Les gestionnaires du football camerounais auraient refusé de transmettre certains documents qui leur sont propres à la commission d’enquête. Au motif qu’en le faisant, ils violeraient les dispositions statutaires de la Fifa qui n’autorisent pas d’ingérence externe dans la gestion des fonds propres de ses associations nationales affiliées.
L’enquête en cours à la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) ordonnée par le ministre de la Jeunesse et des sports sur instruction, dit-on, de la présidence de la République, va-t-elle provoquer un nouveau conflit entre la Fédération internationale de football association (Fifa) et le Ministère de la Jeunesse et des sports (Minjes) du Cameroun ? Il y a lieu de le redouter au regard d’un blocage des travaux qui est survenu récemment, suite à une incompréhension entre la commission d’enquête présidée par Christophe Ngack Mahop et les dirigeants de la Fécafoot. En effet, selon des informations recueillies à bonne source, la commission serait actuellement bloquée devant le refus du bureau exécutif de la Fécafoot d’accéder à ses comptes propres. Le motif de ce refus serait qu’en transmettant certains documents à la commission d’enquête, la Fécafoot entre en violation des dispositions statutaires de la Fifa qui n’autorisent pas d’ingérence externe dans la gestion des fonds propres de ses associations nationales affiliées. Et que, par mesure de précaution, le bureau exécutif doit au préalable demander l’avis de la Fifa. Ceci, pour écarter le risque d’une nouvelle affaire Fifa/Fécafoot.
Le président et le secrétaire général de la Fécafoot ont alors été mandatés auprès du ministre de la Jeunesse et des sports, par le bureau exécutif de l’institution qui a en charge la gestion du football camerounais, pour lui dire clairement les risques que la fédération encourt dans cette affaire par rapport aux dispositions statutaires de la Fifa et la nécessité d’avoir au préalable l’avis de cette dernière. Au président de la commission d’enquête, la Fécafoot a, selon nos sources, fait parvenir une correspondance dans ce sens. On se souvient par ailleurs qu’il y a deux semaines, plus précisément le 26 mai dernier, l’instance faîtière du football mondial avait adressé au ministre de la Jeunesse et des sports, Siegfried David Etamè Massoma, une lettre que Le Messager avait publié en fac-similé dans son édition n° 1665 du 28 mai, rappelant les conditions acceptables de collaboration entre les gouvernements et les fédérations de football qui sont ses associations membres.
Violation répétée des textes
S’agissant du cas précis du Cameroun, Le Messager publie ci-après un extrait pertinent des recommandations faites en 1999 par la Fifa à la Fécafoot, lorsque cette dernière reformait ses textes, sous l’oeil vigilant de Vincent Monnier, chef du département Associations nationales à la Fifa à cette époque là, dépêché à Yaoundé par l’institution qui a en charge la gestion du football dans le monde:
« La Fécafoot doit être l’exclusive gestionnaire des équipes nationales. Si une coopération avec l’Etat est nécessaire, notamment au plan financier, elle doit faire l’objet d’une convention stipulant que la Fécafoot doit rendre des comptes précis sur l’aide financière de l’Etat mais que ce dernier n’a pas le droit d’intervenir dans la gestion des équipes nationales. Le concours de l’Etat dans le cadre des compétitions nationales et internationales ne l’autorise pas à s’ingérer dans la gestion desdites compétitions. La Fécafoot doit rendre des comptes précis sur ladite aide financière. La Fécafoot ne devrait pas solliciter l’aide de fonctionnaires de l’Etat afin de préserver son indépendance. Si elle est contrainte à le faire, la convention entre la Fécafoot et l’Etat doit stipuler que les fonctionnaires mis à la disposition de la Fécafoot doivent rendre compte de leur travail (gestion) devant cette dernière ».
En réalité, malgré ces dispositions, et comme le rappelait notre chroniqueur Jean-Baptiste Sipa dans l’édition n° 1668, page 2, la Fécafoot est restée quasiment et permanemmemt écartée de la gestion des équipes nationales par le Minjes. En vertu sans doute d’une charte des Sports censée fixer les conditions de fonctionnement de la fédération et de sa collaboration avec le Minjes, mais dont le flou (recherché ou non) n’a été à ce jour que source de conflits. C’est sans doute pour éviter ou atténuer ces conflits que la Fécafoot a accepté de signer avec le Minjes le 18 décembre 2000, une convention qui porte entre autres sur la répartition des recettes générées par la prestation des équipes nationales dans la proportion de 55% pour le gouvernement (reversés au trésor public) et 45% pour la Fécafoot.
Tout porte à croire que la commission d’enquête voudrait contrôler l’usage que la Fécafoot fait de ses 45%. Ce qui n’est pas l’entendement de la Fifa qui estime que la gestion de la fédération doit être contrôlée par une instance désignée ou agréée par l’Assemblée générale (Ag) de l’association. D’où la proposition de la Fécafoot à la commission d’enquête d’attendre qu’elle obtienne l’autorisation de la Fifa pour lui ouvrir la porte de ses comptes propres. Quant à l’Ag de la Fécafoot qui reste suspendue sine die, il convient de rappeler que pour l’institution mondiale que dirige Joseph Sepp Blatter, « le fait que le ministère de tutelle ait le droit de convoquer une assemblée générale est en contradiction avec les statuts de la Fifa ».
Quoi qu’il en soit, il est prématuré de conclure que la situation aboutisse à un clash. Le nouveau Minjes, Siegfried Etamè Massoma ayant, selon nos sources, promis à la commission d’enquête et à la Fécafoot qu’il essayera de trouver avec la présidence de la République les voies et moyens de faire en sorte que la situation soit résolue dans l’harmonie.
Honoré FOIMOUKOM