En Égypte, l’approche d’un événement grandeur nature qu’il soit politique, culturel ou sportif est souvent perçue comme une ombrelle sous laquelle se regroupe le peuple pour exprimer son attachement à la patrie et son engagement à soutenir ceux qui brandissent haut le drapeau de la « Oum Dounyâ » la mère du monde. Ici, il s’agit du choc de la 8ème journée des éliminatoires de la coupe du monde 2006 entre les pharaons et les Éléphants de Côte d’Ivoire qui prend une dimension « nationaliste » dans la rue égyptienne et fait doubler le taux d’adrénaline !!
Réécouter les chansons patriotiques du rossignol Abdel halim Hâfiz, de la diva Oum Koulthoum, faire passer dans les chaînes de télévision nationale les moments de gloire et les exploits des pharaons est la recette destinée à raffermir « la foi » en la capacité des protégés de Chéhata d’éviter cet ultime écueil qui se dresse sur leur chemin vers l’Allemagne.
Ici, on semble minimiser la portée significative du référendum qui s’est déroulé le 25 mai dernier au sujet de l’amendement de l’article 76 de la constitution permettant l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Même les élections à la fédération égyptienne de football qui ont porté à sa tête Samir Zahir comme président et l’ancien gardien international Ahmad Shoubeir comme vice-président n’ont pas suscité un grand intérêt de la part du public. Le mondial junior auquel l’Égypte participe, la coupe du monde militaire en Allemagne dont le coup d’envoie sera donné dans quelques jours et qui verra aussi la participation de l’Égypte, le mouvement des joueurs en cette période de préparation pour le début du championnat passent presque inaperçus. La semaine qui commence est l’une des plus longues dont l’apothéose sera le choc du 19 juin prochain entre les pharaons et les éléphants et dont le seul résultat qu’on attend des premiers est la victoire. L’enjeu de cette rencontre capitale se mesure par les colonnes qu’elle remplie dans des journaux, et des tables rondes où se succèdent les experts ès football qu’elle entraîne dans des chaînes de télé.
L’image de ce supporter égyptien brandissant le drapeau allemand dans les gradins du stade de Moqaouloun lors du match Égypte/ Soudan a été interprétée par les médias comme le rêve qui triture l’esprit de 70.millions d’égyptiens du Caire à Assouan. Celui de se qualifier au mondial. Cet espoir dont la lueur est devenue un rayon lumineux après deux victoires consécutives contre les « frères » libyens 4/1, et soudanais 6/1 et surtout le nul concédé par le leader de la poule devant la Libye retrace le sourire sur toutes les lèvres et de facto la qualification n’est plus une quadrature de cercle. Mais, l’écart entre la Côte d’ivoire et l’Égypte est de 3 points d’où la nécessité d’une victoire s’il faut traduire le rêve dans les faits.
La défaite essuyée par les pharaons lors de la 2ème journée des qualifications contre la Côte d’ivoire est restée au travers de la gorge de tous les fans. Les sceptiques disent que l’Égypte a laissé sa qualification au stade d’Alexandrie et sa « dignité » a été foulée aux pieds par Arouna Dindane et Didier Drogba. Pour d’autres plus que optimistes c’est le moment de laver l’affront ! « Les ivoiriens qui nous ont gagnés à Alexandrie n’étaient pas des thaumaturges, nous pouvons le faire aussi à Abidjan ? » « Nous allons gagner à Abidjan » peut-on lire dans les grands titres des tabloïdes. Cette brise d’optimisme souffle partout et même chez les joueurs et le staff technique.
Le staff technique sous la houlette de Hassan Chéhata ne s’est pas laissé berner par l’avalanche des compliments qu’il reçoit de toutes parts et surtout des médias dont on connaît la capacité de nuisance sur les entraîneurs. Conscient de l’importance de la rencontre, il a demandé à ses poulains d’éviter l’ivresse du 6/1 contre le Soudan susceptible de les déconcentrer à la veille d’un match aussi capital. Le choix du lieu de stage n’a pas été fortuit. Calais. C’est là que l’équipe s’était préparée pour vaincre le Cameroun ! Interrogé avant le voyage pour la France, le coach Chéhata a laissé entendre que la Côte d’ivoire n’est pas le Soudan et que l’équipe jouera différemment. Si l’équipe égyptienne est apparue plus luisante et plus conquérante après le lifting, il en demeure qu’elle donne quelque souci en défense. C’est ce manque de concentration et un mauvais placement des défenseurs qui ont révélé au grand jour cette fébrilité défensive avec le but du numéro 10 soudanais Faysal Tombol. L’attaque est le compartiment qui rassure le plus. L’absence du buteur Emad Meteb et de l’attaquant Mido pour blessure a été palliée par la titularisation du Buteur de zamalek Abdel Halim Ali et celui de Haras Hodoud Amr Zaki qui ont marqué chacun 2 buts. Les nouvelles de Calais font état du retour de blessure de Mido dont les chances de titularisation contre la Côte d’ivoire vont grandissantes.
La performance peu reluisante des égyptiens à l’extérieur : victoire contre le soudan à Khartoum 3/0, match nul contre le Benin à Cotonou 3/3 défait contre la Libye à Tripoli 1/2 , plonge le public dans une gymnastique cérébrale dans laquelle le « Si.. » occupe une place de choix. « Si nous gagnons nous auront notre destin en main, nous allons écraser le Bénin et allons négocier un nul à Yaoundé. Si le Cameroun gagne la Libye et la Côte d’ivoire, si nous faisons match nul en côte d’ivoire, si on nous gagne.. » Au bout du compte, il faut se remettre à Allah même si Allah n’est pas obligé d’être juste dans tout ce qu’Il fait !
Moustapha Nsangou au Caire