Du côté de Sofia, entre l’Église Sainte-Sophie et le somptueux hôtel Sheraton qui masque la fameuse rotonde St-Georges, on a le choix entre les fameuses eaux minérales qui coulent à profusion à Brankia, le meilleur vin Tokaj de Hongrie et les soirées polissonnes à Ivanie où on discute autant de popotin et de football que de culture du cochon. Et à propos du verrat, qui fournit le gros de la cochonnaille dont les Slaves sont férus, la sagesse populaire prétend qu’un cochon finit toujours par devenir un porc.
C’est une façon qu’ils ont là-bas d’exprimer leur idée de la fatalité et le peu de confiance qu’ils mettent dans la possibilité que les choses qui vont mal s’améliorent. Mbami n’allait pas bien depuis la campagne tunisienne.
Sa démission de l’équipe nationale, contrairement à ce que laisserait croire mon allusion aux cochons, ne m’inspire pas le dépit qu’il paraît. Je refuse de me comporter en amant éconduit pour dire calmement que nous vivons un épiphénomène. Modeste Mbami a été un joueur important chez les Lions. Son départ nous attriste, mais ne nous fâche pas. En fait, passé le moment de choc induit par une déclaration solennelle, l’absence annoncée de Mbami ne nous soucie plus. Nous lui savons gré de l’honnêteté et de l’intégrité personnelle qu’il a exhibées à travers sa déclaration, et lui souhaitons bonne continuation.
Cela dit, rien ne nous empêche de régler de petits comptes en souffrance et de dire son fait à un joueur qui nous a laissés sur notre faim tout au long de sa carrière chez les Lions. Au lendemain de la disparition de Foé, nous l’avons investi de tous les pouvoirs, nous l’avons chargé de tous nos espoirs, nous l’avons entouré de toute notre sollicitude. Je me rappelle encore, dans le hall du Mouradi, à El Kantaoui, tout le monde lui parlait comme à une demoiselle, la rose à la bouche.
Au fil des matchs et des contre-performances des Lions, nous avons observé avec horreur la pusillanimité de Mbami, son manque d’ardeur et sa mauvaise humeur. Depuis la CAN tunisienne, Mbami a rasé les murs, connaissant par moments des passes d’armes au mieux à fleuret moucheté, mais très souvent des matchs atroces. Nous étions d’autant plus choqués que la télévision française nous montrait, samedi après samedi, un Modeste Mbami rageur, engagé, généreux et travailleur au sein du PSG.
Comme on dit au Québec, Modeste a toujours su de quel côté son pain était beurré. Du côté du PSG, c’est sûr, où il s’installe en maître. Grand bien lui en fasse !
Nous serions en droit de réclamer un remboursement, parce que le spectacle que Modeste nous a offert n’a jamais été à la hauteur de notre investissement. Nous n’en ferons rien, mais nous restons sur notre quant-à-soi, indifférents à une sortie sans doute précipitée par une mi-temps sur le banc des remplaçants à Khartoum.
À Modeste donc, et à tous nos autres Lions qui jouent sur la pointe des pieds chez nous et se défoncent le lendemain en club, nous rappelons que notre équipe nationale, peu importe la façon dont elle est dirigée, reste l’une des plus cotées du monde. Nous rappelons à tous que c’est une place au sein de cette équipe qui a raffermi et accéléré leur éclosion sur les terrains d’Europe et d’Asie. Nous rappelons que cette place est un privilège et non un droit et que ne peuvent en jouir que ceux qui veulent donner le mieux d’eux-mêmes, match après match.
Nous avons déjà donné, nous ne pleurerons pas cette fois-ci. Nous avons plutôt l’impression, au diable les Bulgares ! que l’avenir des Lions se dessine sous les meilleurs auspices possibles.
L. NDOGKOTI, ndogkoti@camfoot.com