Rédactrice en chef des sports et loisirs à radio nationale, cette dame de fer est, depuis sept ans, de tous les voyages des lions indomptables à travers les stades du monde. Au Cameroun sa voix suave est connue de tous à travers ses reportages, et ses analyses pertinentes, véritable personnalité ressource, elle nous parle sans complaisance de la succession de Winfried Schäfer.
Camfoot.com: Depuis plus d’un mois, le Cameroun n’a pas trouvé successeur à Winfried Schäfer, on va dire que cette situation perdure tout de même ?
Madeleine Soppi Kotto: C’est vrai, si on pense que la phase retour des éliminatoires couplées Can/ coupe du monde 2006 c’est pour le mois de mars. On comprend que mars c’est déjà demain lorsqu’on connaît ce qu’il faut conjuguer comme effort pour mettre une équipe sur pied ; mais en même temps, on peut aussi comprendre sans la justifier l’attitude des personnes qui doivent décider. Il me semble aujourd’hui qu’on joue plus de prudence compte tenu de tout ce qui a précédé et qui a même accompagné le limogeage de celui qui est désormais considéré comme l’ex entraîneur des lions indomptables du Cameroun. C’est vrai que le temps presse, mais j’ai envie de dire que tous ceux qui doivent prendre la décision se veulent prudent. Vous savez tous les espoirs qu’on a fondé sur cette équipe, et vous savez également les déceptions qui ont accompagné la moitié du parcours de ces éliminatoires mondial / Can 2006. Tout le monde est d’accord qu’il faut un entraîneur, le souhait du plus grand nombre aurait été qu’au lendemain du limogeage de Schäfer qu’on ait déjà un entraîneur. En même temps aussi en tant que observateur de ce mouvement sportif, je comprends assez bien la prudence de ceux qui doivent prendre la décision.
Camfoot.com: Pour vous quel doit être le profil de cet oiseau rare ?
Madeleine Soppi Kotto: Il me semble qu’il doit d’abord être quelqu’un qui a fait ses preuves ailleurs, un technicien de haut rang parce que l’équipe nationale de football du Cameroun, a cette particularité si on s’en tient à son ossature actuelle, est une constellation de stars, par définition pas du tout facile à manager. Il faut quelqu’un qui ait suffisamment de l’autorité, et il me semble très humblement que cela a un peu manqué au cours de ses derniers mois. Il faut quelqu’un qui ait suffisamment de poigne, qui sache faire respecter ses décisions au-delà de tout, c’est à dire quelqu’un qui soit un technicien au sens propre du terme.
Camfoot.com: Quelques noms sont avancés, votre préférence va vers qui ?
Madeleine Soppi Kotto: Je préfère ne pas me livrer à ce jeu parce que comme je le disais tantôt, c’est une affaire extrêmement délicate. Mon souhait est que la marge d’erreur dans le choix de cet entraîneur soit très minime et que la déception soit très vite oubliée lorsque l’entraîneur sera mis au travail et que les lions recommenceront à faire des résultats.
Camfoot.com: Il y a ce débat qui a cours, d’aucuns pensent que qu’il faille ramener un entraîneur qui a déjà entraîné au Cameroun, alors que certains autres pensent qu’il faut un entraîneur totalement nouveau. Quel est votre avis sur cette question ?
Madeleine Soppi Kotto: Je m’inscris un peu dans la deuxième partie de votre question, il me semble aujourd’hui que les lions ont besoin d’un entraîneur au sens plein du terme, d’un chef d’équipe, parce ce que ce monsieur devra gérer toute une équipe. C’est peut être l’occasion pour nous de souhaiter que pour une fois au Cameroun, on ait un encadrement technique assez complet, où les rôles sont très bien définis où chacun s’aura ce qu’il a exactement à faire et lorsque se posera un problème qu’on sache exactement à qui la poser, que les gens soient suffisamment responsabilisés. Est-ce qu’il faut ramener X ou Y il me semble que se serait un peu faire injure à ce panel qui se présente aujourd’hui à travers le monde. C’est vrai un entraîneur de football pour avoir un peu parcouru des documents, pour avoir un peu cherché l’information parce qu’on est journaliste, un entraîneur coûte extrêmement cher. Mais je dis que le Cameroun mérite un entraîneur de haut rang, et de grâce laissons ceux qui doivent décider prendre toute leur responsabilité et nous choisir un entraîneur sans trop de pression.
