Porté à la tête de l’Association des clubs de première division (Acpd) en avril 2004, le président de l’Union sportive de Douala, directeur général de la société anonyme Compagnie financière de l’Estuaire (Cofinest), revient sur son élection, la descente en deuxième division de Renaissance de Ngoumou et de Cintra de Yaoundé, les grandes lignes de son plan d’action, et fait un diagnostic de la gestion du football au Cameroun. Lisez plutôt.
Comment êtes-vous arrivé à la présidence de l’association des clubs de première division (Acpd) au Cameroun ?
Pour dire vrai, ce fut par un concours de circonstance, à l’assemblée générale (Ag) de l’association en avril 2004 à Yaoundé. En effet, en se rendant à cette Ag d’avril 2004, les membres de l’association savaient que l’ancien bureau allait être rénové mais, nul ne pouvait dire dans les détails comment allait se dérouler la succession du président sortant. Avant le début des travaux, certains des dix-huit clubs de première division ont jugé utile de faire une brève consultation. Au cours de cette consultation, un membre, le secrétaire général de l’Union sportive de Douala en l’occurrence, a proposé ma candidature au poste de président de l’association.
Venant de la famille Union, ce fut difficile de dire non. J’ai accepté d’être candidat ; surtout que l’Union est une grande figure du football camerounais. J’ai marqué mon approbation sans trop de soucis, sachant pouvoir compter sur l’ensemble de la famille. Je fus donc élu par 12 voix contre deux abstentions sur les 14 votants, sur la liste que j’avais présentée. J’ai remplacé M. Antoine Depadoue Essomba Eyenga, président du Tonnerre de Yaoundé. Notre association n’est pas celle des présidents de clubs de D1, mais celle des clubs de D1. Du reste chaque club est représenté par deux personnes désignées par leur club.
Après votre élection à la présidence de l’Acpd, certaines personnes ont déclaré que c’est par tribalisme – la majorité des dirigeants de clubs de D1 sont comme Michel Kamdem, originaires de la province de l’Ouest – . Qu’en dites-vous ?
Au Cameroun, le tribalisme est une gangrène. Elle mine la société. Aucun domaine n’est épargné, même pas le sport. Quand il y a un débat, au lieu de le mener à fond, on le ramène à la tribu. Sur toute chose, on trouve des explications tribales. C’est malheureux. Il faut regarder les personnes et leurs compétences et non le lieu où elles sont nées. Le lieu de naissance ne devrait constituer ni un avantage, ni un inconvénient. Les gens ont une bonne dose de mauvaise foi quand ils parlent de mon élection à la présidence de l’Acpd comme étant la résultante du tribalisme. Le dire en fait, c’est refuser d’admettre la réalité.
Pour revenir sur l’Ag d’avril 2004, les gens qui parlent de tribalisme s’appuient sur le fait que des 18 clubs de D1 qui étaient représentés en salle, 5 sont issus de la province de l’Ouest et 4, bien qu’installés à Douala, à Yaoundé ou à Buea, sont dirigés par des ressortissants de l’Ouest. Arithmétiquement donc, près de la moitié de la salle pouvait être considérée comme étant acquise à une région. Mais, ceci, c’est mal connaître les membres de l’Acpd. Ces derniers avaient à coeur de mettre à la tête de leur association quelqu’un qui puisse rassembler, défendre les intérêts des clubs de D1 et garantir le succès.
A l’Acpd, nous sommes des responsables et mettons un point d’honneur sur le respect des textes que nous avons élaborés et adoptés. Dans cette optique d’ailleurs, nous avons, au cours de l’Ag du vendredi 6 août à l’hôtel Beau Rivage à Bonanjo-Douala, procédé au remplacement du deuxième vice-président et du trésorier général, leurs clubs étant descendus en deuxième division à l’issue de la première phase du 45ème championnat d’élite de football. C’est ainsi que Théophile Abéga du Canon de Yaoundé – un club légendaire comme l’Union de Douala -, a été porté au poste de 2ème vice-président en lieu et place de Hans Njinou du Cintra de Yaoundé. Un des deux représentants du Tonnerre de Yaoundé au sein de l’association remplace Alexandre Owona de Renaissance de Ngoumou au poste de trésorier général.
Quels objectifs vous êtes-vous assignés à la présidence de l’Acpd ?
