Depuis le 16 avril dernier, jour où la Fifa rend publique la sanction contre les Lions indomptables, les espoirs d’un recours gracieux sont restés grands, malgré les grincements de dents engendrés par cet autre pavé jeté dans la marre du football camerounais.
C’était sans compter avec la détermination de l’instance dirigeante du football mondial, d’en découdre une fois pour toutes, avec cette équipe dont l’équipementier, depuis la Coupe d’Afrique des Nations 2002 au Mali, expérimente des tenues aussi bien osées que non réglementaires. Eh bien, depuis hier après-midi, le verdict est tombé comme un couperet. Réunie à Zurich en Suisse, la commission d’appel de la Fédération internationale de football association (Fifa) a entériné, sans autre forme de recours cette fois-ci, la décision de soustraire 6 points aux Lions indomptables pour les éliminatoires couplées de la coupe du monde et de la Can 2006. Même la sanction pécuniaire de 80 millions infligée à la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) n’a pas été modifiée.
Pourtant, dès l’annonce de la sanction, il y a un mois, des tractations ont été entreprises, aussi bien de manière officielle qu’en coulisses, par les autorités en charge du football camerounais. Une commission chargée de ficeler un dossier de recours a aussitôt été mise sur pied. Certains responsables de la Fécafoot se montreront même rassurant quant à l’issue de ce démêlé avec la Fifa, même si, très tôt, dans un maladroit réflexe de chacun pour soi, des fissures à naître au sein de l’instance dirigeante du football national, par ailleurs, secouée par le vent du renouvellement de ces dirigeants. Compte tenu du climat délétère ambiant dans la grande famille du football, les élections initialement prévues le 24 avril seront renvoyées à une date ultérieure. Cependant, Vincent Onana et Jean-Baptiste Nguini Effa, les deux candidats déclarés à la succession de Iya Mohamed, n’en sont que mieux servis, puisqu’ils entament une nouvelle campagne médiatique dans laquelle la sanction de la Fifa est brandie comme preuve de la mauvaise gestion du football camerounais.
UniQT
Même dans la plus haute sphère du pouvoir, l’affaire n’a laissé personne indifférent. Selon certaines sources, le chef de l’Etat, lors de son récent séjour en Suisse, aurait essayé d’avoir un entretien avec Sepp Blater, président de la Fifa, à l’effet de le convaincre de lever cette sanction qui, sauf miracle, barre la route des coupes du monde et d’Afrique à l’équipe nationale du Cameroun. Bien avant cette démarche diplomatique, Paul Biya, répondant certainement aux réactions hostiles du public sportif camerounais, avait, une semaine seulement après la sanction (c’est à dire le 23 avril), frappé du poing sur la table en limogeant Pierre Ismaël Bidoung Nkpwatt, alors tout puissant ministre de la Jeunesse et des Sports.
Ce même 23 avril, les responsables de Puma, l’équipementier par qui est venu le scandale, donnent une conférence à Yaoundé et invitent à ne pas engager un bras de fer avec l’instance dirigeante du football mondial. L’espoir de voir la Fifa assouplir sa position demeure. Illusion! Lundi le 3 mai 2004, sur une pleine page du quotidien sportif français « l’Equipe », la firme allemande lance une campagne, provocatrice au regard du contexte, sur le UnitQT, l’équipement des Lions qui est à l’origine de la sanction de la Fifa.
Dans cette sortie publicitaire inattendue, Puma invite les fans des Lions indomptables à soutenir le Cameroun dans ce qui prend alors les allures d’un bras de fer contre l’instance faîtière du football. Surplace au pays, en dehors de certains journaux qui s’en indignent dans leurs colonnes, aucun responsable du football camerounais ne lève le petit doigt. La Fifa a certainement pris note de ce spot. Et comme on pouvait s’y attendre, elle n’a pas apprécié et vient de le faire savoir. En abattant sa puissante main sur le Cameroun.
Le premier jugement de la Fifa
Attendus du jugement rendu dans le cas disciplinaire de la Fédération de Football du Cameroun. La Commission de Discipline de la Fifa présidée par Marcel Mathier (Suisse) a infligé à la Fédération de Football du Cameroun, à l’issue de ses délibérations du 16 avril 2004, à Zurich, une amende de Chf 200.000 et une déduction de six points applicable lors des éliminatoires de la Coupe du Monde de la Fifa, Allemagne 2006. Les attendus du jugement ont été transmis à la Fédération de Football du Cameroun.
