Il n’est plus à démontrer que le championnat national de première division du Cameroun se vide de ses talents. Malgré les risques, certains choisissent d’aller en Europe, terre promise pour tout bon footballeur. Mais de plus en plus les joueurs Camerounais, au nom du pétrole, vont monnayer leur talent chez le ‘’petit voisin », la Guinée Équatoriale. Malheureusement au finish, une bonne majorité se rend compte que l’Eldorado n’était que leurre.
Selon les responsables de la Fédération Equato-Guinéenne de Football (Feguifut) que nous avons rencontrés à Bata, ils sont plus de cent cinquante (150) joueurs Camerounais qui évoluent dans le championnat du pas de Obiang Nguema Mbasogo. Le gros de l’effectif se recrute dans les quatorze clubs de première division et une bonne partie aussi défend
les couleurs des clubs de deuxième division. On compte également trois entraîneurs Camerounais actuellement en Guinée Équatoriale : Il s’agit de Thierry Ekwalla,
Alain Wabo, respectivement entraîneur adjoint et entraîneur principal de Renacimiento de Malabo, bourreau d’Africa Sport d’Abidjan au tour préliminaire de la champions league. Isaac Wembe, entraîneur de Bongoro est le dernier venu ; c’est depuis cinq mois
que l’ancien coach de Cintra de Yaoundé entraîne au »pays du pétrole ». L’année dernière, le nombre de techniciens Camerounais qui officiaient en Guinée-Equatoriale était plus important. Pour des raisons diverses, Ndongo Keller, Richard Obatteba sont rentrés au pays. » Nous sommes fiers du comportement des joueurs Camerounais, c’est des joueurs décisifs, qui ont une grande expérience, ce qui manque à nos joueurs, c’est pour quoi chaque club s’arrange à avoir son Cameroun », reconnaissait un dirigeant de Akonangui de Bata, une équipe qui compte dans ses rangs dix Camerounais.
Même les dispositions prises par la Feguifut pour limiter le nombre d’étrangers ne concernent pas les Camerounais, puisque beaucoup d’entre eux sont naturalisés pour contourner les textes de la fédération. Le meilleur joueur du championnat de Guinée Equatoriale, la saison dernière était bel et bien un Camerounais, l’ancien joueur de
Mont Cameroun : Douala Elong, actuellement pensionnaire de Akonangui de Bata, une ville qui compte sept équipes en première division. Comme nous l’avons déjà signalé, ils sont d’ailleurs plusieurs qui jouent pour l’équipe nationale, en l’occurrence, huit. Mais les plus en vue sont : le gardien Yaouza Mamadou (qui prenait régulièrement les nouvelles de ses parents au Cameroun), le défenseur Mpanga dont les parents sont à Douala où il a grandi et joué au football. Ce dernier prenait du plaisir de parler en langue maternelle (bassa) à certains confrères présents à Bata pour le sommet de la CEMAC. Il y a enfin le milieu de terrain Lucien Motasie, qui n’est plus à présenter pour les habitués du championnat camerounais.
Lorsqu’on demande aux joueurs Camerounais de la Guinée Équatoriale ce qui les pousse à venir jouer dans ce pays, les réponses vont dans le même sens. » Nous venons ici parce que nous pensons que nous pouvons facilement traverser pour l’Europe », déclare Serge Monthée, sociétaire de Bongoro. Pour son coéquipier Alain Tsimi, » même si le niveau du championnat Equato-Guinéen est faible, nous préférons cela au lieu du Cameroun, parce qu’ici le joueur est logé et chaque mois il peut s’attendre à quelque chose, ce qui n’est plus très évident au Cameroun dans plusieurs clubs ».
Parlant justement des conditions de ces joueurs en Guinée Équatoriale, ce n’est pas le Eldorado qu’on laisse croire. En dehors de Renacimiento de Malabo et dans une certaine mesure Akonangui de Bata, les conditions de vie d’un joueur étranger laisse à désirer. Il n’existe pas de prime à la signature du contrat. Par contre, une somme de cent mille francs CFA est remise au joueur à la signature pour son installation dans les chambres mises à la disposition du joueur par le club. Le salaire mensuel varie en fonction des performances des joueurs au cours du mois. Même si un montant, ne dépassant pas les cent milles francs, est fixé au départ, au moment de la paye, tout dépend des résultats du club et de la performance individuelle de chaque joueur. » Lorsque tu vas au siège du club pour ton salaire à la fin du mois, tu ne sais jamais combien tu vas ramener. Si cette semaine vous avez perdu des matchs, tu peux même recevoir la moitié de ton du », reconnaît Alain Tsimi.
La seule équipe qui traite comme il se doit les joueurs étrangers, c’est Recinacimento. Ceux des Camerounais qui portent la tunique de cette équipe disent fièrement que leur salaire oscille entre 350.000 et 400000 F CFA le mois. Le plus nanti est bel et le bien l’entraîneur Alain Wabo qui touche après trente jours, 850.000 frs. La grande majorité des joueurs Camerounais en Guinée Équatoriale tirent le diable par la queue. Pour joindre les deux bouts, certains sont obligés de faire autre chose que le sport roi. Ils sont nombreux qui
travaillent dans les chantiers comme maçon, peintre, plombier dans la matinée et s’entraînent le soir. »Ce que je gagne dans les chantiers dépasse largement ce que mon équipe me donne. Pour un marché de peinture, je m’en sors avec 200.000 FCFA », affirmait un défenseur Camerounais qui a requis l’anonymat. Comme lui, certains travaillent dans les chantiers au point d’abandonner le football. Il faut dire que grâce aux retombés du pétrole, le pays de Obiang Nguema Basogo essaie de rattraper le retard (dans tous les domaines) accusé au temps des vaches maigres. Bata, une ville à peine de la même taille que Édéa au Cameroun, ne compte que deux Cybers café, dont l’un est géré par un camerounais, comme la majorité des commerces. Beaucoup de ménages viennent de découvrir les joies de l’adduction d’eau domestique et autres infrastructure de base. Les chantiers poussent donc un peu partout dans la ville, dont le plus beau et plus grand est le nouveau stade de football de Bata. Un bijou de 25 000 places, que nous avons eu l’occasion de visiter (photo interdite). L’un des chefs de chantier (un camerounais) nous informe que le chef d’oeuvre sera livré dans environ trois mois. Tout comme le stade de Malabo, plus modeste, actuellement en chantier avancé.
Dans cette ambiance dopée par le mot « pétrole », qui revient dans toutes les conversations, difficile pour les footballeurs camerounais de rester zen. Ceux qui résistent sont des joueurs animés par l’envie de rejoindre un championnat professionnel. Ce qui n’est non plus une évidence, car il se compte sur les doigts d’une main les Camerounais qui sont partis de la Guinée Équatoriale pour l’Europe. Pour l’instant, Guy Manga et Alex Siewé sont les seuls joueurs connus à avoir réussi ce pari, puisqu’ils jouent aujourd’hui en l’Espagne.
Guy Nsigué à Bata