C’est un monsieur à plusieurs casquettes. Administrateur économique et social dans le privé, il est également le premier vice-président de la Fédération béninoise de football. Son nom ? Moucharaf Anjorin, bien en point sur son costaud corps et ses presque 2 m, il compte parmi les personnes qui font l’actualité sportive au pays du président Matthieu Kérékou. Manager général, président de la commission des équipes nationales du Bénin, il constitue l’une des têtes de proue de la délégation béninoise qui se trouve actuellement au Cameroun, en vue de ce match comptant pour la première journée des éliminatoires jumelées Can/Mondial 2006.
De prime abord, il est jovial, accueillant et facilement accessible à la presse. Suivant la première séance d’entraînement de son équipe au stade Ahmadou Ahidjo ce vendredi soir, il a été honnête envers Camfoot.com. Pour lui, il n’y a pas photo entre les Lions indomptables et les Écureuils du Bénin. Lisez plutôt…
Camfoot.com : Bonsoir Monsieur le président et bienvenue au Cameroun. Quelle idée vous faîtes-vous de ce match de dimanche contre les Lions indomptables ?
Moucharaf Anjorin : Merci bonsoir. Nous sommes venus au Cameroun pour jouer au football. Vous savez que les joueurs camerounais font partie de l’idole des Béninois, parce qu’ils font partie de ceux qui font la gloire du football africain en Europe. Nous avons beaucoup de respect pour l’équipe du Cameroun ; il n’y a pas de comparaison entre l’équipe camerounaise et celle du Bénin aujourd’hui. C’est vrai que le ballon est rond pour tout le monde, mais il faut savoir lire le cliché réel.
Retenons également qu’au Bénin, le football a commencé à revivre il y a seulement deux ans ; grâce au chef de l’État Mahieu Kérékou qui a pris l’option pour changer le Bénin et vendre le pays par le football, à travers ce qu’il a vu du Cameroun, du Sénégal,… Nous sommes en train d’apprendre, de mettre la main à la pâte. On ne peut pas nous comparer à des gens qui ont des expériences mondiales, olympiques et dont les performances se passent de tout commentaire.
Si le Bénin devait choisir la poule où il devait jouer, dans la première journée, on aurait pas choisi le Cameroun, parce que respect oblige. Mais, puisque c’est le sort, c’est Dieu qui a décidé que nous venions au Cameroun, il n’y pas précipitation. Nous sommes venus ici en tant qu’ambassadeur du Bénin ; nous allons défendre les couleurs de notre pays. Et que la meilleure équipe qui va mieux courir, mouiller le maillot gagne demain.
Camfoot.com : Mais, il n’y a pas que le Cameroun ans votre poule ?
Moucharaf Anjorin : Écoutez, moi, je crois que le Cameroun, c’est différent. Nous avons beaucoup de respect pour le Cameroun. D’ailleurs, je ne pense pas que dans cette poule, il y a d’équipe qui ne puisse pas respecter le Cameroun. Ce que je dis bien, il faut donner à César ce qui est à César. Le Bénin n’a pas l’expérience des joueurs camerounais. Les joueurs camerounais jouent dans les clubs de renom.
Aujourd’hui, la moyenne d’âge du Cameroun doit être 27-28 ans, la nôtre c’est 19-20 ans. Si vous avez regardé, on n’a même pas des joueurs évoluant à un niveau en Europe. Ici, nous avons au moins quinze qui jouent dans le championnat local. Donc, c’est purement une équipe junior qui est venue ici, avec quelques cinq seniors qui seront les patriarches de l’équipe.
« L’ambition pour nous est de nous battre pour pouvoir être en Égypte en 2006. »
Camfoot.com : Il y a quand même des professionnels. On peut avoir quelques noms ?
Moucharaf Anjorin : Écoutez, il ne faut pas dire professionnel. Parlons des joueurs évoluant en Europe. Ce n’est pas nécessairement que tous les pays… Eto’o Fils est un professionnel. Voilà ! Je dis que le Bénin n’a pas encore atteint l’image du Cameroun, et ça, c’est une vérité de la bible, qu’il faut accepter ainsi. La pression n’est pas du côté du Bénin ? Le Bénin est venu faire la fête avec l’aîné du Cameroun. L’ambition pour nous est de nous battre pour pouvoir être en Égypte en 2006. Et ça, la main sur le cœur, nous y serons. Vous comprenez que c’est rêvé de venir attaquer les Lions sur leurs propres installations ? Mais, comme c’est la nature qui a décidé, nous allons jouer. Nous ne venons pas ici en équipe vaincue. J’ai dit tout à l’heure que nous allons courir, mais nous avons beaucoup de respect pour nos adversaires, parce que ce sont des aînés.
Camfoot.com : Votre dernière participation à la Can vous a un tout petit peu mûri non ?
Moucharaf Anjorin : Tout a fait. Il y a deux ans seulement que le comité exécutif dont je suis le vice-président a été mis en place. En deux ans, nous avons réussi à amener le pays à sa première participation historique depuis quarante deux ans d’indépendance. C’est grâce à la volonté du général président Mathieu Kérékou, avec son jeune ministre des sports, qu’on essaie de convaincre les autorités politiques pour véhiculer l’image du pays. Nous devons apprécier le travail qui est fait sur la distance.
