Cela s’appelle une réaction musclée. Pour exprimer leur coup de gueule, les ex-responsables du football radiés dans le Littoral ont fait fort: des correspondances à la Présidence de la République, à la Primature, à la Confédération africaine de football (Caf), à la Fédération internationale de football association, au Comité national olympique (Cno) et au Ministère de l’Éducation physique et des sports et le gouverneur de la province du Littoral.
« On attend maintenant la suite de la procédure. Nous avons des preuves et l’équipe Iya [Mohammed, président de la fédération camerounaise de football] sera reconnue coupable. Qui vivra verra ». Abraham Tchato, ex-trésorier de la ligue du Littoral, par ailleurs magistrat municipal et ses camarades d’infortune, Joseph Lima, président de ladite ligue, Emmanuel Mbappe Essoka, son secrétaire général semblent être sereins.
En ce mercredi 15 mars 2006, la salle de réunion de la mairie de Douala 2è a fait presque le plein. Il n’y avait pas un conseil municipal, mais plutôt une rencontre avec la presse. Les trois responsables suscités sont depuis samedi dernier, « radiés à vie » de toutes les activités de la fédération camerounaise de football (Fécafoot) pour « insubordination caractérisée » et par conséquent, sont déchus de leur fonction dans la province du Littoral. Une sanction que balaie d’un revers de la main les concernés qui ont déjà engagé des procédures pour prouver la nullité de leur sanction.
Cocktail des textes violés
Pour cette séance de plaidoirie, c’est le locataire de la Mairie, Abraham Tchato, qui ouvre les hostilités. Les mots volaient donc très bas : « Iya [Mohammed, président de la Fécafoot] est un mouton. Il y a eu vol dans la ligue du Littoral, je le confirme. 25 millions de francs Cfa ont disparu. On fait comme si ce n’était pas grave. Et tout ce que Iya trouve à faire, c’est de nous radier. Or, il nous a rencontré secrètement à Douala pour nous demander d’écrire les lettres d’excuse. C’est impossible puisqu’il y a eu malversations financières. Ne sait-il pas que lorsqu’une action est engagée en justice, toutes les actions civiles sont suspendues jusqu’à l’aboutissement de la procédure? » Emmanuel Mbappe Essoka, maîtrisant, visiblement, très bien les documents de la Fécafoot, s’est amusé à collecter les textes qui ont été violés dans cette radiation : « 12 articles ont été foulés au pied pour nous mettre out parce que nous ne sommes pas des béni-oui-oui. Les articles 2,4, 7, 8, 15, 23 alinéas 3, 27 al.1 et 2, 27 al.1 et 2, 33 al.2, 43 al.4, 66, 10, 19. C’est après avoir violé tous ces articles que M. Batamack [président national de football jeunes, ndlr] a proposé pendant l’assemblée générale que nous soyons radiés. »
Or, d’après les textes, la révocation d’un membre doit être proposée au comité exécutif un mois auparavant pour étude et qu’il fasse éventuellement partie de l’ordre du jour. Avant de prendre une décision, les personnes à qui on fait des reproches ont le droit de se défendre. Après quoi, l’assemblée générale procède au vote de révocation par bulletin secret. Selon plusieurs sources, pour couronner le bouquet de toutes dispositions violées, on a procédé au vote… à main levée. « De quoi intimider les membres de l’Ag qui ont peur des représailles de Iya Mohammed. Résultat, sur 160 membres, 6 seulement ont voté contre ».
Comment en est-on arrivé à ces malversations financières ? Selon Abraham Tchato, trésorier radié de la ligue du Littoral, la procédure était simple. Comme les comptes bancaires de la Fécafoot étaient bloqués, David Mayébi, ex-4è vice-président de la Fécafoot et par ailleurs chargé du marketing faisait transiter l’argent de la fédération par le compte de la ligue du Littoral. Après avoir pris de l’argent aux Top sponsors des Lions indomptables et autres partenaires, Moïse Jombi Doff, trésorier national adjoint demandait au trésorier de la ligue du Littoral, Abraham Tchato, de signer des chèques. « Ce que je faisais sans poser de questions puisqu’on était du même bord. C’est après que j’ai découvert le pot aux roses, car les sommes d’argent retirées ne sont jamais arrivées à la Fécafoot. Ce Batamack qui a demandé qu’on nous radie a lui-même reconnu que Mayebi était coupable en faisant des attouchements dans les comptes [procès verbal de l’assemblée du Littoral, le 31 mars 2005, ndlr]. Tout cela est inadmissible!» éructe Tchato, ahuri.
Course à la succession
Lors de cette assemblée générale de mars 2005, pour sa défense Jombi Doff dira : « en matière de sortie d’argent, je suis le principal concerné. À ma connaissance, il y a eu des petits chèques qui ne dépassaient 3 millions. Je n’ai jamais touché 10 millions à la fois… il faut faire l’audit ». Tchato, lui, n’en démord pas : « M. Ayissi est poursuivi dans la ligue du Centre pour la disparition de 7 millions de Fcfa et les sanctions de la ligue de l’Ouest est levée alors qu’ils sont reconnus d’être versés dans la corruption lors des barrages 2005. Il est donc inadmissible que 25 millions disparaissent dans le Littoral, l’urgence qu’il y a à faire chez M. Iya, c’est de nous radier parce que nous dénonçons ces malversations financières ».
La liste des récriminations à l’endroit de l’équipe Iya Mohammed est longue. Après avoir fait de correspondances à toutes les personnalités (cités plus haut), « nous attendons être notifiés officiellement de notre radiation. Tant que nous ne sommes pas notifiés, nous sommes toujours les responsables de la ligue du Littoral » dira Mbappe Essoka à la fin de cette houleuse conférence de presse. Abraham Tchato, lui, a eu cette phrase chargée d’équivoque qui prête à réfléchir : « tant je serais à Douala, je défendrais toujours le football dans le Littoral. »
Pendant ce temps, la course à la succession des radiés est déjà ouverte. Aux dernières nouvelles, Léa Eyoum, 2è vice-président de la ligue du Littoral a convoqué les membres du conseil de la ligue du Littoral pour le 24 mars 2006 après avoir constaté la « défaillance du 1er vice-président Tombi a Roko » qui assurait l’intérim. La grande parenthèse ouverte par cette scabreuse affaire est donc loin de se refermer.
Eric Roland Kongou à Douala