Camfoot.com: Pourtant le ministre des sports vient d’associer les journalistes à ce choix. Trouvez-vous ce geste opportun ?
Madeleine Soppi Kotto: Je dois dire que c’est une ouverture d’esprit qu’on peut apprécier et qu’on doit même apprécier, parce que les journalistes sont des acteurs au quotidien et font entièrement parti de cette planète de football parce qu’ils ont la possibilité eux aussi de voir comment cela se passe ailleurs. Vous savez aujourd’hui lorsqu’on parle de village planétaire c’est un tout, c’est à dire que aujourd’hui on ne peut pas vivre en vase clos, sans voir ce qui se passe à côté, sans tirer de leçon. Personnellement je trouve assez, judicieux que le ministre des sports pense que les journalistes qui sont les observateurs au quotidien peuvent apporter un éclairage dans ce choix qui s’avère difficile.
Camfoot.com: Vous qui êtes de tous les déplacements de cette équipe nationale, le problème des lions indomptables est-il uniquement celui de l’entraîneur ?
Madeleine Soppi Kotto: C’est pour cela que je parlais tantôt d’un encadrement technique complet. J’aime mieux d’ailleurs parler d’une équipe au sens plein du terme. Les pêchés mignons de cette équipe par le passé sont connus. On sait qu’on a parfois eu à faire à une trop grande confusion, où l’on ne savait pas très exactement qui faisait quoi, où est-ce qu’on allait, tout le monde en est conscient heureusement, et il me semble que c’est à ce point là qu’il faut fixer le nouveau départ. Il faudra choisir les rôles, les définir et à la fin cela nous évitera l’amalgame et la confusion qu’on retrouve souvent dans l’analyse de certains hommes de media parce que finalement on ne sait pas qui fait quoi, on ne sait pas à qui demander quoi lorsque le moment des questionnements arrive.
Camfoot.com: Vous pensez sincèrement que le Cameroun peut encore obtenir sa qualification pour le mondial allemand de 2006 ?
Madeleine Soppi Kotto: Oui, j’allais dire trois fois oui, parce que lorsqu’on regarde les performances individuelles, c’est un espoir et un optimisme à deux niveaux. D’abord au niveau des performances individuelles de ses joueurs, cette année sans réveiller particulièrement la fibre patriotique de la Camerounaise que je suis, lorsque vous regardez les championnats européens, en Espagne en fermant les yeux c’est le Cameroun, au Portugal c’est toujours le Cameroun avec le petit Rudolph Douala, en Ukraine, en Turquie…. Donc au plan individuel il y a déjà des fortes raisons d’espérer. Maintenant le travail comme nous le disions se trouve au niveau de la nouvelle répartition des rôles, de savoir que les joueurs ne sont que des joueurs, ils viennent jouer et que les autres décisions, il y a certainement d’autres personnes pour les prendre.
L’optimisme à un deuxième niveau, c’est que nous avons la chance d’avoir un vivier particulièrement riche. Il suffira que l’entraîneur et ceux qui vont l’accompagner dans cette délicate mission sachent chercher, il me semble qu’il sera impossible qu’ils ne trouvent pas s’ils savent chercher. Le Cameroun regorge énormément de talents. Aujourd’hui on peut se permettre de rêver et dire que les lions n’ont pas encore perdu leur qualification, en tout cas j’y crois fermement.
Propos recueillis par Guy Nsigué à Yaoundé, nsigue@camfoot.com