YAOUNDÉ – Amputée de six points par la FIFA, la fédération fait appel alors que le pays est sous le choc. Sonnés par l’extrême sévérité de la sanction de la FIFA, les Camerounais ne sont pas du tout prêts à revêtir l’habit de fashion victim du football international. À Yaoundé, le branle-bas de combat est général.
Compte tenu du contexte politique, avec l’élection présidentielle se tenant en octobre prochain, le président de la République Paul Biya a appelé d’urgence le ministre de la Jeunesse et des Sports, Bidoung Mkpatt, très tôt dans la matinée d’hier. Le ministre, qui se trouvait à Kribi, à 300 kilomètres de Yaoundé, où il présidait les Jeux scolaires, a dû se rendre rapidement à cette réunion de crise pour résoudre un gros problème : comment éviter une élimination des Lions à la Coupe du monde en cette année électorale ?
Quant à la Fécafoot, la fédération camerounaise, elle a immédiatement décidé de faire appel auprès du bureau exécutif de la FIFA. « On s’attendait à tout, sauf à cela. Qu’avons nous fait pour mériter cela ? », réagissait spontanément le secrétaire général Jean-Rémy Atangana, pendant que le président de la Fécafoot Mohamed Iya préférait attendre lundi pour une réaction officielle, le temps de contacter la FIFA et de mieux comprendre les dessous de cette injustice.
S’agit-il d’une guerre des marques Puma (sponsor excentrique des Lions)/Adidas (sponsor officiel de la
FIFA) ? Des suites des dissensions du passé Hayatou-Blatter, après que le président de la confédération africaine ait mené la fronde en 2002 pour succéder au boss actuel de la FIFA ? Ou d’un prix fort à payer pour une nouvelle négligence des dirigeants camerounais ?
Malgré l’interdiction prononcée par les patrons du foot mondial durant la CAN organisée en janvier en Tunisie, les Camerounais avaient continué à revêtir en quart de finale contre le Nigéria le désormais trop fameux «UniQit», la tunique griffée d’un seul tenant contraire aux lois du jeu. Alertés trop tard, en début de compétition, ils n’auraient pas eu le temps, prétextent-ils aujourd’hui, de faire fabriquer par leur sponsor des jeux de maillots plus académiques.
Pour autant, dans le séisme généré par l’affaire dans un pays aussi puissamment lié au football que l’est le Cameroun, le sentiment qui prédominait hier était la condamnation des dirigeants sportifs ayant accepté les fantaisies de l’équipementier. À une semaine du renouvellement du bureau de la Fécafoot, les opposants ont naturellement sauté sur l’occasion pour demander la démission de Iya Mohamed. Son prédécesseur Vincent Onana, à nouveau candidat à la présidence, s’est fendu d’un communiqué caustique : « Contre des prébendes, le Cameroun est devenu le laboratoire d’expérimentation des modèles de vêtements de sport d’un goût douteux. »
Une nouvelle fois otages d’une guerre interne, et victimes d’une sanction disproportionnée par rapport à l’erreur commise, les joueurs camerounais semblaient encore avoir du mal hier à appréhender les conséquences d’une sanction les éliminant virtuellement de la Coupe du monde 2006. « Quand j’ai appris ça, j’ai d’abord appelé le directeur administratif de la fédération (Pierre Nguidjol
Ndlend) pour qu’il me confirme cette nouvelle que je ne pouvais pas croire, témoignait hier Bill Tchato, le joueur de Kaiserlautern. Et ça m’a presque fait rire… C’est tellement gros qu’on ne peut pas penser que la sanction est définitive ! Pourquoi sanctionner comme ça une équipe comme le Cameroun qui participe souvent aux phases finales ? C’est bien pour la Coupe du monde d’avoir une équipe comme la nôtre… A partir du moment où on avait l’autorisation de la CAF de porter ce maillot qui faisait un peu sensation, pourquoi la FIFA intervient-elle ? À la limite, elle pourrait donner une amende à la CAF pour avoir laissé passer ça. Mais pas nous sanctionner nous les joueurs… On n’y est pour rien ! Mais peut-être que cette punition va nous galvaniser, et qu’on va se transcender dans les éliminatoires pour réaliser l’indispensable sans-faute. Ne dit-on pas qu’impossible n’est pas camerounais ? »
À partir du 25 avril prochain, les joueurs camerounais se réuniront au cours d’un stage précédant une rencontre amicale à Sofia face à la Bulgarie le 28 avril. Ensemble, ils se concerteront sur l’attitude à adopter. Et jureront sans doute de ne plus jamais jouer qu’en short, poliment rentré dans un maillot indépendant.