Les grandes orientations de la politique générale que le nouveau bureau exécutif de l’Acpd entend conduire durant le présent mandat, et ainsi que quelques aspects de la gestion de notre association, peuvent être résumés en 12 points :
- Mettre sur pied un siège permanent de l’association (ndlr : ceci est déjà effectif, il est situé à 200 mètres du siège de la Fécafoot à Tsinga-Yaoundé), avec boîte postale, téléphone et fax, et enregistrer l’Acpd;
- Constituer au siège de l’association une bibliothèque des principaux textes régissant le sport et le football au Cameroun ;
- Faire de l’Acpd une force incontournable dans la gestion de notre football ;
- Rendre effectives et opérationnelles les différentes commissions statutaires prévues et en particulier la commission de règlement des conflits pour laver le linge sale en famille, la commission du joueur, c’est-à-dire son statut et son transfert et subsidiairement, l’organisation des compétitions pour le respect scrupuleux des différents calendriers (championnat, coupe du Cameroun, etc.) ;
- Renforcer la présence de l’association dans la défense des intérêts de ses membres ;
- Faire évoluer l’Acpd vers la mise en place effective de la ligue nationale de football de première division ;
- Renforcer les démarches dans la recherche du financement efficient des clubs ;
- Rechercher une meilleure coordination dans la remise des subventions et des équipements programmés au niveau de la Fécafoot et au niveau des principaux sponsors ;
- Négocier avec les institutions hôtelières et les agences de voyages pour l’obtention des tarifs préférentiels en faveur des membres de l’association ;
- Mettre sur pied un organe d’expression de l’Acpd ;
- Adopter définitivement le logo et l’emblème de l’Acpd ;
- Participer plus activement à la gestion de la Fécafoot.
Par ailleurs, nous interpellons nos éminents membres qui siègent à l’Assemblée nationale pour des propositions de lois tendant à accorder des avantages aux entreprises et aux mécènes qui financent le football afin que cette source ne tarisse pas. Cette démarche peut rentrer dans le cadre général de la charte des investissements parce que dans notre esprit, le football au Cameroun est une industrie au même titre que toutes les autres.
Actuellement, quelle est la place de l’Acpd à l’Ag de la Fécafoot ? Le poids de votre association est-il important dans la gestion du football camerounais ?
Notre présence à l’Ag de la Fécafoot est purement symbolique. Ce que déplorent tous les présidents de clubs de première division. Nous ne sommes que 18 à cette Ag. Donc, on n’a même pas besoin de nous pour que le quorum soit atteint en vue de prendre telle ou telle décision, même si elle nous engage. Le plus souvent, ce sont des gens qui n’ont rien à voir avec le football qu’on retrouve en majorité à l’Ag de la Fécafoot. Des gens qui ne viennent que pour se servir au lieu de servir le football. Les responsables de clubs, qui se saignent pour le football, sont toujours oubliés.
A l’Ag de la Fécafoot, ces gens qui ne viennent que pour se servir ne sont actifs qu’au moment de l’élection des membres du bureau exécutif. Dès qu’un de leurs candidats ou alors un d’eux est élu à un poste de responsabilité, ils se fichent du reste. Les joueurs sont oubliés. Nul ne s’occupe des textes de fonctionnement et ceux régissant les compétitions. Tout est fait à la tête du client. Il n’y a qu’à voir les homologations des matches. Deux situations identiques sont souvent tranchées de façons différentes. Les clubs sont le plus souvent lésés et mis devant les faits accomplis. Ce sont autant de choses que nous voulons faire changer, pour le bien du football camerounais. Les clubs sont un maillon important de la chaîne et, dépensent énormément pour les joueurs et autres. Malheureusement, ils sont très lésés à l’Ag de la Fécafoot.
Parlant justement des présidents de clubs au Cameroun, on vous accuse d’être des “vendeurs de joueurs”, des négriers des temps modernes. Qu’en dites-vous ?
Je sais que le phénomène de “vente des joueurs” est une réalité au Cameroun. A l’Acpd, nous en sommes conscients. Mais, je peux vous rassurer que ce n’est pas sous l’étiquette de présidents de clubs que certaines de ces personnes que vous appelez “négriers des temps modernes” font partir les joueurs. La clique des gens qui se servent du football excelle dans la vente des jeunes footballeurs. Souvent, avec des complicités insoupçonnées. Certains présidents de clubs peuvent aussi être des vendeurs de joueurs, mais cette race de présidents n’est pas nombreuse. Pour ce qui est de l’Acpd, je peux vous assurer que les présidents de clubs qui y sont comme membres sont de véritables responsables qui servent le football camerounais. Toutefois, on m’a déjà présenté tel ou tel comme vendeur de joueurs mais, personnellement, je n’ai pas en mémoire une situation vérifiée. Reconnaissons néanmoins que ce fléau existe mais, en première division, c’est des cas marginaux.
