nommé un responsable de matériel et un régisseur, des postes qui ne figurent dans aucun organigramme. En fait, l’astuce consiste à mettre l’équipe nationale de football du Cameroun sous la coupe réglée des proches parents du ministre. Songez donc, le coordonnateur de la cellule administrative provisoire (Engogomo), le médecin de l’équipe nationale (Olivier Assamba), le masseur (Jean Claude Mkpatt), l’ancien chargé du matériel (le gendarme Ngack), le directeur du stade Ahmadou Ahidjo (Bella Eves), le sous-directeur au Minjes chargé des infrastructures (Victor Fintsou), le régisseur de l’équipe nationale (Mme Adella), sont tous issus de la Haute Sanaga, le département d’origine du ministre sorti. Nous ne parlerons pas ici des autres « encadreurs » sans titre, qui rôdent autour de l’équipe nationale, puisque la décision n°261 du 19 décembre 2000 précise : « Sont considérés comme encadreurs, le directeur administratif ou son représentant, le entraîneurs, les médecins, les kinésithérapeutes, les autres personnalités désignées par le ministre chargé des Sports du fait de leur expertise ».
Hors la loi
Bidoung Mkpatt aura ainsi eu le temps, en quatre ans passés au Minjes et quatre autres années comme directeur de l’Institut national de la jeunesse et des sports (Injs), de mettre les choses sens dessus-dessous dans le sport camerounais. Car, l’Injs n’a pas échappé à ce piétinement en règle des textes en vigueur. Ainsi, le décret n°91/255 du 30 mai 1991 a créé trois divisions d’études : les sciences et techniques de l’activité sportive et physique (Staps), les sciences et techniques de l’animation (Sta) et la division des études supérieures spécialisées. M. Bidoung Mkpatt y a fait nommer plus de trois chefs de division, scindant parfois chaque division en deux. Conséquence, c’est une véritable cacophonie qui règne à l’Injs depuis 1996, une école qui ne s’illustre plus que par sa fanfare.
La formation est désormais reléguée au second plan. Une année préparatoire a été créée de toutes pièces pour les candidats titulaires de la licence, sans que cela eut fait l’objet d’une modification du texte officiel. C’est ce lourd héritage que l’administrateur civil à la retraite, Siegfried David Etame Massoma, a trouvé au ministère de la Jeunesse et des Sports. Il s’en accommode de manière surprenante, puisque les rencontres internationales contre la Bulgarie, le Bénin et la Libye ont été gérées dans cet embrouillamini. Le nouveau Minjes ne donne pas l’impression de vouloir faire mieux et faire bouger les choses. Même le délai qu’il a accordé à sa propre commission de relecture des textes de la Fécafoot est dépassé, mais l’homme ne bouge pas. Oubliant qu’un match de football ne se joue pas éternellement.
E. Gustave Samnick, Mutations