Le président de l’Association des clubs de première division était dimanche dernier sur les antennes de la Cameroon radio and television, Crtv, où il s’est entretenu pendant une trentaine de minutes sur le football camerounais, ses difficultés, la ligue de football professionnelle, les dirigeants du football, leurs rapports avec la tutelle et les anciens joueurs de l’équipe nationale, les pistes de changement. Quelques morceaux choisis…
Sur la crise au sen des Lions indomptables du Cameroun et des responsabilités
Je pense que c’est une mauvaise passe et on peut aussi y ajouter une crise cachée. Elle n’est pas sur la scène publique et je pense que vous aussi les communicateurs vous la mettez aujourd’hui sur la scène parce que vous avez attendu qu’il y ait certainement quelque chose de grave. Si le public n’a pas encore tout vu, ça veut dire que vous aussi vous n’avez pas encore tout dit. Vous avez vu des choses que vous avez choisi de ne pas tout dire et aujourd’hui on en arrive là… Certainement elle va s’approfondir parce qu’avec ce qu’on a eu au Maroc chacun a pris conscience, vous les journalistes, nous les acteurs, et les pouvoirs publics. Il ne fallait pas attendre ce qui s’est passé au Maroc pour savoir qu’il y a problème. C’est une responsabilité partagée. Les dirigeants de football que nous sommes, nous avons notre part de responsabilité. Vous n’avez pas par exemple dit qu’il y avait une crise réelle entre les joueurs et je vais vous donner un exemple. Vous avez vu que pour le cas de la France on a tout mis sur la table. Il y avait ceux qui voulaient un peu protéger les dirigeants et ceux qui voulaient protéger les joueurs. Il n’y avait pas de consensus sur le mal qui existait.
Sur les démissions et les sanctions observées ailleurs en cas de pareille crise au sein d’une équipe de football comme la France et le silence des dirigeants du football camerounais…
Même quand quelqu’un ne veut pas parler c’est à vous de l’amener à parler. Je ne veux pas dire ici qu’il fallait absolument prendre les mesures que les autres c’est-à-dire la démission. Non. Nous avons notre culture qui est de trouver le consensus quand ça va très mal. On n’était pas quand même en Afrique du Sud dans le cadre du déshonneur. On avait un signal d’alarme et il fallait exploiter cela. On avait déjà pu identifier qu’il y avait des problèmes. Ce qu’on pouvait avoir de pire c’est ce qu’on a eu au Maroc. Voir pour la première fois qu’une grande nation comme le Cameroun avec des joueurs qui disent qu’ils ne vont pas aller jouer un match. C’est à vous les médias de faire des enquêtes pour établir des responsabilités et donner une approche de réponse de prime abord. On peut déjà dire que les joueurs ont leur part de responsabilité mais les dirigeants aussi on la leur mais il faudrait qu’on assume cela. Imaginez un instant, si dans la nuit on avait trouvé une solution optimale au problème, c’est-à-dire un dialogue franc vis-à-vis des joueurs, cela ne serait jamais arrivé.
Au sujet du problème pour un grand pays comme le Cameroun…
Vous avez choisi grand P comme prime. C’est-à-dire qu’il y a un match amical qui est négocié par l’agent de match du Cameroun, il y a un contrat qui est formalisé, peut être aurait-il fallu communiquer ce contrat de manière transparente aux joueurs e leur dire par exemple que ce match à jouer contre l’Algérie il n’y aura pas de prime comme d’habitude. Les joueurs auraient certainement trouvé un compromis en disant on va aller jouer dans ce pays ami malgré que nous n’aurons pas de primes. Mais il y a eu un problème de contrat sur la nature réelle de ce match.
Faustin Domkeu, espion de la Fécafoot et problème du football camerounais…
La Fécafoot n’est pas le problème du football camerounais et je le dis sincèrement, la main posée sur le cœur. Je vais vous dire la vérité. La Fécafoot a certainement une part de responsabilité et les acteurs aussi. Les dirigeants de la Fécafoot auraient dû prendre le devant en communiquant même s’il ne leur revenait pas de le faire. Le problème, ce sont les primes mais les joueurs exploitent cela pour effectivement arriver là où on est. Vous savez que ces joueurs là sont de ma génération, parmi eux il y en a qui sont mes amis. Peut être ils auraient dû attendre retourner au Cameroun avant de déclencher cela et non le faire en territoire étranger. S’ils partaient jouer en Algérie et décidaient de prendre un avion pour venir vous rencontrer et dire sincèrement voilà le problème, ça n’aurait pas eu le même écho. Ils pouvaient jouer pour l’honneur de notre pays et revenir poser le problème sur la table.
