Comme nous le pressentions et l’annoncions dans notre édition de vendredi dernier, le retour au bercail du président de la République a donné un coup d’accélérateur à l’intervention du gouvernement dans la règlement de ce qu’il a considéré comme une crise à la Fédération camerounaise de football (Fécafoot).
Samedi après-midi, le nouveau ministre de la jeunesse et des Sports, Siegfried David Etame Massoma, a publié un arrêté portant création d’une commission de relecture des textes de la Fécafoot. Composée de neuf membres (Nguewa Omer, Ngouh Oumarou, Talba Malla, Tambe Jonathan, Ngove Ngari, Bell Joseph Antoine, Minkoa She Adolphe, Ndaki Mboulet Bernard Claude et Nguini Charles), la commission ainsi créée a pour mission, de « relire les dispositions de la Fécafoot, en vue d’une meilleure mise en œuvre de la politique sportive nationale dans le domaine du football; examiner les aspects des statuts, du règlement intérieur et des règlements généraux, susceptibles d’entraver une saine gestion du football et/ou nécessitant des clarifications, notamment dans les relations entre la tutelle et la fédération ; s’assurer que les règles et les procédures relatives aux choix des responsables de la fédération sont de nature à garantir la transparence et le jeu démocratique à tous les échelons : départemental, provincial et national ; s’assurer de la conformité des statuts et règlements de la Fécafoot avec les statuts et règlements de la Fifa ».
Stabilité
A s’y méprendre, cette commission ressemble davantage à une commission d’enquête sur les textes de la Fécafoot, qu’à un instance chargée de les changer de fond en comble. Il lui est simplement demandé de relier et d’examiner, puis de proposer au ministre les points qui ne garantiraient pas l’expression de la démocratie, qui violeraient l’esprit des textes de la Fifa ou qui favoriseraient une mauvaise gestion de la fédération. Nulle part, il n’est demandé à la commission de réviser les textes ou d’en proposer une nouvelle mouture. Seulement, compte tenu du contexte qui a présidé à la mise sur pied de cette commission, on peut présager que la commission ne s’arrêtera pas en chemin et tentera de faire passer de nouveaux textes de base de la Fécafoot. Mais, quels changements fondamentaux va-t-elle apporter à des textes qui ont gardé la même armature, malgré quelques réaménagements davantage de forme que de fond, depuis la création de la Fécafoot en 1959 ?
Une rapide lecture des textes qui la régissent depuis ce temps-là laisse en effet voir que la Fédération est le rassemblement des associations de football ou de sociétés à objet sportif, qu’elle fonctionne toujours avec un conseil d’administration (ou Comité central) d’une trentaine de membres, un bureau exécutif (ou bureau directeur) et des ligues (ou délégations) provinciales, départementales et d’arrondissement. Quant au mode de scrutin en assemblée générale, il a toujours été un scrutin de liste pour l’élection du Comité central, même au temps du parti unique où le président, le secrétaire général et le trésorier étaient nommés par le ministre de la Jeunesse et des Sports, et les membres du comité central (conseil d’administration aujourd’hui) ont toujours été d’office délégués de l’assemblée générale suivante. Que veulent donc changer les commissaires désignés samedi dernier par la tutelle ?
La polémique née avant l’assemblée générale de la Fécafoot prévue le 24 avril 2004 tournait autour de la volonté du bureau exécutif sortant de verrouiller le jeu électoral pour s’assurer une réélection facile.
Croyant que le vent avait définitivement tourné, le premier vice-président de l’équipe sortante, Robert Penne, a entonné le même refrain dans une lettre adressée au président de la Fédération internationale de football association (Fifa), lui qui n’en avait dit mot le 23 avril 2003 au moment de l’adoption de ces nouveaux textes par une assemblée générale extraordinaire de la Fécafoot. Or, dans l’exposé des motifs des textes adoptés ce jour-là, les amendements proposés ne touchaient nullement au mode de désignation des organes dirigeants. Par rapport aux textes de décembre 1999, élaborés sous le contrôle de la Fifa après une nouvelle crise au sein de la fédération, ceux d’avril 2003 ne s’intéressent à la composition du corps électoral que pour récuser la qualité de membre de l’assemblée générale aux représentants des commissaires de matches. Dans la précipitation, ceux-ci avaient été classés parmi les corps de métier du football ; or, le commissaire de match n’a aucune formation et est désigné selon le bon vouloir du secrétaire général de la Fécafoot…
Interrogations
En clair, la révision précipitée des textes régissant la Fédération camerounaise de football préconisée par le gouvernement, sous la pression des lobbies opposés aux dirigeants actuels de la Fécafoot, apparaît sans objet, surtout si elle vise à sanctionner la maladresse et la légèreté qui ont conduit le bureau exécutif en place à désobéir à une décision de la Fifa, laquelle avait clairement interdit le port du maillot en une pièce (Uni-QT) par les Lions indomptables, au cours du quart de finale de la Coupe d’Afrique des nations 2004, Cameroun-Nigeria. On n’a aucune garantie en effet que les textes modifiés (on ne sait dans quel sens) contraindront le nouveau président de la fédération à agir différemment. Il n’y a aucun lien entre les deux situations, comme un raccourci veut le laisser croire. L’initiative de modifier les textes de la Fécafoot est d’ailleurs une histoire de raccourci : les lobbies veulent en effet que des individus ne faisant pas partie de la fédération, sous prétexte qu’ils ont été désignés au conseil d’administration ou à l’assemblée générale par le ministre de tutelle, puissent diriger la fédération. Autant regretter l’époque obscure du parti unique et des nominations…
Reste maintenant à s’interroger sur la qualité des personnes choisies pour cette mission de « relecture » des textes de la Fécafoot. On remarquera que le gouvernement a choisi de faire la part belle aux opposants à l’équipe sortante de Mohammed Iya. Il y a bien sûr Joseph Antoine Bell, qu’on ne présente plus à propos de ce sujet. Mais aussi, Ibrahim Talba Malla, président de la Fédération camerounaise de sport pour tous, et qui a demandé à être déchargée cette année de ses fonctions de président de la commission nationale d’homologation et de discipline de la Fécafoot. Il travaille désormais en coulisse avec les gens d’en face. M. Ngouh Oumarou, ancien directeur des affaires générales du Minjes, aujourd’hui dans les services du Premier ministre, a piloté le dossier ces dernières semaines à l’immeuble Etoile. Il fait partie de ceux qui ont juré d’avoir la peau de Iya et compagnie. Jonathan Tambe est le délégué provincial du Minjes au Sud-Ouest ; il écoutera la voix de sa hiérarchie.
Resteront les juristes Adolphe Minkoa She (universitaire) et Charles Nguini (avocat de la Fécafoot), pour tenter de faire l’équilibre, en compagnie de M. Ngove Ngari, un vieil habitué de la Fécafoot qui a désavoué récemment Robert Penne dans la ligue provinciale de l’Est. Mais, la grosse interrogation concerne le président de cette commission. Omer Nguewa est pharmacien de métier, et fut un temps président de l’Union sportive de Douala. Membre du comité central du Rdpc, il commence à être un habitué des coups fourrés du gouvernement. Il avait en effet déjà été appelé en 1994, avant la World Cup, dans la plus grosse escroquerie publique jamais organisée dans ce pays et que l’on baptisa « Opération coup de cœur pour les Lions ». Le peuple, qui se cotisa de bon coeur, n’a jamais eu les comptes de cette affaire jusqu’à ce jour où l’on parle de vouloir instaurer la transparence dans les affaires de la Fécafoot.
E. Gustave Samnick