L’image est bouleversante! Dimanche dernier au stade Ahmadou Ahidjo, alors que la première mi-temps du match Cameroun-Côte d’Ivoire tire vers sa fin, Eric Djemba Djemba, le milieu défensif axial des Lions indomptables, commet une bourde en voulant multiplier des crochets inutiles: Aruna Dindane, l’attaquant ivoirien d’Anderlecht, s’empare du ballon et s’en va fusiller le portier Souleymanou Hamidou qui, heureusement, dans un arrêt de grande classe, dévie la balle en corner…
Le public se lève et crie sa rage. Winfried Schäfer et son adjoint Paul Ndanga se lèvent aussi, dans le même accès de rage, font semblant de se concerter et demandent immédiatement à Guy Feutchine de s’échauffer. Deux minutes après, le joueur de Paok Salonique remplace, sous les sifflets des spectateurs, le milieu de terrain de Manchester United. Ce dernier, d’ordinaire teigneux, a accepté sportivement ce choix de l’encadrement technique et a pris la direction de la sortie de l’aire de jeu. Plus paniqués que lui, et sans doute conscients des conséquences psychologiques sur le jeune joueur de la brusquerie de la réaction du banc de touche camerounais, les deux doyens de l’équipe, Rigobert Song et Lucien Mettomo se sont précipités pour réconforter leur jeune partenaire avant qu’il franchisse la ligne de touche.
Les Lions indomptables ont finalement remporté leur duel face aux Ivoiriens (2-0). Il serait donc mal venu d’ergoter en ce moment sur les performances de l’encadrement technique camerounais. Certains bien pensants se sont même déjà effarouchés que Schäfer et ses hommes continuent à être critiqués après une aussi nette victoire contre l’une des meilleures sélections d’Afrique. Mais, peu nous chaut, tant les mêmes voix se sont souvent élevées après les défaites pour dire que « c’est la loi du sport, on ne peut pas gagner tous les jours ».
En ce qui nous concerne, pour le peu que notre modeste intelligence nous permet de comprendre et que nos yeux nous autorisent à observer, il est loisible de constater qu’il y a un gros problème d’encadrement technique des Lions indomptables, surplombé par des choix indéfendables d’une tutelle politique inconséquente, qui chamboule tout quand tout va bien et maintient le statu quo quand tout va mal. Le technicien allemand Winfried Schäfer, au pedigree incontesté puisqu’il a fait ses preuves dans la Bundesliga, multiplie des erreurs techniques et tactiques, ainsi que des fautes de goût tout simplement, depuis la Coupe du monde 2002 au Japon.
Ceux qui pouvaient, à ses côtés, avoir un mot à lui dire au regard de leur expérience et de leur connaissance du terrain, ont été tour à tour réduits à s’essayer à l’interprétariat ou définitivement écartés, qu’ils s’appellent Nkono, Omog ou Ndtoungou. Aujourd’hui, l’homme à la crinière blonde est assisté par Paul Ndanga, un parfait inconnu de la science de l’entraînement, qui vient acquérir de l’expérience à l’équipe nationale. Déjà content d’être là, quels conseils peut-il donner à son supérieur hiérarchique?
Un encadrement technique serein et sûr de son fait n’aurait jamais sorti Djemba à cinq minutes de la mi-temps. Il aurait fait des recadrages internes pour attendre la pause et faire les changements nécessaires dans les vestiaires. Il n’aurait même jamais aligné d’entrée ce jeune joueur qui, se sentant d’une petite douleur à la jambe, avait souhaité ne pas prendre part à ce match mais y fut contraint par son coach. Tout comme était incompréhensible la présence d’un Idrissou sur la pelouse, pendant que Emana et Mokaké étaient dans les tribunes, que Job et Makoun se morfondaient sur le banc. Il faut respecter les choix des techniciens? Nous les respectons, mais ne pouvons nous empêcher de dire que certains ne sont guère judicieux, pour le moment, tandis que d’autres (la titularisation de Souleymanou dans les buts par exemple) sont à applaudir.
En Europe, où nous avons l’habitude au Cameroun de chercher de bons exemples, après un échec dans une compétition internationale, un débat national s’ouvre immédiatement sur la succession du sélectionneur, que ce dernier ait donné sa démission ou non. En France actuellement, la bataille de succession de Santini se résume à un duel des deux anciens grands internationaux: Jean Tigana et Laurent Blanc. Dans notre pays, on n’a que rarement pensé aux anciens grands joueurs pour occuper le fauteuil qui est si facilement offert aux techniciens étrangers, ni même celui d’adjoint du sélectionneur national. Pourtant, certains, non seulement possèdent un grand vécu de joueur, mais sont allés apprendre la science de l’entraînement ou exercent par ailleurs le métier d’entraîneur avec bonheur.
A l’heure où nous mettons sous presse, le Minjes serait en train de faire rappeler, doucement, Martin Ndtoungou pour continuer à assister Winfried Schäfer dont les limites sautent aux yeux de ceux qui ne se voilent pas la face. Qu’ont donc fait les Eugène Ekeke, Bonaventure Djonkep, Emmanuel Kunde, François Omam-Biyik, Paul Bahoken et autres, pour ne pas mériter de s’asseoir sur le banc de touche des Lions indomptables? Les Lions ont recommencé à gagner, l’arbre cache à nouveau la forêt, et ce genre de débat ne peut que vouer ses auteurs à l’autodafé. Nous acceptons cette posture inconfortable, convaincu que les incohérences politico-administratives et et techniques ne seront jamais une voie de salut pour le football camerounais.
Emmanuel Gustave Samnick