L’opposition de Châteauroux était également une opposition de techniciens: Robert Nouzaret et Winfrield Schäeffer. Opposition de style, tant l’un est volubile et l’autre effacé, tant l’un façonne son groupe et l’autre a l’air de le laisser vivre.
Un an après sa nomination, l’heure est peut-être au bilan en ce qui concerne l’entraîneur en chef des Lions Indomptables. Ce recrutement n’aurait-il pas été une erreur de casting ? Deux thèses s’affrontent:
Pourquoi Schaeffer doit partir
La victoire en terre malienne d’un groupe inchangé depuis deux ans a sans doute faussé notre jugement sur l’importance et la qualité du coaching de Winnie. Force est de constater aujourd’hui qu’il n’est plus au niveau pour entraîner une équipe qui veut jouer les premiers rôles. Ou alors, ces méthodes ne sont pas adaptées au contexte camerounais. Sinon, comment expliquer que cette équipe soit devenue si poussive, manquant de rythme et ayant toutes les peines du monde à surprendre ses adversaires ?
Une piètre lecture du jeu
Fidèle à un groupe de titulaires immuables et à des remplacements orchestrés quelles que soient les circonstances du match, coach Winnie a permis à des joueurs de se sentir inamovibles. Il est des plus facile de deviner tout l’effectif qui débutera chaque match, même si leur degré de forme n’est pas au maximum. Dans le même temps, il n’a jamais donné l’impression de pouvoir adapter son équipe à un changement tactique imposé par le jeu de l’adversaire. Les joueurs ont ainsi paru perdus lors de plusieurs rencontres où l’adversaire a haussé le niveau ou a été obligé de faire une réorganisation tactique ; pensons au match contre l’Allemagne suite à l’expulsion de Ramelow, à celui contre l’Irlande suite à la pression de la deuxième mi-temps, à celui de l’Arabie Saoudite et ce dernier match contre la Côte d’Ivoire.
Des joueurs qui ne lui font plus confiance
Plus de dix-huit mois après son installation, Schaeffer paie aujourd’hui le prix d’un leadership discutable. Les pleins pouvoirs qui lui ont été confiés, du moins en ce qui est du terrain ont eu très peu d’effet sinon l’effet inverse escompté. Il semble ne pas maîtriser son sujet face à des joueurs rompus à la haute compétition et aux entraîneurs de haut niveau : Arsène Wenger, Joël Muller, et j’en passe, et des méthodes de travail des plus modernes.
Les joueurs peuvent donc en toute impunité accumuler des matchs sans indigence, tels les cadres que l’on n’a vu qu’une seule fois à leur vrai niveau depuis un an. Sans plan de combat, avec des soldats ne craignant plus la sanction sportive, peut-on dire que c’est par ses capacités de meneur d’hommes, qu’il va nous permettre de rêver à des jours meilleurs ?
Malheureusement, c’est un personnage effacé qui dirige la barque. La barrière de la langue, faut-il rappeler qu’il ne parle aucune des deux langues officielles du Cameroun – une mauvaise volonté évidente – l’empêche d’être le personnage charismatique que les joueurs respectent et craignent. Les rassemblements des Lions ressemblent ainsi à des fêtes foraines ouvertes à tout le monde et où le coach déambule, telle une âme en peine, sans réelle volonté de participer à la vie du groupe.
Des résultats sportifs lamentables
Après avoir bénéficié du soutien de la majorité de la classe politique et sportive camerounaise au crépuscule des rounds de boxe entre Lechantre, ses adjoints, Bidoung Mpatt, et le directeur administratif de l’époque, Schaeffer avait pour mission de réconcilier tout ce beau monde et surtout de continuer la tâche gagnante de son prédécesseur, qui avait construit une équipe à l’image de l’hégémonie qu’il entendait établir non seulement en Afrique, mais dans le monde. L’équipe dont Schaeffer a hérité était non seulement rompu à la haute compétition, savait gagner, savait ce que cela prenait pour aller au bout de leur rêve.
C’est la même équipe, qui a remporté six mois après, la CAN2002 sans grand panache mais avec beaucoup de volonté.
Schaeffer a péché tactiquement et l’équipe a souffert et souffre de son incompréhension du jeu. Les résultats de plus en plus médiocre, augurent mal les confrontations de la coupe des confédérations où les Lions rencontreront le champion du monde en titre, qui nous a déjà enfilé six buts en deux matchs de compétition senior.
Pourquoi Schaeffer doit rester
La sérénité retrouvée
La carrière des entraîneurs des Lions est en général très courte. Entre 2000 et 2001, le Cameroun a fait pas moins de cinq changements de coach. Depuis plus de quinze mois, la stabilité est de mise ; la sérénité semble de retour, chose qui nous était inconnue depuis des lustres. Schaeffer a su insuffler une autre forme de discipline aux Lions. Peu volubile pour cause de non maîtrise linguistique il est vrai, il est effacé et laisse le soin à chaque dirigeant de faire son travail comme il l’entend, évitant ainsi d’avoir des chocs entre administrateurs comme ses prédécesseurs avant lui. Les responsabilités des uns et des autres étant claires, il est plus facile de déterminer les sources des éventuels problèmes.
Ce n’est qu’un passage à vide
Chaque grande équipe, aussi puissante soit-elle peut connaître périodiquement des passages à vide. Il en a toujours été ainsi. C’est la loi du sport et le Cameroun n’en est pas l’exception. Schaeffer a l’habileté et le talent nécessaire pour nous redonner une dimension à la mesure de notre envergure. Son passage dans le championnat d’Allemagne en est la preuve. Il est un entraîneur de haut niveau qui peut faire tourner les choses en sa faveur. Les Indomptables connaissent une grosse crue, et les défections de certains piliers ont alourdi la marche en avant. Les jeunes Lions qui ont été appelés seront ceux qui détermineront si le témoin a été bien transmis et si la période de transition a porté fruit. Seul Winfrield Schaeffer a la capacité de rassembler les énergies et de mettre en branle le retour vers les sommets des Lions du Cameroun.
Deux positions inconciliables donc qui se départageront au sortir de la coupe des confédérations. Restera, restera pas? un seul vote a droit de cité: celui du ministre de la jeunesse et des sports, Dr Bidoung Mpatt
Hervé Kouamouo
Jules Juyas