Des dirigeants du football camerounais qui veulent à tout prix tirer leur épingle du jeu en se remplissant les poches…
Le football aujourd’hui n’est plus ce que nous avons connu avant quand j’étais encore à l’école et vous journalistes. Le football aujourd’hui c’est un football business. Mais il faut règlementer que cet argent soit sain, que le partage soit équitable. Si c’est que les dirigeants exagèrent, peut-être les joueurs ont raison mais il faudrait encore le démontrer. Ils ne peuvent pas seulement le dire. Quand vous êtes dans un pays ami comme le Benin ou l’Algérie ou les joueurs algériens ont 100 ou 1000 dollars pour des primes de participation et que nos joueurs ont 45 millions, le problème se pose. Ce n’est pas normal qu’une équipe de 22 joueurs soit accompagnée par 50 personnes, là je suis d’accord avec vous. Je suis membre du comité exécutif et à nos réunions je remets souvent en cause certaines situations. Maintenant j’espère qu’après tout le bon travail que vous avez fait depuis deux semaines, et après cette émission que je vois assez chaude, ça va certainement changer. J’interpelle la Fécafoot et le ministère qui est notre tutelle. La tutelle n’a qu’à exercer son pouvoir dans son domaine de compétence. Il faudrait aussi qu’on commence par nous interpeler. Ce qu’on peut faire c’est interpeler et dire vous les dirigeants de la Fécafoot essayer d’arranger mieux les choses. Je pense quand même que depuis deux semaines il y a une sorte de remise en question. Plus vous m’interpeler, moi Faustin Domkeu, j’apporte ma contribution dans mon rôle. Je suis président de l’association des clubs de première division, vice-président de la ligue de football professionnelle et j’essaye de jouer mon rôle et faire des propositions à vous et ceux-là qui sont au-dessus ou en dessous de moi. La Fécafoot ne doit pas seulement réagir mais agir. Je prends un incident simple, quand il y a eu l’incident au Maroc, j’aurai proposé qu’on commette rapidement un communiqué et donner la situation réelle de ce qui se passe parce que dans 48 heures ça allait dans tous les sens. Ce n’est pas par mépris ou par défiance de l’autorité de tutelle qu’ils ne l’ont pas fait mais je pense que ceux là qui étaient sur place et qui pouvaient gérer n’ont pas mieux évalué la situation. Ils n’ont pas eu une idée géniale pour la gérer mais c’était une erreur.
Des magouilles, malversations et corruptions à la Fécafoot qui empêchent que tout soit mis sur la place publique aujourd’hui…
Non Alain (Belibi, Ndlr), vous utilisez un mot très fort. Je dirai qu’il y a des dysfonctionnements dans la gestion de notre football. Évitons les mots en M comme malversations et magouilles. Je pense qu’il y a une prise de conscience et je peux vous dire que le président de la Fécafoot est en train de prendre des mesures. Vous allez certainement voir les résultats. Il a encore le crédit puisqu’il est le principal responsable de notre football. Il a pris conscience et devrait faire des annonces fortes. Peut-être un coup de balai, mais vous allez voir des changements. Pas une démission collective et encore moins un changement de capitaine ou d’entraîneur mais un coordonnateur de l’équipe nationale. Si jamais il y a des infractions quelconques le tribunal spécial criminel mis sur pied va être peut être dissuasif et ramener les gens à l’ordre. Vous voyez que le chef de l’Etat aussi dans le projet des grandes réalisations a posé un acte fort en proposant le projet de loi qui va aboutir à ce tribunal spécial.
Coordonnateur de l’équipe nationale, un poste de dépense, un acteur de plus dans une qui en a déjà beaucoup et qui n’arrivent pas à travailler ensemble…
Écoutez le nom, Patrick Mboma, coordonnateur de l’équipe nationale de football camerounais, ce sera une réparation. Vous avez longtemps souhaité qu’il y ait un acteur de football à cette place là. Un acteur libre comme Patrick Mboma peut mieux faire bouger les choses parce qu’il a le soutien du président de la fédération. On a mis mon grand frère Roger Milla à une place honorifique. Patrick Mboma est sous le feu de l’action. Roger Milla, son autorité honorifique est un symbole. Joseph Antoine Bell aujourd’hui a accepté d’être consultant de football au ministère des sports et de l’éducation physique. Ça va faire une union sacrée pour le changement. Après ce qui est arrivé au Maroc, il devrait avoir un changement positif. S’il n’y en a pas, alors il faudrait une révolution pour notre football. Donnons une phase transitoire après ce qui est arrivé au Maroc, c’est quand même la dernière chance. Par ma voix je souhaite que ce qui est arrivé au Maroc puisse nous amener vers un changement réel.
