Jusqu’à hier 22 mars 2006, les cadres et agents de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), continuaient à passer devant les enquêteurs de la police judiciaire, au quartier Elig Essono à Yaoundé, pour répondre de la gestion des fonds. Fonds provenant de l’assistance de l’Etat qui, selon les dispositions légales, un droit de regard sur les comptes de toute entreprise ou personne ayant reçu le moindre sou des pouvoirs publics.
Par décret 97/047 du 5 mars 1997 portant création du contrôle supérieur de l’Etat, il est clairement défini que cette institution qui exerce comme contrôle administratif, donc non-juridictionnel, a pour mission : “ la vérification des services publics, des collectivités territoriales décentralisées, des entreprises publiques et parapubliques, ainsi que des organismes, établissements et associations confessionnelles ou laïques bénéficiant des concours financiers, avals ou garanties de l’Etat ou d’autres personnes morales publiques sur les plans administratif, financier et comptable ”.
Cette institution, qui peut, par décision du président de la République, effectuer des contrôles spécifiques auprès des entreprises et organismes, même privés, représentant un caractère stratégique pour l’économie ou la défense nationale, a fait des descentes au siège de la Fécafoot pour vérification des comptes.
Travail commandé dans un cadre légal, car répondant aux missions du contrôle supérieur de l’Etat, qui exerce “ le contrôle de conformité et de régularité ; le contrôle financier ; le contrôle de performance ; l’évaluation des programmes ; le contrôle de l’environnement ; des contrôles spécifiques. ” Malgré le quitus donné à l’instance faîtière du football camerounais, certains points d’ombre ont été relevés. Ils ont conduit à une plainte. C’est donc celle-ci qui a poussé les agents de la police judiciaire à ouvrir cette enquête qui a conduit jusque-là à auditionner tous ceux qui de près ou de loin ont touché aux fonds à la Fécafoot.
Panique au Minsep
A l’heure où les auditions des membres de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), continuent à la police judiciaire, une panique s’est emparée des cadres du ministère des Sports et de l’éducation physique (Minsep) qui aurait géré illicitement les fonds publics en complicité avec la Fédération. Il est clair que personne ne peut montrer les traces des deux milliards que la Fécafoot dit avoir versé depuis 2001, dans le cadre de la convention, au ministère en charge des sports.
Le dossier le plus brûlant, à en croire nos sources, c’est celui du match amical ayant opposé le Cameroun au Sénégal. Ce match, joué le 9 février 2005, a été entièrement pris en charge par les deux fédérations de football. Pourtant, côté camerounais, il se dit dans les milieux introduits que le ministère des Sports et de l’éducation physique a fait un appel de fonds publics. Et que, comme de tradition, le gouvernement de la république a répondu favorablement, dit-on. Cette information n’a pas été confirmée par la cellule de communication du Minsep qui se montre surprise par de telles affirmations.
Zones d’ombre
La somme ainsi débloquée n’aurait pas été reversée à la Fécafoot. Alors que cette dernière, dans l’une de ses rubriques, a même eu à payer les frais de mission au Minsep, à hauteur de trois millions de francs Cfa. C’est encore la fédération qui a remboursé les frais de déplacement et d’hébergement de l’entraîneur principal Artur Jorge à hauteur de 1.450.825 F Cfa. Ce qui, une fois de plus, relèverait de la compétence du Minsep.
Certes, il y a une décharge indiquant que la somme de trois millions de francs Cfa a été débloquée au titre des frais de mission du Minsep. Là où il y a un vide c’est que ce n’est pas clairement spécifié. Minsep veut-il dire ministre, ou alors ministère. Si nos sources ne nous donnent pas d’amples informations à ce sujet, il ne reste pas moins vrai que d’autres révélations sont faites.
Ainsi, apprend t-on que le ministère se met à la place de la Fédération. “ Il fait un budget sans informer la Fédération ”. Nos sources parlent par exemple de la dernière coupe d’Afrique des nations (Can). “ Malgré qu’il y ait des frais, il a demandé à la Fédération sa contribution. Ce sont eux encore qui exécutent le budget. L’année dernière, pour les compétitions inter-clubs, la Fédération a avancé environ 70 millions de francs que le ministère n’a jamais remboursés ”. Certaines sources déplorent le fait qu’on demande à la Fécafoot de participer à un budget dont on ignore tout. Ils parlent de la rencontre retour Côte d’Ivoire – Cameroun comptant pour l’avant-dernière journée qualificative pour la coupe du monde et la Can 2006. Pour cette rencontre, il se dit que 800 millions de francs Cfa ont été dépensés dans le cadre de sa préparation. De quoi se demander si celle-ci s’est faite sur la lune.
Autre point d’ombre, le match de Bilbao. En juillet 2005, le président de la Fécafoot a signé un contrat avec la sélection basque pour décembre de la même année. Le dossier a été coté à l’entraîneur principal. Une note a été adressée au ministre des Sports. Cette rencontre, apprend-on, aurait rapporté 110.000 euros à la Fédération qui se serait retrouvée avec 80.000 euros après les taxes et les honoraires payés.
Sans que les deux parties s’entendent, en novembre, le ministère a arrangé un match avec la sélection catalane pour le même mois de décembre 2005. Nos sources disent que cette rencontre a été arrangée sans l’aval de la Fécafoot. Pourtant, un contrat a été signé en ce sens en anglais, par l’ex-directeur général de la Fédération Patrick Prêcheur. Même si on dit que ce Français ne connaît rien de l’anglais et qu’il aurait “ été dupé par le ministre ”.
Face au refus de la Fécafoot de jouer ce match, la menace d’une plainte contre eux portée par les Catalans a été brandie au Minsep. Selon nos sources au ministère, David Mayebi aurait pris indûment au ministère la somme de 70.000 euros. L’on continue, à la PJ, à attendre les documents prouvant que le conseiller de Iya Mohammed a bel et bien pris cette somme.
L’argent continue la pomme de discorde de ce conflit. Malgré la théâtralisation et l’imposture de part et d’autre bien que l’on tente de faire croire au public que le Minsep actuel est ignorant de la plainte déposée contre la Fécafoot. Il manque une réelle lisibilité sur les retombées des matches amicaux. Autant certaines personnes laissent entendre que le ministre, bien que n’ayant pas qualité, a voulu organiser un match sans associer la Fécafoot, autant au Minsep le ton monte pour indiquer que la Fécafoot organise les matches amicaux et ne déclare pas les vrais montants. Ceci se passerait entre le régisseur, le président Iya Mohammed et son conseiller.
Pourquoi les deux parties ne disent-elles pas où est partie la prime de qualification que l’Etat avait offerte lors du match contre l’Egypte à Yaoundé ? Somme qui n’a pas été reversée au trésor public alors que les Lions ne se sont pas qualifiés pour la coupe du monde. Comment a été gérée l’enveloppe allouée pour la Can tunisienne alors que la Caf avait pris en charge une bonne partie des dépenses soit le remboursement de la moitié des frais de transport et l’hébergement ? Qu’aucune réelle dépense n’a été faite en Tunisie dans le cadre de la préparation de cette même Can ? Plusieurs questions restent sans réponses. Ici et là, l’argent de l’Etat est pris et les mêmes continuent à faire un appel de fonds, dupant les autorités et le peuple. Les enquêteurs de la police judiciaire ont à bien regarder car il y a de nombreuses distractions de fonds.
Par Sandeau Nlomtiti, Le Messager