Une forte délégation conjointe Minjes-Fécafoot sillonne actuellement l’Europe, et même la planète entière, avec pour mission urgente de débloquer la libération des footballeurs professionnels camerounais invités à prendre part au dernier match qualificatif pour les Jeux olympiques, le 28 mars prochain à Bamako contre les Aigles espoirs du Mali.
Dans leur sacoche, les noms des joueurs convoqués par l’entraîneur national Jean Paul Akono; des noms qui ont tous la particularité d’être ronflants en ce moment exceptionnel : Samuel Eto’o Fils (Majorque), Eric Djemba Djemba (Manchester United), Modeste Mbami Mbami (Paris Saint Germain), Timothée Atouba Essama (Fc Bâle), Jean Makoun II (Lille), Achille Webo (Osasuna), Idrisss Carlos Kameni (Le Havre)…
Du beau monde, forcément. Et comme on peut le remarquer, toute cette colonie de joueurs expatriés fait déjà partie de l’équipe nationale A qui a pris récemment part à la 24ème édition de la Coupe d’Afrique des nations seniors (du 24 janvier au 14 février 2004 en Tunisie).
Le discours officiel ne le dit pas assez, mais laisse croire que la patrie étant en danger, il était normal que l’on batte le rappel de toutes les troupes qualifiées pour cette ultime bataille (la compétition est réservée aux joueurs de moins de 23 ans) contre les Aigles à Bamako. Dans le principe, nous ne pouvons qu’être d’accord, que le Cameroun se donne tous les moyens légaux en sa disposition pour arracher la qualification de son équipe de football aux prochains jeux olympiques où les Lions indomptables défendront alors du reste leur brillante médaille d’or gagnée en 2000 à Sydney. C’est la méthode cavalière avec laquelle tout cela est mené qui laisse à désirer et fait planer des doutes sur la sincérité des belles et grosses résolutions prises après chaque défaite, comme ce fut encore le cas cette année après l’élimination du Cameroun en quart de finale de la Can 2004 par le Nigeria.
Au ministère de la Jeunesse et des Sports, on avait tôt fait d’entonner le refrain du « rajeunissement des effectifs », et le patron des lieux a instruit le sélectionneur national de s’installer enfin au Cameroun, question de prospecter plus efficacement des internationaux dans le championnat national de 1ère division. Si ces résolutions valent pour l’équipe fanion, elles devraient logiquement valoir davantage pour la sélection olympique. Celle-ci a pour entraîneur un technicien camerounais qui réside à Yaoundé, et elle est réservée aux moins de 23 ans, donc pas besoin de crier au rajeunissement. Et voilà qu’à la première occasion, on sillonne le monde entier à la recherche des footballeurs camerounais de moins de 23 ans! Si dans cette catégorie on ne peut pas en trouver au Cameroun, est-ce Winfried Schäfer qui en trouvera pour son équipe de seniors?
En fait, le vrai mal des sélections camerounaises reste et demeure celui de leur gestion aussi bancale qu’opaque. Pour le match de la 5ème journée des éliminatoires des JO contre la Rdc, 45 joueurs avaient été convoqués. Une quinzaine d’entre eux, des professionnels évoluant en Europe, n’ont pas pu effectuer le déplacement de Yaoundé. Mais, il y en avait tout de même une bonne trentaine, avec la quelle on pouvait bâtir une équipe de 16 joueurs à même de battre la lanterne rouge de la poule (la Rdc) et obtenir une qualification directe pour Athènes 2004. Au-lieu de quoi, on a eu droit à une formation brouillonne qui a balbutié son football devant des Congolais surpris par une telle faible opposition. Avec le rappel des grosses pointures basées en Europe, le Cameroun s’est donné plus de chance pour se qualifier au prochain tournoi de football des Jeux olympiques. Mais, les dirigeants du sport camerounais ne sont-ils pas en train de se dédire?
Ne continue t-on pas à fonctionner au jour le jour, sans perspective? Quand bâtira t-on enfin des équipes nationales fonctionnelles sur la durée? En recourant à l’importation massive des joueurs expatriés au-lieu d’organiser les choses sur le plan national, veut-on donner finalement raison à M. Schäfer qui a refusé pendant deux ans et demi de résider au Cameroun parce qu’il ne voyait pas ce qu’il avait à y faire? Ce qui est sûr et certain, nous ne sommes pas du tout sortis de l’auberge, malgré les échecs cuisants de la Coupe du monde 2002 et de la Can 2004. Et les expédients que l’on utilise pour résoudre uniquement des problèmes immédiats ressemblent fort à la pilule du lendemain des femmes imprudentes qui n’ont pas une maîtrise parfaite de leur cycle menstruel.
Emmanuel Gustave Samnick