Exposé des faits
Lors de la Coupe d’Afrique des Nations 2004 en Tunisie, l’équipe nationale du Cameroun a disputé son premier match du premier tour contre l’Algérie, le 25 janvier 2004, vêtue d’une tenue de jeu non conforme au règlement de la Fifa. Contrairement à la Loi du Jeu N°4 selon laquelle l’équipement de base de tout joueur comprend notamment un maillot ou chemisette et des culottes, distincts, la sélection camerounaise est entrée sur le terrain vêtue d’un costume une pièce non autorisé. Suite à cette contravention, la Fifa a immédiatement enjoint à la Fédération de Football du Cameroun, le 26 janvier 2004, de disputer les matches suivants dans une tenue conforme au règlement, avec copie à la Confédération Africaine de Football (Caf), en mentionnant que dans le cas contraire, le cas serait porté devant la Commission de Discipline. La Fédération de Football du Cameroun a immédiatement réagi à cette lettre en indiquant qu’elle ne serait pas en mesure, avant le 7 février 2004, c’est-à-dire avant la fin du premier tour, de modifier la tenue, car son équipementier ne pourrait fabriquer une nouvelle tenue avant cette date.
Dans cette lettre, le Cameroun reconnaissait l’irrégularité tout en donnant l’assurance qu’il jouerait dès le 7 février 2004, autrement dit après le premier tour, dans une tenue conforme au règlement. Sur cette base et compte tenu des circonstances particulières, la FIFA a alors accepté à titre exceptionnel que les matches soient disputés dans la tenue non conforme au règlement jusqu’à la fin du premier tour, tout en réitérant sa remarque qu’en cas d’infraction, le cas devrait être porté devant la Commission de Discipline. A l’issue du premier tour, la sélection nationale du Cameroun a continué de jouer dans sa tenue non conforme au règlement, malgré l’assurance qu’elle avait donnée et au mépris de la directive de la Fifa. Le Cameroun a alors invoqué comme nouvelle raison que son équipementier avait besoin de deux mois pour livrer une nouvelle tenue. Suite à cela, la Fifa a déféré le cas à la Commission de discipline pour jugement.
Exposé des motifs de la Commission de Discipline
En s appuyant sur cet exposé des faits, la Commission de Discipline de la FIFA a considéré ce qui suit : Selon l art. 2 lit. d des Statuts de la FIFA, la FIFA a pour but de contrôler le football sous toutes ses formes et, partant, le respect des Statuts, des règlements, des décisions et des Lois du Jeu. En utilisant la tenue une pièce, l équipe nationale du Cameroun et donc la Fédération du Cameroun ont violé la Loi du Jeu n°4 qui dispose explicitement que l équipement de base comprend notamment un maillot ou chemisette et des culottes. Compte tenu des circonstances particulières, la FIFA a octroyé une autorisation exceptionnelle à la sélection nationale du Cameroun, valable jusqu à la fin du premier tour, pour le port de la tenue une pièce non conforme au règlement, assortie de la directive sans ambiguïté et liée à l assurance donnée par le Cameroun qu il porterait une tenue conforme au règlement à l issue du premier tour. L équipe nationale du Cameroun a outrepassé cette directive en jouant dans une tenue une pièce même après le premier tour. Ainsi, l équipe nationale du Cameroun est-elle passée outre à une directive de la FIFA sans motif valable.
Attendus du jugement
Ces considérations ont conduit la Commission de Discipline à la conclusion suivante concernant les sanctions : Durant la Coupe d Afrique, l équipe nationale du Cameroun a continué de jouer, même après le premier tour, dans une tenue non conforme au règlement, violant ainsi expressément la Loi du Jeu n°4. Le fait que la sélection nationale camerounaise ait ignoré sans raison valable l autorisation exceptionnelle et donc la directive de la FIFA, a valeur de circonstance aggravante (art. 2 lit. d des Statuts de la FIFA). L équipe nationale du Cameroun a ainsi manqué de respect à la FIFA. De plus, et cela n a pas non plus exercé une influence favorable sur le jugement, la fédération du Cameroun n a pas non plus pris position sur le cas dans le délai qui lui était imparti, dans le cadre de la procédure de la Commission de Discipline. Dans ce contexte, il convient de qualifier la faute d extrêmement grave, ce qui justifie d infliger à la Fédération de Football du Cameroun une amende de CHF 200 000.
En outre, la Commission de Discipline de la FIFA est d avis que compte tenu de la gravité de la faute, une déduction de points applicable à la compétition préliminaire de la Coupe du Monde de la FIFA est justifiée.
La commission a justifié son jugement au motif que dans le cas présent une amende ne peut à elle seule remplir le sens et le but de la sanction. Il convient de prendre en considération le fait que la faute a été commise sur le terrain de jeu, ce dont la sanction doit aussi tenir compte et qui n est possible qu en partie avec une amende. Une amende ne peut qu insuffisamment remplir le sens et le but de la sanction car dans le cas présent, une sanction doit avoir un effet éducatif en plus de son effet répressif. Ce but ne peut être atteint que via une déduction de six points dans le cadre de la compétition préliminaire de la Coupe du Monde de la FIFA. Compte tenu de ces circonstances, la Commission de Discipline considère une déduction de six points, en sus de l amende de CHF 200 000 comme proportionnée à la faute.
Brice R. Mbodiam (Stagiaire)