A quelques jours de son arrivée à Rio de Janeiro, le sélectionneur du Cameroun champion d’Afrique revient pour FIFA.com sur l’exploit réalisé par ses joueurs et évoque leur préparation.
Pour beaucoup, Joseph-Antoine Bell restera ce gardien de but félin qui enchanta le public français dans les années 80-90. L’ancien de Marseille, Toulon, Bordeaux et Saint-Etienne n’avait pas hésité à seulement 20 ans à quitter son Cameroun natale pour faire carrière dans l’Hexagone. Souvent barré en sélection par le non moins célèbre Thomas N’Kono, Bell a tout de même remporté deux Coupes d’Afrique des Nations (1984 et 88) et participé à deux Coupes du Monde de la FIFA (1990 et 94). Sa devise : « L’unité de valeur de la réussite, ce n’est ni l’euro, ni le dollar. C’est un rapport entre la satisfaction et le projet. »
Depuis maintenant deux mois, celui qui a été élu il y a quelques années ‘meilleur gardien de but africain de tous les temps’, dirige l’équipe nationale camerounaise de beach soccer. Une sélection qui a réalisé une performance extraordinaire en remportant le tournoi qualificatif africain pour la Coupe du Monde de Beach Soccer de la FIFA 2006.
A quelques jours de son arrivée à Rio de Janeiro, Joseph-Antoine Bell revient pour FIFA.com sur l’exploit réalisé par ses joueurs et évoque leur préparation.
Joseph-Antoine, quand avez-vous pris la mesure de l’exploit que vos joueurs ont réalisé ?
Je ne crois pas en avoir encore pris conscience. D’abord parce que mon passé de footballeur professionnel m’a enseigné que chaque compétition a son vainqueur et que c’est ce dernier que j’ai toujours voulu être. Je ne dis pas que ça a marché à chaque fois mais ça toujours été mon leitmotiv. Ensuite je dois bien avouer que je préfère ne pas penser que cette performance est exceptionnelle. Je sais que cela pourrait être la meilleure façon de nous reposer sur nos lauriers.
Honnêtement, vous pensiez-vous capables de remporter ce tournoi qualificatif ?
Absolument pas ! Quand je prends part à une compétition, je dis que je veux aller au bout. Mais je pense avant tout à atteindre le summum de ce que je peux faire, pas forcément la victoire finale. Viser un titre pourrait sembler irrespectueux envers mes adversaires. S’ils sont meilleurs, il faut savoir l’admettre. Mais mon but est toujours de n’avoir rien à me reprocher. Et c’est ce que j’avais aussi demandé à mes garçons. Je voulais que cela soit une belle aventure pour eux.
Racontez-nous l’histoire de la sélection de beach soccer du Cameroun.
J’ai formé mon groupe avec des joueurs de football de deuxième division que je voulais disponibles et volontaires. L’avantage du beach soccer est que ce sport reste encore très fun. Je savais donc que ces garçons allaient venir pour prendre du plaisir. Mais je sais aussi par expérience que dès que vous êtes sur un terrain, vous souhaitez toujours l’emporter. Cela m’a aidé à dire aux joueurs : « Certes nous irons à Durban pour nous amuser, mais ne vous trompez pas d’objectif ! L’important c’est la compétition ». Cela m’a permis de les faire travailler dans des conditions détendues, mais consciencieuses.
En prenant cette équipe nationale très tard, à seulement quelques semaines des éliminatoires, quelle a été votre préparation ?
En acceptant ce poste, je savais que j’allais m’appuyer sur des joueurs qui n’avaient encore jamais pratiqué cette discipline. Il a donc d’abord fallu leur faire découvrir la surface. Il leur fallait un minimum de connaissances, notamment des règles du jeu. Mon discours a tout de suite été de les rassurer en leur disant que la concurrence n’était pas entre eux, mais avec les hommes qu’ils allaient avoir en face.
Et puis il y a eu ce départ rocambolesque pour Durban…
A quelques jours de notre voyage vers l’Afrique du sud, nous nous sommes rendu compte que sept de nos joueurs – qui n’avaient encore jamais quitté le territoire – n’avaient même pas de passeport. Dans les trois derniers jours, j’ai donc été obligé de trouver des garçons qui avaient la possibilité de voyager. C’est Eugène Ekéké qui m’a dépanné en me mettant à disposition les Camerounais qui jouent dans le club qu’il entraîne au Gabon. Mais il fallait encore que nous obtenions un visa sud-africain pour ces nouveaux éléments. Pour ce faire il nous fallait une lettre attestant du fait que nous remplacions les uns par les autres. Résultat, nous sommes partis avec cinq joueurs dont deux gardiens de but…
Vous avez entamé la compétition en perdant aux tirs au but face à la Côte d’Ivoire. L’arrivée des nouveaux joueurs a-t-elle suffi à relancer vos troupes ou avez-vous préparé votre second match d’une autre manière ?
Je pense très sincèrement que c’est ce premier match qui nous a permis de remporter le tournoi. Cette rencontre a été magnifique. Ce jour-là, avec un gardien dans le champ et sans le moindre remplaçant, nous sommes parvenus à pousser les Ivoiriens jusqu’à la séance fatidique. Nous avons réalisé ce que sans doute jamais personne n’avait fait auparavant. Toutes les autres équipes ont pris un coup sur la tête en se disant : « Ces Camerounais sont des monstres physiques… » Et heureusement que nous n’avons pas gagné ! Puisqu’en même temps que nous faisions grandir la peur de nos adversaires, j’avais de vraies raisons de remotiver mes joueurs. Je ne pouvais que les féliciter de s’être battus jusqu’au bout, mais je ne pouvais pas non plus oublier que nous n’avions pas pris le moindre point. Cela n’a sans doute fonctionné que parce que les nouveaux joueurs sont arrivés le matin de notre second match. Sans eux nous n’aurions pas tenu.
Comment définiriez-vous le style de jeu de votre équipe ?
Forcément à cause de leur statut de footballeur et de leur connaissance nouvelle du beach soccer, mes joueurs ont tendance à jouer plus au sol que dans les airs. Mais j’essaie de les conseiller pour qu’ils s’améliorent et qu’ils utilisent au mieux leurs qualités techniques.
Où en êtes-vous dans votre préparation en vue de la Coupe du Monde de Beach Soccer de la FIFA ?
J’ai découvert les forces de mon équipe et j’axe mon travail sur celles-là. Il est trop tard pour tout changer alors je préfère miser sur leurs qualités et prendre le risque de mettre à nu leurs défauts. Nous sommes pour le moment réunis dans une ville côtière au Cameroun où le sable est très proche de celui de Rio de Janeiro. Je veille ici à faire redescendre mes joueurs sur terre. Certes ce qu’ils ont réalisé est extraordinaire, mais je ne me pardonnerais pas qu’ils attrapent la grosse tête. Nous partirons pour le Brésil cette semaine. Cela va nous permettre d’absorber le décalage horaire, le changement climatique.
Qu’attendez-vous de cette compétition ?
Très honnêtement, rien du tout. Je veux juste que mes joueurs soient heureux d’avoir participé à cette Coupe du Monde. Il ne faut pas se leurrer, des joueurs qui ont découvert le beach il y a deux mois ne vont pas devenir champions du monde. Mais à mes joueurs, je vais dire que leur avenir leur appartient. Je veux juste tirer le maximum d’eux-mêmes. Normalement il n’y a pas photo mais mes joueurs auront à cœur d’aller titiller les meilleurs.