Dans un pays qui a offert au monde l’inégalable Roger Milla et les Lions Indomptables, toutes générations confondues, on n’épilogue pas impunément sur un symbole aussi puissant, sur un domaine aussi fédérateur que le football. Avec toute sa force explosive, le roi-football peut en effet aider à soulever des montagnes à l’échelle d’une Nation, et pour le cas précis du Cameroun, servir d’identité de substitution.
Depuis le rendez-vous incroyablement manqué des Lions avec le Mondial allemand et leur sortie-surprise en quarts de finale de la CAN 2006, la preuve est faite que quelque chose tourne à l’envers dans la superbe machine camerounaise, chroniquement infectée par le « bug » des résultats en dents de scie depuis la coupe du monde Corée-Japon en 2002.
La longue, très longue trêve qui commence devrait permettre d’inaugurer un immense chantier pour l’avenir de ce football camerounais, facteur de cohésion nationale. Perspectives d’autant plus favorables que nous avons au moins deux bonnes raisons d’y croire. Un : en l’absence d’échéances véritablement contraignantes pour les 24 prochains mois, nous ne sommes pas tenus – une fois n’est pas coutume – par l’obligation de résultats immédiats. Contraintes qui ne laissent pas souvent au sélectionneur de l’équipe nationale le temps nécessaire pour entreprendre un travail de prospection en profondeur. Deux : la réflexion qui s’impose aujourd’hui peut bénéficier d’une meilleure programmation, notamment dans la durée (une semaine, pourquoi pas ?), avec l’avantage d’associer, au-delà des participants et des invités, tous ceux qui ont quelque chose à proposer pour la relance de notre football. Dans son message du 11 février dernier à la Jeunesse, le chef de l’Etat lui-même n’a-t-il pas déjà engagé la réflexion en demandant aux Lions Indomptables de « ne pas se décourager, de ne pas renoncer, de ne pas se résigner » ?
Sur un plan formel, toutes les approches méthodologiques devraient être examinées, dans une volonté de déclencher la grande lessive, non pas à la manière des « conférences nationales » à l’africaine, mais dans un esprit constructif, au sein de ce qui pourrait bien s’appeler « les états généraux » du football camerounais.
Bien que spectaculaire, un tel déploiement d’intelligence ne devrait pas consister à verser de l’huile sur le feu, ou à lever le doigt pour répéter avec Sartre que « l’enfer, c’est les autres ». Les huit points proposés en toute modestie dans le cadre de ce dossier ne sont rien d’autre que les choix exclusifs – et sans doute subjectifs – de la Rédaction de C.T. Autrement dit, ils sont à prendre pour ce qu’ils sont ; c’est-à-dire, quelques axes susceptibles d’inspirer une réflexion plus large , voire des mesures ou des recommandations que nous avons le devoir d’impulser, mais que nous n’aurons jamais la prétention d’édicter.
Prompte à accompagner les exploits et les héros du football quand ils sont portés en triomphe, la presse, en tant que leader d’opinion, se doit également d’accepter la dure loi du sport quand le sort nous est défavorable, d’en expliquer les tenants et les aboutissants, de contribuer à sa manière à la gestion des crises, et surtout de savoir en tirer les leçons.
Au jour d’aujourd’hui, la question pourrait se résumer simplement : le football camerounais, dont le prestige reste intact, est-il capable d’un sursaut ? Peut-il avoir l’humilité de se remettre en question, de reculer pour mieux rebondir ? L’heure s’y prête. Mais à condition que tous les acteurs acceptent de jouer chacun sa partition, et de s’investir avec abnégation dans l’œuvre incontournable de la refondation. Le défi de l’instant n’est pas, comme d’habitude, de gagner un match capital, ou de remporter un trophée. L’enjeu est autrement plus déterminant : il s’agit de nous doter de nouvelles bases, de nouveaux arguments pour garantir les victoires de demain.
Dans les pages qui suivent, Cameroon Tribune donne sa vision et souligne l’urgence qu’il y a à mettre en route de grandes politiques nationales cohérentes, audacieuses et innovantes en matière d’infrastructures sportives, de détection et de suivi des jeunes talents, de formation et de professionnalisation, d’assainissement de l’environnement et des rapports entre partenaires.
Nous en sommes conscients, le débat ne fait que commencer.
ABUI MAMA
1 • Promouvoir le foot jeunes
Cette opération passe par l’organisation d’un championnat national des jeunes compétitif.