A l’Acpd, nous avons aussi pour mission de protéger les clubs et les joueurs. Nous décrions le phénomène de vente de nos jeunes talents à l’étranger. Nous combattrons cela jusqu’à la dernière énergie, pour mettre hors d’état de nuire tous ces “négriers des temps modernes” qui nous privent de nos jeunes footballeurs. Il est hors de question que le football camerounais et les clubs souffrent pendant que certaines personnes s’en mettent plein les poches. Vous savez, le football est aujourd’hui une branche de l’activité économique. Grâce au talent de nos enfants, si nous avons une bonne organisation, le football va nous rapporter beaucoup. Le pays se développera grâce aux devises rapportées par le football. Imaginez que Eto’o, Song, Andem, Atouba, Wome, Kameni, Feutchine, Djemba, et autres jeunes Camerounais qui gagnent leur vie en Europe grâce au football reviennent investir dans une activité au pays. Cela participera de la lutte contre le chômage car, ils emploieront plusieurs personnes. Ce serait aussi, pour ces jeunes footballeurs, une belle façon de préparer leur retraite. L’Etat y tirera aussi des profits. Vous voyez que c’est une grande chaîne dont la finalité est le développement du pays.
L’on constate avec amertume que la paupérisation des clubs de football au Cameroun est criarde. Les clubs n’ont pas le minimum : siège, personnel qualifié, budget, matériels adéquats… L’Acpd pense-t-elle à remédier à cette situation ?
La première chose que je dis est que les dirigeants du football camerounais, tant au niveau des clubs que de la Fédération, sont complètement en déphasage avec la compétence technique de nos joueurs professionnels à l’étranger. Notre gestion du football ne correspond pas au niveau où nos joueurs ont placé la discipline dans le monde. Vous n’avez qu’à regarder notre arbitrage, il est encore loin d’être ce que l’on souhaite. Pour les différentes compétitions internationales, nos arbitres ne sont pas toujours sollicités. C’est une honte pour le Cameroun, grand pays de football dans le monde.
C’est vrai, les clubs au Cameroun n’ont pas toujours des sièges. Certains en ont, mais qui ne sont pas dignes de la popularité du football camerounais. Les clubs n’ont pas de budget établi, ils vivent au jour le jour. Mais, je pense que les responsables de la gestion du football camerounais ont une grande part de responsabilité dans tout cela. Car, c’est à eux que revient la charge d’établir les règles de jeu, d’instaurer un cahier de charges à respecter par tous les clubs. Mais, le tribalisme auquel nous avons fait allusion plus haut permettra-t-il de faire vraiment respecter le cahier de charges s’il est instauré ? Car, si un club est écarté parce qu’il ne remplit pas les conditions contenues dans le cahier de charges, les originaires de la région dont est issu ce club se plaindront. Ils diront qu’on en veut à leur tribu.
Pour ce qui me concerne, ainsi que nombre de mes pairs de l’Acpd, l’instauration d’un cahier de charges pour les clubs serait une très bonne chose. Par ailleurs, nous pensons qu’il est nécessaire de revaloriser les conditions de vie de nos joueurs. La Fécafoot a fixé à 35.000 Fcfa le salaire minimum de tout footballeur au Cameroun. Mais, rares sont les clubs camerounais qui respectent cette exigence-là. Comment voulez-vous alors que les jeunes n’aient pas toujours en idée de partir ? Ils s’en vont avec à coeur de bâtir leur vie. Je voudrais que ce qui se passe ailleurs soit transposé au Cameroun. Surtout pour ce qui est des clubs. Il faudrait que des clubs sans ressources pour bien gérer une saison soit relégués en D2 ou alors, interdits de recrutement pour cette saison-là. Ainsi, nous pourrons, avec le temps, rivaliser avec ce qui se passe sous d’autres cieux.
Entretien mené par Honoré FOIMOUKOM, Le Messager