A quelques semaines du démarrage des éliminatoires (annoncées pour le 3 septembre prochain) de la Coupe d’Afrique des nations Ghana 2008, la nomination des entraîneurs en charge des Lions indomptables met en branle tous les acteurs du football camerounais.
De sources dignes de foi jurent que le ministre de l’Education Physique et le président de la Fédération camerounaise de football se trouvent en Europe. Objectif, dénicher l’oiseau rare qui viendra officier à la tête des Lions indomptables. Des dizaines de techniciens du « vieux continent » ont déjà déposé leur candidature. C’est le cas de l’ancien entraîneur de la Côte d’Ivoire, le français Robert Nouzaret, des Belges Freddy Smets et Enzo Schifo, du Camerounais Richard Towa qui entraîne en Allemagne, etc. Dans la même lancée, des autorités au plus haut niveau de l’Etat consultent certains cadres de l’équipe nationale pour avoir leur avis sur le choix du prochain entraîneur. Le Premier ministre, Inoni Ephraïm, aurait reçu tout récemment Samuel Eto’o Fils (qui était d’ailleurs dimanche dernier au stade Ahmadou Ahidjo à Yaoundé) qui a clairement jeté son dévolu sur le tandem Jean Paul Akono et Manga Onguené. D’autres Lions (Song, Njitap, Kameni…) en vacances au pays interrogés par nos confrères affichent carrément leur préférence pour des sélectionneurs nationaux tels que ceux suscités et Jean Pierre Sadi.
On se réjouit de constater que les autorités prennent le poul des cadres de l’équipe nationale sur le choix de leurs futurs coaches. On est aussi flatté que ces joueurs demandent à être dirigés par les entraîneurs nationaux. Cependant, on s’interroge franchement sur les noms avancés ici et là par les uns et les autres. Une incongruité lorsqu’on sait que sous d’autres cieux, c’est lorsqu’on est dans le dilemme sur deux ou trois noms qu’on demande l’avis des joueurs cadres (c’est le cas en France Zinedine Zidane, sollicité, qui a jeté son dévolu sur Raymond Domenech). D’où vient-ils que nos Lions proposent carrément des noms (qui divergent d’un joueur à l’autre). La pression des joueurs, est, on ne peut plus claire.
Complexe de supériorité
Imagine-t-on alors les dirigeants faire leur choix sans prendre en compte le choix des joueurs. Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment peut-on demander aux joueurs de désigner leurs dirigeants ? Un peu comme si le directeur d’une école demandait à un élève de choisir son maître. Quel relation le joueur auraentretiendra-t-il vis-à-vis du coach qu’il aura choisi.
La chronique des Lions indomptables est d’ailleurs jonchée d’anecdotes sur le complexe de supériorité qu’affichent certains joueurs à l’égard des coaches Camerounais. Tout frais encore dans nos mémoires, le dernier match amical des Lions contre la Hollande le 27 mai dernier a étalé cette tare. Les Néerlandais avaient ardemment souhaité la présence du Pichichi de la Liga espagnole dans ce match, histoire de mettre à rude épreuve leur défense avant la Coupe du monde. Jusqu’à la veille de cette rencontre, Samuel Eto’o avait fermement assuré qu’il serait au stade de Rotterdam. Le jour j, l’attaquant du Fc Barcelone n’était pas dans la capitale hollandaise. Sammy était plutôt…dans la capitale française où il commentait, pour une télévision mexicaine, le match amical France-Mexique.
Interrogé par Camfoot sur cette absence injustifiée, Jules Frédéric Nyongha, l’entraîneur intérimaire de Lions indomptables, a soigneusement esquivé le sujet. Bonjour la langue de bois et le dilatoire. Décryptage : Nyongha ne peut pas dénoncer et fustiger cette caprice et insubordination d’Eto’o de peur de recevoir en pleine figure les représailles de son poulain. La preuve du manque de personnalité et non moins complexe d’infériorité des coaches nationaux à l’égard des joueurs de l’équipe nationale, venait, une fois de fois de plus, d’être confirmée. Autre curiosité, parmi les noms proposés par les Lions, on ne retrouve pas celui de… l’actuel intérimaire Jules Frédéric Nyongha.
Un technicien Camerounais fera-t-il le poids ?
