C’est la nouvelle coqueluche de l’Espanyol Barcelone. À vingt ans, Carlos Idriss Kameni s’affiche, à l’image de son club, surprenant deuxième de la Liga, comme la grande révélation de la première partie de saison. L’ex-troisième gardien du Havre pointe en tête du classement « Zamora » des meilleurs portiers de la Liga, avec huit buts encaissés en seize rencontres… et trois penalties sur trois stoppés. « Et pas seulement parce qu’ils étaient mal tirés. Les tireurs s’appelaient tout de même Ronaldo, Bastita (Séville) ou Jorge Lopez (Majorque) », insiste Thomas N’kono, actuel entraîneur des gardiens « blanquiazules », l’homme qui l’a lancé en quart de finale des jeux Olympiques de Sydney en 2000, face au Brésil, et l’a conseillé au deuxième club de Barcelone.
« En finale, face à Angulo (qu’il retrouvera ce mercredi soir à Valence), j’avais déjà stoppé un penalty, l’un de mes meilleurs souvenirs… forcément ! » se souvient Kameni. Dans cette finale, l’Espagne menait 2-0 et pouvait tuer le match en inscrivant un troisième but (2-2, 5-3 aux t.a.b). Avec l’Espanyol aussi, le camerounais se montre régulièrement décisif. Sans lui, le Réal aurait pu égaliser (1-0), le FC Séville aurait pu s’imposer plus encore (1-0) et Majorque (2-1) revenir au score. « Que m’a dit Ronaldo après mon arrêt face à lui? Rien. Pas un mot. Mais son regard disait tout ce qu’il pensait d’un petit jeune comme moi, qui le mettait dans un drôle d’embarras. C’est mon préféré cette année. Un sacré missile! »
L’ami d’Eto’o
Remplaçant en France, Kameni y a pourtant marqué les techniciens. « Il est pétri de qualités avec le même valeur qu’un Frey au même âge. Et plutôt en avance », estimait ainsi Nasser Larguet, l’entraîneur de la CFA du Havre. Mais, étonnamment, le camerounais n’a jamais eu sa chance de Normandie, même à son retour des jeux. Jean-François Domergue, l’entraîneur du HAC à l’époque, avait décrété qu’il n’était que le quatrième gardien du club.
Malgré ses qualités naturelles, proches de celles de Bartez pour Élie Baup, qui l’observa lors d’un essai à Bordeaux, il manquait donc du temps de jeu à Kameni.
Miguel Angel Lotina, le successeur de Luis Fernandez à l’Espanyol au poste d’entraîneur : « Quand il est arrivé, il avait d’énormes lacunes dans le placement. Ce qui est normal puisqu’il ne jouait pas. Son intelligence l’a aidé à vite s’imposer lors des matches de préparation. Mais stopper des penalties est anecdotique. Le plus important chez lui, c’est son mental, sa grande maturité et sa grande marge de progression. »
Copain de son compatriote du Barça Samuel Eto’o, le meilleur buteur du chamoionnat, Kameni s’amuse : « Deux camerounais en tête des classements de la Liga… On s’appelle avant ou après les matches, on s’encourage, on mange souvent ensemble. Au pays, il paraît que c’est la folie. On verra cela durant les fêtes. Mais s’il devrait tirer un penalty pour Barça contre moi, je l’arrêterai (le 02 mars). »
Acheté 450 000 euros cet été, en contrat jusqu’à 2007, Kameni serait déjà dans le collimateur de plusieurs clubs grands clubs européens, alléchés par une clause de cession accessible (6 millions d’euros). Arsenal et plusieurs clubs anglais s’y intéresseraient. Mais pour l’Espanyol, pas question de laisser s’envoler l’oiseau rare avant une ou deux saisons.
Frédéric Traïni, L’Équipe