Vous avez vu à la Can. Le match qu’on a joué par exemple contre l’Afrique du Sud, on a tenu bon. Bien après, on a lâché, par manque d’expérience, puisque c’est les joueurs qui jouent dans le championnat local et qui n’ont pas encore atteint l’expérience des grandes compétitions. Donc, il faut savoir faire les choses. Contre le Nigeria, on a fait 1-2 ; on a péché parce que notre défenseur voulait dribbler en pleine défense. Vous savez, un grand défenseur expérimenté ne prendrait pas le risque ! Et ça, ce sont les choses qu’on acquiert au fur et à mesure. Là, ils vont jouer contre Eto’o, ils vont encore apprendre ! Que le Cameroun gagne le Bénin, il n’y a pas de scandale. Mais que l’inverse se produise, c’est l’évènement.
Camfoot.com : Vous êtes également président de la commission des équipes nationales du Bénin. Commet celles-ci sont gérées ? Est-ce qu’elles ont le potentiel pour que le football béninois puisse éclore d’ici là ?
Moucharaf Anjorin : Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, nous sommes en pleine restructuration. Et on parle aujourd’hui de Renouveau du football au Bénin. Donc, il faut savoir apprécier les choses dans le temps. Bientôt, nous allons lancer les juniors, les moins de 20 ans, parce que le Bénin à l’insigne honneur d’abriter en 2005 la coupe d’Afrique junior, grâce à votre compatriote, El Hadj Issa Hayatou, président de la Caf, qui a bien voulu contribuer à l’émancipation et au réveil du football au Bénin. L’équipe du Bénin étant qualifié d’office, nous avons pour ambition de remporter le trophée. A défaut de le remporter, d’être parmi les trois premiers, places qualificatives pour la coupe du monde de cette catégorie. Nous profitons pour faire un clin d’œil à El Hadj Hayatou qui est le monument du football africain, qui a beaucoup apporté au football africain et qui est parmi ceux qui sont en train de travailler pour faire du Bénin une nation de football.
Camfoot.com : Et le championnat, comment il va ?
Moucharaf Anjorin : Actuellement, nous allons commencer la semaine prochaine. Nous avons voulu d’abord, que tout le monde s’unisse autour des Écureuils pour ce match. Mais, dès la semaine prochaine, nous allons enclencher sur la saison 2004/2005.
Camfoot.com : Pour finir, parlez-nous un peu du Garf-Afrique (Groupe d’action pour le Renouveau du football en Afrique) dont vous êtes le président…
Moucharaf Anjorin : Le Garf-Afrique c’est l’émanation de la Jeunesse sportive africaine. Nous nous sommes retrouvés à Frankfurt, les jeunes du Comité exécutif de la Caf, pour trouver un cadre qui permet de nous voir, autre que les réunions statutaires de la Caf et de la Fifa, pour que nous puissions mieux nous connaître et étudier ce que nous voulons pour l’Afrique de demain.
Le but de Garf-Afrique aussi est de pouvoir dire un mot au niveau du football africain ; faire le tour des pays africains pour pouvoir créer des bureaux dans ces pays-là pour que la jeunesse de ces pays-là puissent se retrouver et mettre en place le football qu’elle veut pour le devenir de leur pays. Parce que, ce que veulent les Camerounais, ce n’est pas nécessairement ce que veulent les Béninois, ni ce que veulent les Nigérians…Très prochainement, nous allons arriver au Cameroun, avec la collaboration de mon ami président Iya pour mettre en place le Garf-Cameroun.
L’autre ambition de Garf-Afrique c’est aussi d’avoir un mot à dire sur la gestion du football africain au niveau de la Fifa. Il faut donc créer un cadre qui puisse veiller à cela. Notre objectif jusque-là est la ré-élection du président Issa Hayatou, parce que pour la Caf, ce monsieur est un monument, qui a beaucoup fait pour l’Afrique. Quand les gens se levaient à Tunis pour dire qu’il a déjà fait quatre mandats, qu’il faut qu’il parte, le Garf-Afrique s’est réuni pour soutenir, avec nos moyens, dire qu’il est assez mûr pour apporter quelque chose à l’Afrique. Parce qu’il faut que la jeunesse africaine prenne en main son destin, et au niveau de la Caf, les gens le reconnaissent. Cela nous permet aussi de pouvoir dire à nos aînés, qui sont les présidents de fédération, que l’Afrique doit changer. L’Europe aujourd’hui, est en avant ! Si nous passons le temps en Afrique à nous diviser pour des problèmes de personne, ça veut dire que nous allons revenir encore en retard. Imaginez vous, que monsieur Hayatou n’ait pas été élu en Tunisie, et que ce soit vous (jette coup d’œil sur notre carte de visite), monsieur Kisito Ngalamou qui soyez élu président de la Caf, vous devriez encore apprendre non ! Aujourd’hui, Issa Hayatou sait les choses, il manage bien. Et c’est pour le remercier que nous devrons le réélire en 2008, afin qu’il conclue en bien son mandat au niveau de la Caf, avec l’organisation de la coupe du monde 2010. Le Garf-Afrique le soutient dans cette voie là.
Interview réalisée par Kisito NGALAMOU