Dans ce contexte, la demande des joueurs, pour des raisons qui leur sont propres, qui recommandent fermement des entraîneurs nationaux, est loin d’être désintéressée. Un Camerounais à la tête des Lions indomptables, on peut aisément imaginer la suite… Les stars vont monter sur leurs grands chevaux, les lobbies (qui existent déjà) vont se cristalliser davantage, certains d’entre eux se substitueront carrément aux techniciens pour constituer la liste des joueurs, etc.
Notre propos se veut clair. Loin de nous l’idée selon laquelle, un Camerounais ne peut diriger efficacement les Lions indomptables. D’ailleurs, lors de la dernière Can, n’avons-nous pas l’impression que les entraîneurs Africains sont revenus à la mode. L’un d’eux (Hassan Chehata) a même gagné la Can. D’autres, lors de cette compétition, ont fait une prestation remarquée. Ce sont Gonçalves (Angola), Mohamed El Seline (Lybie), M’hamed Fakhir (Maroc), Abdoulaye Sarr (Sénégal), Stephen Keshi (Togo), Kalusha Bwalya (Zambie), Charles Mlauri (Zimbabwe), Austin Eguavoen (Nigeria), etc. Cela fait bien 7 sur 16 équipes. Certains sont d’anciennes gloires du football continental.
Seulement au Cameroun, certains techniciens n’arrivent pas à se débarrasser du complexe des joueurs dit « professionnel ». Jean Manga, à qui on reconnaît volontiers toutes les compétences de coaching, est parti en Coupe d’Afrique des nations Burkina Faso 98 avec un effectif composé quasiment des joueurs « professionnels » en début d’année. Au mois de mars, le technicien Claude Le Roy vint et misa sur une belle brochette de joueurs du championnat camerounais pour la Coupe du monde qui se tient au mois de juin 98 en France. C’est le cas de Patrice Abanda (Tkc), Ebanga (Tkc), Kouetcheu (Racing), Joseph Cyril Ndo (Cotonsport), Djanka Beaka (Olympique de Mvolyé). Ce dernier, très en verve durant le mondial français, avait marqué un somptueux but qui a fait le top but durant toute la compétition. Traduction, en moins de trois mois, un entraîneur expatrié a détecté pas moins de 5 éléments du terroir local qui sont tous passés dans des championnats professionnels après la Coupe du monde.
Samuel Eto’o, quant à lui, pousse le bouchon très loin en prétextant que le seul expatrié capable de bien gérer les Lions en ce moment, c’est… Claude Le Roy, qui semble-t-il, est très occupé. Quelle est l’unité de comparaison de notre Pichichi national? N’est-ce pas un illustre inconnu, Valery Nepomniachi, venu quelque part des tréfonds de la Russie, sur qui personne ne pouvait miser un radis, qui mena les Lions jusqu’en quart de finale de l’inoubliable mondial italien en 1990 ?
Mourhino, Rijkaard… ne feront pas de miracle
A la veille de l’échéance du début des éliminatoires de la Can 2008 en septembre prochain, les indicateurs de la nomination de l’encadrement technique sont en branle. Les feux sont au vert. La décision suprême va tomber d’un jour à l’autre. Dans les coulisses, les puissants lobbies sont déjà activés. Chacun veut placer son « homme » avec tous les avantages qui peuvent suivre. Du temps de l’ancien ministre des Sports, Ismaël bidoung Mpacktt, n’a-t-on pas vu des joueurs sélectionnés tout simplement parce que leur géniteurs sont collègues ou amis du ministre ? Lors de la dernière Can en Égypte n’a-t-on pas vu la liste d’Artur Jorge (ex coach des Lions) « revue et corrigée » par les dirigeants du football Camerounais. Comme on peut le constater, l’enjeu du choix du futur entraîneur est capital, qu’il s’agisse des joueurs ou d’autres acteurs. Toute chose qui n’est pas pour servir le football Camerounais.
Au-delà du choix de l’encadrement technique, il faut bien retenir qu’un entraîneur, fut-il le bourré de talents ne fera jamais de miracle. Le problème au Cameroun, c’est moins la compétence de l’entraîneur que celui de l’incurie et de la navigation à vue des gestionnaires de l’équipe nationale. Même si on mettait à la tête des Lions indomptables Fabio Cappelo, José Mourhino, Franck Rijkaard ou Marcello Lippi, ces techniciens ne feront pas de prodiges s’ils n’ont pas les mains libres, les moyens de leur politique et une feuille de route clairement définie. C’est le premier pas vers la restructuration du football camerounais.
Eric Roland KONGOU, à Douala