Le ministre de la Jeunesse et des Sports (Minjes), Siegfried David Etame Massoma, a pris, lundi en fin de soirée, une décision créant une commission d’enquête à la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) désignée » Commission « .
Il faut revoir la convention Minjes/fécafoot du 18 décembre 2000 et les termes du communiqué du ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République du 23 avril 2004 annonçant l’envoi à la Fécafoot d’une commission d’enquête sur prescription du président de la République, pour comprendre la charge confiée à cette deuxième commission créée par M. Etame Massoma, après celle du 7 mai dernier et concernant la relecture des textes à la Fécafoot. Christophe Ngack Mahop, administrateur civil en service au Contrôle supérieur de l’Etat, préside cette commission d’enquête qui devra rendre sa copie, comme la précédente, dans un délai de 30 jours, à compter de la date de signature de la décision la créant. Elle a pour membres André Akam Akam,Pierre Kameni, Gaspard Bih, Aliou Dewa et Marie-Louise Secke Pouka. Ces derniers ont été installés hier après-midi par le Minjes.
Ses principales missions sont de recenser, répertorier et contrôler la gestion de la régularité des retombées matérielles et financières de la participation des équipes nationales de football aux diverses compétitions internationales, du sponsoring (revoir les contrats liant la Fécafoot à Puma, Orange, Pmuc et à la Sabc) et des droits de retransmission audiovisuelle, des rencontres de football des différentes catégories de l’équipe nationale et de la gestion de la publicité dans les stades. Christophe Ngack Mahop et son équipe sont également chargés d’établir les responsabilités à l’issue de cette enquête, d’examiner toutes les questions techniques ayant trait au mode opérationnel et aux procédures portant sur la synergie des relations entre la Fécafoot et la Fédération internationale de football association (Fifa) d’une part, la Fécafoot et la Confédération africaine de football (Caf) d’autre part.
Les résultats de l’enquête de cette commission sont très attendus, tout comme celle de la commission de relecture des textes. Car, de leurs conclusions, dépendront à coup sûr les contours de l’avenir du football camerounais. Tout dépendra surtout du sérieux des deux équipes et de la manière dont les prescripteurs de cette enquête vont gérer les conclusions. La commission du Minjes qui se réunit en tant que de besoin sur convocation de son président, est habilitée à consulter toute personne ressource en raison de ses compétences pour participer aux travaux.
L’arbre et la forêt
Il ne faut point se leurrer. Les plus hautes autorités sportives camerounaises, informées de l’implication directe du chef de l’Etat (qui aurait personnellement écrit au président de la Fifa pour faire amende honorable), espéraient beaucoup de la mission envoyée à Zurich pour défendre le dossier Cameroun devant la commission d’appel, à l’effet de revenir sur la décision de retirer six points aux Lions indomptables, avant même le début des éliminatoires des prochaines Coupe des nations et Coupe du monde de 2006. D’être finalement rentrés bredouille, après le second coup de massue de l’autorité suprême du football mondial, a donc précipité un autre mouvement du gouvernement camerounais qui, par l’intermédiaire du nouveau ministre en charge du football, vient de créer cette commission d’enquête dont la mission essentielle, sous un vernis un peu transparent, se réduira à savoir qui a exactement fait quoi dans le fameux dossier des tenues des Lions, géré avec l’équipementier Puma.
L’on peut, d’entrée de jeu, s’étonner de ce que, même en mettant de côté la polémique autour des commissions versées ou non à quelques responsables de la Fecafoot et à des joueurs de l’équipe nationale, les patrons de la fédé de notre sport roi n’aient pas tiré les leçons de ce que tout le monde considère comme un échec. Ayant minimisé les injonctions de la Fifa (correspondances à l’appui) et en présentant l’équipe des Lions au second tour de la dernière Can avec les mêmes équipements pourtant rejetés par l’instance du football mondial, ils sont en train de priver le pays tout entier d’une participation au prochain plus grand rendez-vous mondial du foot, où les Lions avaient pourtant pris, depuis les quatre dernières éditions, un fidèle abonnement. La meilleure manière d’en tirer les conséquences n’eut-elle pas consisté à se démettre, au lieu de se retrouver immédiatement à se battre pour être reconduit pour un autre mandat de quatre ans?
Certains évoqueront qu’en dehors des exceptions comme Garga Haman Adji ou Haman Said, la culture camerounaise n’est pas spécialement à la démission. On n’attend toujours d’être démis, lorsqu’on a été nommé par décret, et on s’arrange (par tous les moyens) pour être reconduit lorsqu’il s’agit d’une élection. D’autres expliquent, sans trop convaincre, que la manière dont le gouvernement s’est emparé du dossier dès que l’avenir des Lions, fleuron du renouveau, s’est brouillé, ne pouvait inciter ces patrons du football qu’à de la résistance, à un repli défensif, car toute démission aurait été interprétée comme une capitulation, comme l’aveu évident de la thèse de la magouille, jusque-là la plus répandue.
Mais au moment où est mise sur pied cette commission d’enquête, les questions qui fusent, sont nombreuses, sans certitude d’y avoir un jour des réponses. En particulier, qu’est ce qui peut expliquer cette manière d’intrusion du gouvernement camerounais dans les affaires d’une fédération qui, normalement, n’est gérée que par ses propres textes, sous l’arbitrage éventuel du moniteur qu’est la Fifa?
Dans un pays où chaque responsable considère qu’il a eu une parcelle de pouvoir (d’un chef relativement indifférent et passablement absentéiste), et peut donc en faire ce qu’il veut, pourquoi subitement donner tant d’importance au football alors qu’aucun autre secteur ne marche convenablement? Comment rendre crédible une telle opération lorsque, dans le même temps, les Finances sont à l’agonie et la police pratiquement sans chef? De qui se moque-t-on finalement lorsque, dans le contexte actuel, plus personne ne veut plus évoquer le problème posé par l’Albatros, le nouvel avion présidentiel, actuellement immobilisé sur le tarmac de l’aéroport de Yaoundé Nsimalen, sans aucune certitude qu’il pourra encore transporter le couple présidentiel ?
Et, enfin, pourquoi vouloir à tout prix «retoiletter» les textes de la Fécafoot alors qu’on ne prête aucune attention aux suppliques de ceux qui veulent une plus grande transparence électorale ? Peut-être faut-il, malgré tout, faire confiance à Christophe Ngack Mahop et à son équipe, à qui on vient de confier un travail de fonctionnaire. Ils réussiront sans doute, entre autres, à nous expliquer la vraie ou fausse collision entre la fédé et le Minjes, au sujet des retombées des entrées publicitaires ou promotionnelles autour de l’image des Lions, de manière à indiquer, au final que la commission d’enquête aurait pu, dans son libellé, être diligentée aussi bien vers le ministère en charge du football. Mais qu’est ce que cela changera au fonctionnement actuel du Cameroun?
A.B.B.