Création de la Ligue de football professionnelle comme voie de la diversion, le conflit avec le général Pierre Sémengué, le président, et les multiples autres fonctions dans différents clubs que sont Union de Douala, New Star, Noblesse du Ndé…
Non c’est la volonté de faire à ce que les acteurs du football soient ceux-là qui vont diriger le football. Nous devons quand même commencer parce qu’il y a divergence de vision. En tant que premier vice-président de la ligue, je suis contre le partage du gâteau. Vous savez très bien que j’ai combattu un budget dans lequel on voulait me donner un salaire d’un million. L’argent doit aller aux acteurs du football que sont les joueurs. Je ne suis pas en désaccord avec le président Pierre Sémengué mais avec certains de ses conseillers qui veulent présenter une vision dépensière. Pour le moment je ne suis pas juge et partie. Les statuts demandent au président de la ligue de démissionner dans la quinzaine s’il est président d’un club. Avec les propositions, on va aussi suggérer à l’assemblée générale que cette mesure soit aussi valable pour les vice-présidents de la ligue. Je suis président de l’Union sportive de Douala, et vous avez cité des clubs qui me présentent un projet fiable que je soutiens. Dans le cas de la Panthère du Ndé qui est une équipe de mon département, je leur apporte une contribution comme élite de 1 millions de francs chaque saison pour le développement du football.
Opacité dans le transfert des joueurs et crise au sein de l’Union de Douala…
Il faut encore le prouver. Avec le système actuel de transfert des joueurs, il n’y a plus moyen pour un dirigeant de faire certaines transactions. Prenons le cas Nkwelle et Essome. Ce transfert a ramené dans les caisses de l’Union 120 millions et c’est fait sur contrat. Il était de 450 mille euros et nous avons payé les frais d’indemnités de formation des clubs où ces joueurs ont évolué et les frais de l’agent de joueurs. Ce type de contrat ne peut pas être manipulable… A travers la ligue de football professionnelle, nous allons montrer que le football peut apporter sa contribution au développement. Après 5 à 10 ans, l’Etat n’entend plus mettre un seul franc dans le football. Si nous travaillons sereinement, nous allons atteindre les objectifs. L’argent viendra des sponsors et il faudra être imaginatif pour les trouver parce qu’on n’a pas souvent présenté un projet fiable. Si vous allez voir monsieur Siaka (des Brasseries du Cameroun, Ndlr), monsieur Njalla Quan (de la CDC à Limbe, Ndlr) et bien d’autres, ils peuvent injecter de l’argent s’ils sont convaincus que c’est un projet fiable. On va oser, innover pour que les gens puissent aller au stade. N’oublier pas que le spectacle en tant que tel est déjà attrayant mais il faut aller le présenter aux gens pour qu’ils aillent au stade. Nous allons proposer qu’on mette dans le projet de règlement, comme l’a fait Coton sport, qu’un joueur doit évoluer en championnat national pendant trois ans avant d’espérer aller à l’étranger, tout en respectant les droits des uns et des autres.
Piètre prestation des clubs camerounais sur le plan international et batailles de leaderships en leur sein…
La transformation de nos équipes communautaires ou cantonales en clubs professionnels mérite une attention particulière. C’est un sujet sur lequel il faudrait réfléchir. Quand il y a une transformation comme celle là, il y a des choux gras, des querelles interpersonnelles et nous devons être imaginatifs pour pouvoir résoudre ces problèmes. Il y a parfois des questions de droit et vous n’allez pas maintenant dicter aux gens qui choisir comme leur président du conseil d’administration. S’ils pensent que ce président du conseil d’administration est de moralité douteuse, ils ont le droit de le débarquer. Mais une commission d’enquête de moralité pour les clubs serait la bienvenue. Le football pour moi c’est d’abord une passion. Depuis l’âge de six ans je suis ramasseur de balles et après je suis jeune junior dans Unité, Union et Stade de Douala. Mais me parents me disaient toujours qu’il faut savoir choisir. J’ai fait des études en mathématiques en Russie. C’est vrai que le football c’est une équation à plusieurs inconnus mais il y a aujourd’hui des paramètres qui s’ajoutent à ces inconnus. C’est à cause de cela que j’ai envie d’encadrer les jeunes dans mon département, de sponsoriser ceux-là qui m’approchent et présentent des projets crédibles et j’ai envie d’être responsable dans une grande équipe comme l’Union sportive de Douala. Maintenant qu’on m’a donné l’opportunité de servir mon pays comme vice-président de la ligue, je pense que si Dieu me le permet vous ne serez pas déçus. Il n’est pas question de donner des salaires aux joueurs comme à Samuel Eto’o parce que celui qui le fait a des sociétés pétrolières que nous n’avons pas encore au Cameroun. On me soupçonne d’être l’espion de la Fécafoot, non. Vous avez oublié qu’à un moment les gens de la Fécafoot me soupçonnaient d’être l’espion des clubs. Mais tout est subjectif. L’objectif c’est que j’essaye de servir le football et les clubs camerounais.
Entretien transcrit par Francis Kamga