Monsieur le Président. J’aurais voulu vous envoyer cette lettre sous pli fermé avec accusé de réception mais je ne connais pas votre adresse privée. Aussi je n’ai souhaité l’envoyer ni via la FECAFOOT ni via la SODECOTON où elle aurait pu s’égarer dans les méandres de la bureaucratie camerounaise.
Vous comprendrez donc aisément pourquoi j’ai opté en définitive pour ce mode démocratique d’expression.
Votre « brillante » réélection à la tête de la fédération camerounaise de football m’en donne l’opportunité et me sert ainsi de prétexte pour vous écrire. Trêve de justification.
Après les débuts certes laborieux mais prometteurs d’Artur Jorge face au Sénégal en match amical, je considère votre réélection comme la deuxième bonne nouvelle pour le football camerounais en ce début d’année.
Je ne jugerai pas votre bilan sportif – les chiffres parleront d’eux-mêmes et les amateurs d’arithmétique footballistique pourront ainsi faire la part des choses sans un quelconque parti pris (équipes nationales et clubs engagés en coupe d’Afrique).
Pour ma part je suis loin de penser que vous avez été élu sur la base de ces résultats.
Vous avez sans doute rempilé à la tête de la FECAFOOT pour deux raisons :
- votre profil d’homme consensuel
- vos qualités d’intégrité et d’honnêteté rarement démenties – jusqu’à preuve du contraire.
Du reste il est de notoriété que, parmi les potentiels candidats, vous étiez le moins compromis.
L’honorable Vincent Onana – par exemple – n’a pas encore rendu compte de sa gestion financière décriée de la billetterie de la Coupe du monde 1998.
Jean Baptiste Nguini Effa qui gère la SCDP – société camerounaise des dépôts pétroliers comme une société familiale d’où partent des rumeurs de graves détournements présumés n’avait sans doute pas vocation à gérer le football camerounais.
Monsieur le Président,
Vous avez donc remporté cette élection sans véritables adversaires – visibles puisque vos rivaux se sont désistés l’un après l’autre – Souffrez par conséquent que je vous rappelle cette maxime « A vaincre sans péril, on périt sans gloire »
Votre longévité à la SODECOTON ne sera sans doute pas la même à FECAFOOT, du moins je ne le souhaite pas. Vous savez comme moi que l’usure est source de dérapages moraux et financiers, parfois involontaires ou incontrôlés, surtout dans le monde du football.
C’est pourquoi en admettant que ce mandat soit votre dernier à la tête de la FECAFOOT et en espérant que vous ayez l’ultime ambition de figurer au panthéon des grands dirigeants du football camerounais, je voudrais, sans vous imposer un échéancier, vous inviter a réfléchir sur ce qui pourrait constituer votre feuille de route au cours de ce mandat:
- le redressement de l’image de marque de la fédération; si votre image personnelle n’a jusque-là pris aucun pli important (n’oubliez pas que l’anodine affaire des maillots a failli vous emporter), ce n’est sans doute pas le cas de certains de vos collaborateurs qui sont impliqués dans magouilles présumées sur lesquels je reviendrais volontiers dans une prochaine lettre. On vous dit adepte du consensus, vous voulez ratisser large, mais sachez choisir ceux qui vous entourent et vous conseillent.
- L’organisation d’une Coupe d’Afrique des nations de football au Cameroun. Vous me direz sans doute que cela est du ressort de l’Etat. Votre rôle consistera donc à convaincre les pouvoirs publics de l’impérieuse nécessité d’organiser une CAN au pays des LIONS INDOMPTABLES.
En tant que dirigeant, que ressentez vous quand vous allez dans des pays moins fortunés que le votre qui organisent des Coupes d’Afriques (Bénin, Burkina Faso, etc ? Le Cameroun des grandes ambitions passent également par l’organisation d’une Coupe d’Afrique des Nations. - L’organisation d’un championnat de football professionnel au Cameroun.
Que de talents perdus! Que de prodiges évanouis dans la nature! La faute au manque d’attractivité du championnat camerounais. La faute aux infrastructures obsolètes et périlleuses pour la pratique du sport de haut niveau. La faute à …, la faute à … Comme vous le voyez la liste des obstacles pourrait s’allonger indéfiniment … Aujourd’hui vous devez prendre vos responsabilités – qui vont au delà de l’organisation schématique de l’actuel championnat en 2 ou 5 poules – afin de redonner une âme au football national. - La mise sur pied d’une brigade de répression de la fraude sur l’Etat civil; et c’est un débat vieux comme le monde. C’est un sujet délicat, plusieurs sont gênés à l’évocation de la question – d’autres mettent en avant le fait que plusieurs pays africains se livrent à cette pratique moralement et pénalement condamnable. Soit.
Je souhaite que vous vous attaquiez à cette délicate et épineuse question de l’age des footballeurs camerounais – Il vous appartient de traquer les éventuels tricheurs.
Je voudrais me faire complice du silence sur le véritable âge de certains cadres de l’actuelle équipe nationale.
Je voudrais convenir avec vous que le combat serait inutile et vain pour la génération actuelle de l’équipe nationale seniors.
En revanche, c’est franchement scandaleux de constater que dans votre équipe cadet (moins de 17 ans) qui a participé à la meridian cup, un des joueurs convoqués soufflait sur ses 21 bougies.
Si vous en doutez je vous emmène dans sa famille et vous montre sa petite sœur de 19 ans.
C’est à partir des catégories jeunes que vous devez redoubler de vigilance et sévir sans complaisance.
Sinon vous vous contenterez toujours des victoires de minimes, cadets ou Juniors sur le plan international mais jamais vous ne remporterez de coupe du monde de seniors.
Pour terminer, je vous prie de transmettre mes salutations au ministre des sports, M. Mbarga Mboa, en lui demandant de m’envoyer son adresse privée afin que je lui fasse part de mes réflexions directement.
A moins qu’il ne préfère une lettre ouverte …
ESSINDI MANGAMBA