Le 30 septembre 2000, les footballeurs camerounais décrochaient la médaille d’or olympique face aux Espagnols. Un sacre dont personne, pas même leurs dirigeants, n’avait osé rêver.
Septembre 2000, aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Patrick Mboma, la star camerounaise bientôt trentenaire, découvre la plupart de ses jeunes coéquipiers sélectionnés pour participer aux Jeux olympiques de Sydney. Il vient de quitter le club italien de Cagliari pour celui de Parme, quelques mois après avoir remporté avec les Lions indomptables la Coupe d’Afrique des nations (CAN), organisée conjointement par le Ghana et le Nigeria.
Avec Serge Mimpo, il est le seul joueur de plus de 23 ans à avoir été retenu par le sélectionneur Jean-Paul Akono (chaque équipe a droit à un maximum de trois joueurs dépassant cet âge). Mboma se souvient : « Nous étions quelques-uns à avoir été champions d’Afrique sept mois plus tôt : Womé, Eto’o, Geremi, Lauren… Beaucoup s’étaient rencontrés pour la première fois lors du minirassemblement organisé en Angleterre, mais moi, comme j’étais blessé, je n’y avais pas participé. On a fait connaissance à l’aéroport et dans l’avion ! »
Partis avec peu d’espoirs
Les joueurs camerounais ont beau débarquer en Australie avec plusieurs champions d’Afrique dans leurs rangs, personne ne les croit capables de succéder aux Nigérians au palmarès olympique. « Il n’y avait pas beaucoup d’accompagnateurs, raconte Patrick Mboma. Au niveau de la fédération, pas grand monde ne croyait en nous. D’ailleurs, Mohammed Iya, le président de la fédération, était vite reparti. » L’escapade australienne semble à ce point sans espoir que la fédération camerounaise a prévu un match amical contre la France le 4 octobre à Saint-Denis…
« Nous avions hérité d’un groupe abordable avec les États-Unis, le Koweït et la République tchèque. Et nos matchs avaient lieu loin de Sydney (à Brisbane et Canberra). L’ambiance n’était pas vraiment olympique ! Le premier tour, on le passe d’extrême justesse, avec un succès contre les Koweïtiens (3-2) et deux matchs nuls. Mais nous étions encore bien loin de penser à la médaille d’or ! » Après la première phase, alors que les Camerounais s’apprêtent à affronter le Brésil de Ronaldinho en quarts de finale, les éternelles affaires de primes refont surface.
Un grand classique dans l’histoire des Lions. « Vous voulez votre argent du premier tour alors que vous n’avez encore rien fait », objecte le ministre des Sports au moment de passer à la caisse. « Nous ne nous sentions pas soutenus. Très peu de dirigeants étaient là. À part nous, tout le monde était convaincu que le match face au Brésil serait le dernier. »
Sacre
Mais, à Brisbane, les prestigieux Auriverdes s’inclinent (1-2) sous les yeux d’un public australien conquis par ces Lions décidément imprévisibles, dont le gardien, Carlos Kameni, 16 ans, multiplie les exploits.
« On gagne grâce au but en or. Akono ne semblait même pas savoir que tel était le règlement. Après, on a commencé à y croire, même s’il restait encore de grosses équipes », commente Patrick Mboma. En demi-finales, le Chili, qui vient de corriger le tenant du titre nigérian (4-1), s’incline dans les dernières minutes sur un penalty de Lauren (1-2).
Avant de retrouver l’Espagne en finale, les Camerounais s’offrent un de ces psychodrames dont ils ont le secret. À minuit, alors que l’envoyé spécial de la présidence de la République jure la main sur le cœur qu’il n’a pas l’argent des primes, ils décident de ne pas jouer.
« À 8 heures du matin, les francs CFA étaient là, comme par magie », rigole Mboma. Et au stade olympique de Sydney, dont ils foulent la pelouse pour la première fois, les Lions parachèvent leur œuvre face à l’Espagne (2-2, 5-3 aux tirs au but) après avoir été menés 2-0 à la mi-temps. L’auteur de l’un des buts camerounais n’a que 19 ans et n’est pas encore une star. Il se nomme Samuel Eto’o…
« Cette victoire, nous n’avons pas eu le temps de la célébrer, puisque nombre d’entre nous devaient s’envoler pour la France en vue du match du 4 octobre à Saint-Denis. Il y a bien eu une réception au Cameroun, mais bien plus tard ! »
Par Alexis Billebault