Pierre Wome Nlend se dit « dégoûté » par les tripatouillages des listes, la qualité des joueurs convoqués et les interférences des cadres de l’équipe dans les choix du sélectionneur. Et d’après lui, c’est encore une histoire entre joueurs qui est à l’origine de sa non sélection.
Salomon Olembé (Marseille/France), Jean II Makoun (Lille/France) sont les deux premiers Lions indomptables à avoir foulé le sol camerounais. Ils sont arrivés hier matin par vol Camair, et font partie des 20 joueurs convoqués par Jules Frédéric Nyongha pour préparer le match Cameroun-Libéria du samedi 24 mars prochain, comptant pour la troisième journée des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations (Can) de 2008 au Ghana. Une rencontre à laquelle le latéral gauche du Werder de Brehme (Allemagne) n’a pas été convié. Une absence qui a surpris plus d’un. Le concerné en premier lieu.
Et pour marquer son mécontentement, Pierre Wome Nlend annonce sa retraite internationale. « J’en ai marre. Cela fait deux ans qu’on me tourne en bourrique », indique d’entrée Pierre Womè Nlend avec qui nous avons eu hier en fin de matinée un long entretien téléphonique. Mais l’objet véritable du retrait précipité du champion olympique 2000 n’est pas tant sa non sélection pour samedi prochain. « L’entraîneur a le droit de sélectionner qui il veut », reconnaît-il. Pierre Wome Nlend se dit « dégoûté » par les tripatouillages des listes, la qualité des joueurs convoqués et les interférences des cadres de l’équipe dans les choix du sélectionneur. Et d’après lui, c’est encore une histoire entre joueurs qui est à l’origine de sa non sélection. Mieux, le joueur dénonce les tensions entretenues au sein de l’équipe nationale par certains cadres qui l’ont embrigadé. Il indexe clairement Samuel Eto’o et Rigobert Song, entre autres.
Quatre jours après la publication de la liste des 20 sélectionnés de Cameroun-Libéria, Pierre Wome Nlend dit avoir été joint au téléphone par Albert Roger Milla, qui se trouvait en Suisse pour la présentation de son livre autobiographique, « L’épreuve de ma foi ». L’ambassadeur itinérant informe le joueur de ce qu’il « a appris que lui [Wome] n’a pas été sélectionné ». Naturellement, le joueur dit demander les raisons de ce désaveu. Et Milla de répondre, selon Pierre Wome : « J’ai appelé le ministre pour savoir pourquoi Nyongha ne t’a pas sélectionné. Il [le ministre] m’a dit qu’il avait appelé Nyongha pour que ce dernier s’exprime sur ton cas. Et Nyongha lui a dit que Samuel [Eto’o] a dit que tu dois d’abord lui demander les excuses et ensuite au reste du groupe » avant de le réintégrer. Pierre Wome poursuit : « D’après Samuel Eto’o, j’avais déclaré dans les médias qu’il [Samuel] avait refusé de tirer le penalty manqué face à l’Egypte [8 octobre 2005]. L’autre jour, au téléphone, j’ai alors demandé la conduite à tenir à mon « grand frère » Milla. Lequel lui a répondu : « Petit, tu demandes les excuses et ça passe […] Il faut savoir quitter les choses avant quelles ne te quittent ».
Et Roger Milla d’agiter ensuite, selon le défenseur du Werder, la fibre ethnique des deux joueurs et leur filiation comme raisons naturelles de leur réconciliation. Sauf que, d’après Pierre Wome, cette déclaration montrait bien le parti pris de l’ambassadeur itinérant. Ce qui l’a encore plus affecté. « Quand je me souviens que c’est ce même Roger Milla [avec Jean-Paul Akono] qui m’a pris la main pour aller voir le ministre lors de mon dernier passage au Cameroun… ». D’ailleurs, Wome Nlend affirme qu’il pensait que lors de cette rencontre du 5 janvier 2007, « tous les différends avaient été aplanis ».
Toujours est-il que Jean Paul Akono, le tout nouvel entraîneur des Juniors, ne partage pas l’avis de son « ami » Roger Milla. Selon Womé Nlend, Jean Paul Akono l’a contacté jeudi dernier par téléphone, lui a demandé « de ne pas demander les excuses. A Eto’o, ni à qui que ce soit d’autre. Et pourquoi d’ailleurs ? » Jean-Paul Akono réaffirmait d’ailleurs son indignation samedi dernier sur les ondes d’une radio urbaine.
Le technicien médaillé d’or olympique avec lez deux joueurs visiblement en conflit, dénonçait notamment les travers d’une affaire « extra sportive », estimant que « s’il y a quelqu’un qui doit demander les excuses à l’autre, c’est bien Eto’o, puisque c’est lui qui a porté l’affaire du penalty sur la place publique ». Pour sa part, Pierre Wome Nlend se dit désabusé. Lui qui dit pourtant avoir tout donné pour son pays. « Depuis deux ans, je joue dans les meilleurs clubs des meilleurs championnats européens, on ne m’appelle pas. Si au moins, on le faisait et on convoquait des joueurs plus talentueux que moi, je l’aurais compris ! », s’exclame-t-il. De même qu’il se demande pourquoi un joueur comme Achille Emana n’a pas été appelé. « Il mérite d’être convoqué. Il est en train de prouver aux yeux de tout le monde qu’il est un bon joueur. Il a beau ne pas être mon ami, si moi j’étais sélectionneur, je l’aurais appelé sur ma liste de 20 joueurs ».
Autre élément qui risque de confirmer les propos de Pierre Wome sur le malaise autour de la sélection nationale, le cas Joseph désiré Job. Jules Nyongha l’a bel et bien sélectionné sur sa dernière liste, après un purgatoire de deux ans. Mais le joueur a décliné l’offre, officiellement, pour des raisons familiales. Au sélectionneur par intérim, l’attaquant de Sedan a dit qu’il ne pouvait se rendre au Cameroun parce qu’il entendait rester auprès de son épouse qui vient d’avoir un enfant. Pourtant, des sources proches du joueur affirment plutôt autre chose. S’il est bien vrai que Joseph Désiré Job vient d’être à nouveau papa, ce dernier s’alignerait sur la voie de Wome Nlend et dénoncerait, à travers son acte, l’amateurisme avec lequel l’équipe nationale de football est gérée. Malheureusement, pour confirmer ou non ces allégations, le joueur est resté injoignable hier.
Bertille Bikoun, Mutations