Les stades égyptiens sont réputés être de véritable cimetières pour les équipes africaines. Tout déplacement d’une sélection en Égypte a
toujours été des plus périlleux. La diaspora africaine en terre pharaonnique a presque déjà assimilé la leçon; la défaite adverse est un truisme avant même la rencontre. L’année dernière, Enyimba du Nigeria a remporté la ligue des champions devant Ismaïlya, victoire qui a fait couler beaucoup d’encre ici, et surtout a amené les plus sceptiques parmi les africains à reconsidérer leurs positions de victime résignée.
La récente victoire des éléphants de Côte d’ivoire contre les pharaons est venue briser partiellement le signe indien. La diaspora africaine d’Égypte inscrivait déjà la rencontre de dimanche passé dans la même lancée. Les Lions, cette « machine à gagner », avaient la lourde mission de perpétuer cette révolution afin de mettre définitivement fin à l’invincibilité de leur hôte à domicile face aux camerounais, et ce avec sévérité et manière.
Cette confiance placée dans les Lions devait d’abord se manifester le 2
septembre, jour de leur arrivée au Caire. Massés devant l’hôtel Sheraton
Héliopolis, esquissant quelques pas de danse, chantant à gorge déployée, ils ont ovationné leurs stars à leur embarquement à l’hôtel. C’était déjà une ambiance de fête qui laissait filtrer ce qu’ils entendent faire dimanche pour porter les leurs héros à la victoire finale.
Ensuite, il fallait suivre de près les entraînements, se rassurer que
l’effectif est au complet, que la machine est bien huilée. Du stade de
Moqaouloun où a lieu la première séance d’entraînement, au club al-Ahly où a lieu la seconde et l’ultime avant le match, ils étaient présents dans les gradins et applaudissaient le moindre geste technique et le moindre but. Tout était fin prêt pour la fête de dimanche.
Ce fameux dimanche 5 septembre ; jour fatidique et surtout mémorable. Afin de « cadrer » aux circonstances et rimer en phase avec ce qu’il convient d’appeler « journée lions indomptables au Caire », il fallait au moins porter ou traîner tout ce qui reflète le pays de Samuel Eto’o. « ATTABA », le nombril du Caire, le marché aux articles protéiformes et aux prix défiant toute concurrence, a assisté à
un dernier assaut sur ce qui restait des t-shirt et autres maillots démembrés des Lions Indomptables du Cameroun.
A 16 heures précises, le bus mis à la disposition des supporters par
l’ambassade du Cameroun faisait déjà le service entre DARRASSA et JABAL
AL-AKHDAR où est perché le stade de Moqaouloun. Les 500 places prévues par les autorités égyptiennes ne pouvaient pas contenir plus d’un millier de supporters bigarrés, qui attendaient impatiemment devant le portail du stade. Las des stridents « Zaminamina hé hé… Wakawaka … », des sons de tamtams et de sifflets, conscients du dégât que peut causer une renégociation avec son corollaire qui est la bureaucratie, les gardes ont fini par céder.
Plongés parmi plus de 35 000 spectateurs acquis à la cause de l’équipe
locale, les supporters des lions ont refusé d’être phagocytés. Chants et
danses ont été leur lot durant les 90 minutes fatidiques du match. Même
menés au score, ils ont cru en leur équipe, et les deux buts ne venaient que raffermir leur obstination et sauver au moins ces voix perdues et ces hanches moulus.
Les lions ont déçu, lâchait l’un d’eux, interloqué par cette performance
des plus médiocres. Certains n’ont pas pu contenir leur colère, ils ont
voulu en découdre avec l’entraîneur qui passait pour être l’artisan de la débâcle. D’autres plus modérés, surtout pantois ont voulu décrisper
l’atmosphère en ovationnant les joueurs lorsque leur bus s’est mis en
branle. « C’est fini, ils sont partis… », pouvait-on entendre. Des regrets d’affectifs qui témoignent du degré d’amour qu’ont ces supporters « indomptables » envers leurs héros malgré la défaite; un véritable culte.
Alors place aux commentaires et discussions d’après match. Ils sont bien servis par votre site, véritable relais d’information… « Il faut barrer tel joueur, pourquoi ce système de jeu, l’entraîneur doit partir… », et bien d’autres commentaires à saveur épicée et relevée bien de chez nous. On retiendra aussi cette vraie ou fausse rumeur insistante, qui veut que le gardien Kameni ait été imposé à la dernière minute au blond allemand des Lions Indomptables par un coup de fil en provenance du Cameroun. Bref on refait le match avec beaucoup de regret mais aussi avec beaucoup d’imagination.
S’il est vrai que ces supporters misaient beaucoup sur une victoire des
Lions, il n’en demeure pas moins vrai que leur passage en Égypte a laissé en eux des marques indélébiles. Leur gentillesse, leur disponibilité à poser avec tout le monde, à signer les autographes a surpris plus d’un. Le comble de tout ça aura été «la Sadaqa» qu’ils ont fait de leurs équipements, se mordant les doigts d’avoir perdu ce match dont la victoire génératrice de prime aurait été l’occasion de faire la fête. « On va remettre ça si vous êtes encore là pendant la Can », lâchait l’un d’eux en empruntant le bus pour l’aéroport.
Le mot est lancé: Can 2006 ! Cette compétition ce déroulera en Égypte et la diaspora camerounaise présente au pays des pharaons en rêvait déjà. Une aubaine aujourd’hui, pour au moins oublier la désillusion du fameux 5 septembre 2004. Vivement que les Lions redeviennent « Indomptables ».
Collaboration spéciale de Mustapha Nsangou, dit « Katika » au Caire