On était habitués à voir l’Union Sportive de Douala perdre ses meilleurs éléments en quête d’un ailleurs meilleur, aujourd’hui, force est de constater que ce sont les Astres voisins qui subissent la saignée. Sept joueurs clés ont abandonné le navire des ‘’Brésiliens » de la capitale économique pour chercher fortune sous d’autres cieux. Et d’ici la fin du marché de transfert de joueurs le 31 août prochain, l’on n’ose imaginer le nombre de footballeurs qui iront gonfler le contingent de la légion étrangère.
Le dernier joueur quitter le navire jaune est Narcisse Ekanga Amia. Le charismatique attaquant des ‘’Brésiliens » de Douala s’est envolé la semaine dernière. Destination : l’Arabie Saoudite. Dans quel club ? Motus et bouche cousue. « Il a reçu un billet d’invitation et il est parti faire des tests là-bas » croit savoir Mbom Ndedi, qui a repris le brassard du club. Ekanga n’est pas à sa première tentative à l’étranger. Au mercato d’hiver, il a fait des tests non concluants à Auxerre, Bordeaux et Anderlecht. Dès son retour au pays, il avait soufflé à Camfoot qu’il s’envolerait pour une nouvelle aventure dès la prochaine occasion. La même semaine, Bayebeck, un des maillons essentiels du système de jeu du coach Étienne Sockeng s’envolait aussi pour la Russie. Objectif, se frayer une place au soleil sous le ciel du pays de Vladimir Poutchine.
« Ils nous envoient des SMS depuis la Georgie »
Deux semaines auparavant, le milieu de terrain, Ngoumou, filait en douce vers l’Algérie. Point de chute, le Mouloudia d’Alger. Le transfuge de Foudre d’Akonolinga est arrivé au sein des Astres cette saison. À peine avait-il amorcé le championnat qu’il était au centre d’une brûlante polémique entre son ancien employeur et les dirigeants des Astres. Pour des problèmes administratifs qui ont entraîné deux mois d’inactivité du joueur. Après deux mois de bons et loyaux services aux Astres, Ngoumou, abandonne son club pour le championnat algérien.
Au début du mois de ce mois, deux joueurs quittaient le club du président Joseph Nguekam. Ce sont Fridolin Boyomo et Evoche. Ils sont actuellement en Europe, plus précisément en Georgie, au sein de Sioni Bolsini, le club champion de l’année. « Ils sont bien là-bas. Ils nous envoient régulièrement des sms par téléphone» lâche le capitaine des Astres, Mbom Ndedi. Sioni Bolsini (D1 Georgie) étant engagé au tour préliminaire de la Champions league européenne, les deux Camerounais ont été, selon des sources proches du club, immédiatement intégrés dans le groupe. C’est ainsi qu’ils ont fait partie de l’expédition qui a remporté la victoire contre Fc Baku (Azerbaïdjan) le 11 juillet dernier.
« C’est la conséquence de la démission de l’Etat. »
Au mois d’Avril 2006, ce sont les attaquants Paul Ncha et Jean Vauclin Bekima qui ont inauguré cette vague de départ vers l’étranger. Ayant donné du fil à retordre aux Angolais de Petro Atletico Luanda lors des tours préliminaires de la MTN Champions League, ils sont recrutés par le club angolais dès la fin du match retour. Quatre mois plus tard, Paul Ncha est de retour dans les Astres de Douala : « le coach qui m’a recruté a été remplacé. Le nouveau technicien a estimé qu’il ne pouvait pas me retenir dans son dispositif. C’est la raison pour laquelle Petro Atletico Luanda m’a libéré. Depuis un mois, je suis revenu au Cameroun où j’ai retrouvé ma place dans Astres » a expliqué l’avant-centre qui a déjà inscrit trois buts depuis son retour.
Ce départ massif des joueurs vers l’étranger bouleverse le dispositif de jeu du coach Etienne Sockeng : « Le départ de nos joueurs pour des tests dans les clubs à l’étranger nous pénalise. C’est un éternel recommencement. Il faut toujours trouver de nouveaux éléments pour remplacer les joueurs qui partent et ce n’est pas évident pour l’équilibre d’un club. Ça prouve que le football Camerounais est malade. Les gars partent parce qu’ils ne sont pas bien traités ici au pays. Si on interdit à ces joueurs de partir, ils restent mais l’esprit sera ailleurs et ce n’est pas bon pour l’équipe. En partant, ils nous créent aussi des difficultés, mais l’important, c’est de travailler pour remplacer ceux qui partent », affirme le coach principal des Astres.
A la Kadji Sport Academy voisine, le tout jeune avant-centre Ghislain Emo s’est envolé le week-end dernier pour un test dans un club turc. Un mois auparavant, constant George Mandjeck, un autre académicien était en France où il a fait des tests non concluants à Auxerre et au Mans. Ces départs massifs, dont les Astres ne sont que la partie visible de l’iceberg, concernent la quasi-totalité des clubs camerounais. La preuve de la déliquescence et non moins embarrassante situation du football camerounais.
Pour le président de la Fédération camerounaise de football, Iya Mohammed, « la faute, elle est collective. Aux clubs qui n’ont pas pu retenir leurs meilleurs joueurs ; à l’État qui n’a pas pu nous fournir sur quoi jouer ; partiellement à la fédération, puisque nous n’arrivons toujours pas à avoir suffisamment de moyens, suffisamment de ressources pour pouvoir subvenir aux besoins de ces clubs, pas seulement sur le plan matériel, mais également sur le plan des infrastructures. Les clubs camerounais sont pauvres, la fédération ne dispose pas des moyens, l’État a démissionné. Voilà les conséquences aujourd’hui. »
Eric Roland KONGOU, à Douala