Le nouveau staff technique des Lions indomptables du Cameroun, accueilli par un préjugé favorable que nous avons souligné avec force en son temps, n’avait certainement pas besoin d’inaugurer son gouvernorat par une malheureuse polémique sur l’identité de certains joueurs convoqués dans sa première liste de sélectionnés. C’est pourtant ce qui est arrivé, et il faut en parler.
En vue du match amical du 9 février prochain à Créteil (France) entre le Cameroun et le Sénégal, le sélectionneur national Artur Jorge a publié une liste de vingt joueurs professionnels convoqués. Il a laissé le soin à son adjoint camerounais, Jules Frédéric Nyongha, de choisir trois joueurs du championnat national. Coïncidence, ces trois locaux ont chacun un lien étroit avec Racing de Bafoussam, le club qui employait Jules Nyongha avant sa nomination dans le staff technique des Lions indomptables. Dupleix Kamga, le meneur de jeu de Tpo ne vient que d’être recruté par Union de Douala; mais à la vérité tous les observateurs s’accordent à dire qu’il fut probablement le meilleur joueur du dernier championnat du Cameroun.
On ne saurait en dire de même des deux autres locaux appelés en équipe nationale seniors! Joël Babanda, autre sociétaire de Racing, est un parfait inconnu. Quant à Mathurin Kameni qui officiait jusqu’à l’année dernière dans les rangs de Coton Sport et vient de déposer ses valises à Bafoussam, c’est un gardien de buts au talent confirmé, mais qui était porté disparu depuis trois mois, ses dirigeants de club lui faisant d’ailleurs porter une grosse partie de l’élimination de Coton Sport à la porte de la finale de la Coupe de la Confédération. Aux dernières nouvelles, le Kameni en question a été évincé des sélections A’ et A, le bureau exécutif de la Fédération camerounaise de football l’ayant suspendu après une requête motivée de Coton Sport de Garoua. Dès le retour d’Accra et l’élimination par Hearts of Oaks de la Coupe de la Confédération en novembre dernier, le secrétaire général du club de Garoua, Gilbert Maïna, avait du reste confié à Mutations (édition du 19 novembre 2004) que la fédération a été saisie pour ce cas d’indiscipline notoire du joueur Mathurin Kameni.
Et quelques semaines plus tard, toujours dans nos colonnes, le président de la Fécafoot Mohammed Iya confirmait : « La fédération a suspendu le joueur Kameni pour servir d’exemple » (voir Mutations du 30 décembre 2004). A l’époque, nul ne savait exactement où se terrait le gardien de Coton Sport, seule une rumeur l’annonçant en Afrique du Sud. Aujourd’hui, de pseudo-journalistes ruent sur les brancards en faisant croire à l’opinion que la sanction de Kameni est un règlement de comptes et un coup monté contre Racing de Bafoussam, parce que le joueur a quitté Coton Sport (club dont le propriétaire est la Sodecoton, entreprise dirigée par le président de la Fécafoot) pour le club vice-champion du Cameroun. Foin de toutes ces élucubrations nauséeuses, interrogeons-nous plutôt sur le fonctionnement administratif du football camerounais. Comment est-il possible que des joueurs camerounais soient suspendus par les instances appropriées et que le entraîneurs en charge des différentes sélections ne soient pas au courant, au point de rendre publiques des listes de joueurs convoqués en équipe nationale comportant les noms de joueurs sous le coup des sanctions? Là est sans doute le noeud du problème.
Entre les entraîneurs nationaux, la direction technique nationale, la direction administrative des équipes nationales, et la Fécafoot, l’information devrait être pourtant fluide et la collaboration sans nuances, pour éviter le ridicule de se retrouver dans une liste avec des suspendus, des blessés et peut-être un jour des retraités.
Pour le reste, les choix des entraîneurs n’ont jamais fait l’unanimité nulle part. L’attelage Jorge-Nyongha n’en est qu’à sa première sortie dont on jugera mieux les fruits le 9 février. Même si là aussi, il faut reconnaître qu’on n’avait pas besoin de convoquer 23 joueurs dont trois gardiens de buts pour livrer un petit match amical contre le Sénégal, au risque de transformer la sélection en une foire d’exhibition malsaine.
Emmanuel Gustave Samnick