Seizième au récent classement de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) – derrière le Nigeria (12e ) et devant l’Egypte (17e ) -, le Cameroun ne figure pas par hasard dans le Top 20 de l’instance internationale qui gère le football mondial. Depuis 1984, les Lions Indomptables se sont fait un nom. Quatre trophées en coupe d’Afrique des Nations de football (CAN), (1984, 1988, 2000, 2002), le Cameroun n’est devancé dans ce palmarès africain que par l’Egypte qui vient de remporter, il y a quelques semaines, au Caire, la dernière édition de la prestigieuse compétition.
En coupe du monde de football, l’une des quatre participations du Cameroun à l’épreuve (1990, 1994, 1998, 2002) a conduit la FIFA à concéder au continent une cinquième place à chaque phase finale de la coupe du monde de football.
Pour autant, le Cameroun ne dispose pas d’un championnat de football des jeunes en bonne et due forme. Des textes prévoyant dans le cadre de la commission nationale de football des jeunes de la fédération camerounaise de football, l’organisation d’un championnat national des juniors (- 20 ans), cadets (- 17 ans), minimes (- 16 ans), benjamins (- 13 ans), poussins (- 11 ans), débutants (dès six ans). Et de mémoire d’observateurs avertis du sport roi, des regroupements de football jeunes ont tenté de pallier cette carence. En 2002, un championnat de quatre équipes. En 2003, un regroupement de 12 équipes (quatre cadettes, quatre juniors). En 2004, un regroupement des cadets. Et quand on sait que le développement d’un championnat de football de jeunes permet une traçabilité du sport roi, il y a de quoi souhaiter la mise sur pied d’un championnat national des juniors, cadets, minimes, benjamins, poussins et des débutants.
Qui ne se rappelle de l’apport des Brasseries du Cameroun, qui grâce aux séances de recrutement des jeunes ont contribué à pourvoir notre football des talents qui continuent à faire sa renommée. Aujourd’hui, il faut assurer la relève au sein de l’équipe nationale. Et les dirigeants du football camerounais doivent se mettre en tête qu’il n’ y aura plus de génération spontanée en football. Même si certaines écoles de football Semences Olympiques à Yaoundé, le regroupement de Niété, de Limbé et d’Akono en organisant des championnats annuels pendant les congés de Noël, Pâques et les grandes vacances essaient tant bien que mal d’apporter leur pièce à l’édifice, l’interpellation est assez forte pour la relève du football.
Louis. D.EDZIMBI
2 • Rendre la D1 plus compétitive
En arrimant le championnat aux événements continentaux et mondiaux
Dimanche dernier, se disputait à travers les stades du triangle national, la quatrième journée de la 47e édition du championnat national de football de première division. Une compétition ayant été lancée pendant la 25e édition de la Coupe d’Afrique des Nations de football qui se jouait en Egypte. Or, tous les championnats européens, à ce jour, ont franchi le cap de la 20e journée. A l’instar de ceux de France (27e journée), d’Italie (26e journée), d’Angleterre (27e journée) d’Allemagne (22e journée), du Portugal (23e journée) et d’Espagne (24e journée).
En clair, au mois de mai prochain, soit à un mois de la phase finale de la coupe du monde de football qui va se disputer en Allemagne, les Européens auront déjà bouclé leurs championnats. Et si l’on n’y prend garde, la fédération camerounaise de football (Fécafoot) qui, elle seule a le secret de ses programmations, sera encore en train de tripoter son calendrier pour une éventuelle dizième ou 12e journée. Le plus surprenant étant que les dirigeants de la Fécafoot n’ont pas daigné arrêter une programmation précise du championnat. Et cela dure depuis environ une dizaine d’années. Au moment où Canon, Tonnerre, Union faisaient les beaux jours des coupes africaines des clubs de la Confédération Africaine de Football, les éditions du championnat du football national étaient arrimées aux compétitions internationales. Qu’est-ce qui empêche les dirigeants actuels de la Fécafoot de gérer de manière moderne le football camerounais ? La navigation à vue du sport roi à laquelle on assiste depuis quelques années n’est-elle pas à leurs yeux une entrave au rayonnement de notre football ? Se rappellent-ils encore d’un club camerounais depuis deux décennies qui s’est distingué sur l’échiquier continental ? Enfin, la Fécafoot devrait pouvoir se rendre compte que le football est une industrie qui ne souffre plus de l’à peu près.
L.D.E.