Le 14 octobre dernier, le directeur général de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), Jean Lambert Nang, a effectué une sortie médiatique qui fait encore couler beaucoup d’encre et de salive. Au cours de cette rencontre, M. Nang a annoncé que désormais, les journalistes vont payer l’entrée au stade.
Une décision diversement appréciée par les uns et les autres. Ce d’autant plus qu’au-delà de l’annonce, le directeur de la Fécafoot n’a pas donné plus d’amples détails sur cette nouvelle mesure.
C’est ainsi qu’après les vives réactions qu’a suscitées cette décision dans la salle de conférence de la Fécafoot, où se déroulait la conférence de presse, les débats se sont poursuivis sur les ondes des radios urbaines de Yaoundé et dans les colonnes des journaux. Aussi bien sur Magic Fm qu’à Radio Tiemeni Siantou (Rts), les journalistes déclarent « qu’il n’est pas question de payer l’accès au stade ». Certains confrères semblent confortés dans leurs positions par des déclarations du premier vice-président de la Fécafoot. D’après ces derniers, Jean-René Atangana Mballa aurait rassuré les professionnels de la couverture des matches de football: « Tant que je serai là, il ne sera pas question que vous payiez l’accès au stade », aurait-il déclaré.
Pour autant, Jean Lambert Nang n’en démord pas: « C’est une disposition qui se fait sous tous les cieux. Il n’y aura pas d’organe de presse privilégié. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’on est journaliste qu’on a immédiatement accès au stade. D’ailleurs, le journaliste de la rubrique du Monde ne se fait pas accréditer pour assister à un match de football au stade de France. Il paie son ticket et s’installe dans les gradins. Or, ce n’est pas la pratique au Cameroun », nous confie-t-il.
D’après Jean Lambert Nang, la mesure annoncée le 14 octobre dernier viserait à appliquer un quota au-delà duquel il sera impossible de remettre des badges d’accréditation aux hommes des medias. Seulement, il est à noter que les compétitions de football, au stade, ne concernent pas que les hommes des médias, mais aussi les partenaires de la Fécafoot et divers autres acteurs qui interviennent plus ou moins dans l’organisation des rencontres. Et ceux-ci sont plus nombreux, lorsqu’il s’agit des rencontres de l’équipe nationale de football seniors. « Pour un journal comme Mutations, je sais qu’une couverture d’un match des Lions indomptables nécessitera sensiblement 4 personnes (3 rédacteurs+ 1 photographe). Chacun mettra l’accent sur un aspect du match: le jeu, le match, les acteurs, etc. En radio, par exemple, on peut se limiter à 3 personnes dont 2 journalistes et 1 technicien », se défend le Dg de la Fécafoot.
Changements
A l’origine de cette annonce, Jean Lambert Nang parle de l’effectif pléthorique des journalistes ayant sollicité de couvrir le dernier match des Lions indomptables, qui affrontaient le Nzalang Nacional de Guinée Equatoriale le 7 octobre 2006 au stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé. « J’ai constaté qu’il y avait près de 500 journalistes au stade, qui n’écrivent même pas dans des organes de presse. Ce qui a constitué un manque à gagner énorme de la Fécafoot; soit près de 10 millions de Fcfa. Il suffit de multiplier 500 personnes par 20.000 Fcfa (prix d’une place à la tribune présidentielle) », soutient le directeur général de la Fécafoot.
Toutefois, les observateurs avertis affirment que la rencontre Cameroun # Egypte du 8 octobre 2005 comptant pour la 10ème et dernière journée des éliminatoires couplées Can/Mondial 2006 avait drainé un peu plus de 200 journalistes, venus du monde entier. Des propos qui se rapprochent d’un constat fait à l’époque par les responsables de la Division de communication de la Fécafoot, qui parlaient alors d’un « chiffre record ». A l’observation, le 7 octobre dernier, l’on était bien en deçà de 200 journalistes accrédités pour le match Cameroun-Guinée Equatoriale.
Cependant, le manque à gagner auquel fait allusion le directeur de la Fécafoot ne saurait seulement se limiter à la présence des hommes de médias dans la tribune présidentielle. Puisqu’on y retrouve des hommes en tenue, des footballeurs à la retraite et en activité, des arbitres de football, des fonctionnaires du ministère des Sports et de l’Education physique… qui ne payent pas l’accès au stade. Résultat des courses, le spectateur qui a payé son billet ne trouve de place que sur les sièges en bois, loin des chaises avec mousse. Avec le risque de ne pas bien voir le match, d’autres spectateurs occupant alors les allées et escaliers qui servent pour la desserte.
Application
Tel qu’il l’explique, la mesure du directeur général de la Fécafoot ne sera applicable que lors des rencontres internationales concernant les Lions indomptables. Lesquels évoluent, malheureusement, rarement à domicile. En terme de sorties officielles, deux matches sont programmés l’année prochaine. Entre-temps, que va-t-il se passer? A la direction des stades, on est peu disert sur le sujet. Le directeur des stades de Yaoundé, Louis Bella Evès, affirme qu’il ne se prononcera sur le sujet qu’après une décision de sa hiérarchie. En réalité, c’est à la direction des stades qu’incombe la gestion des accès au stade.
La structure qui demande le plus grand nombre d’accréditations lors d’un match international de l’équipe nationale fanion est la Cameroon Radio Television (Crtv-Télé): près de 90 personnes en général. En y associant les chaînes de radio de cette entreprise, on se retrouve avec plus de 100 individus. Au moment d’appliquer la nouvelle disposition, il y a de fortes chances que la Crtv brandisse la convention qui la lie à la Fécafoot. Par ailleurs, au regard des rapports étroits que certains journalistes entretiennent avec les portiers du stade, ces derniers n’ont pas forcément besoin d’une accréditation pour accéder au stade.
Lors de sa conférence de presse du 14 octobre 2006, le nouveau directeur général de la Fécafoot avait clairement indiqué qu’il est là pour que cet organisme fasse des économies. Jean Lambert aurait-il été amené à prendre pareille décision, si le stade Ahmadou Ahidjo disposait d’une tribune de presse digne de ce nom?
Priscille G. Moadougou