En marge de la conférence du Jeune Footballeur, jeudi dernier à Enghien les Bains, il y avait beaucoup de gens à voir, et surtout à entendre, car s’exprimant de manières diverses. On retiendra surtout la plainte de Salif Keita, le slam footballistique de « Salimade In France » et l’avis de spécialistes sur l’éventuel ballon d’or de Samuel Eto’o…
Salif Keita, premier ballon d’or africain en 1970 n’a pas pu rester à Enghien pour le déjeuner, après son intervention. Un avion attendait l’actuel président de la fédération malienne. Les Aigles seront d’ailleurs en région parisienne prochainement, le 15 novembre, pour un match amical avec le Congo.
Avant de filer à l’aéroport de Roissy voisin, Salif Keita a eu le temps de donner cette information pour le moins surprenante:
« Mohammadou Diarra a été formé pendant 6 ans au CSKA BAMAKO. Ni Lyon ni le Real ne nous ont reversé l’indemnité de formation. L’OL a récupéré notre dû. L’affaire est portée à la FIFA, qui tranchera. Nous ne comprenons pas comment un grand club comme Lyon puisse refuser de donner ce qu’il doit, selon le règlement Fifa c’est à dire 5% du transfert. »
« Les centres de formation africains doivent aussi tirer profiter des fruits de leur travail. Ils ne peuvent pas former un jeune, le donner et ensuite le regarder à la télévision! Il faut que chacun aie sa part. Lyon a vendu Diarra 25 millions d’euros, et vont prendre aussi la part du formateur au Réal, ce n’est pas très joli ça. »
Mme Marcelline Mbvoumin
L’épouse de Jean-Claude était présente à la conférence, sur le stand à l’entrée, qui proposait des fiches d’adhésion à l’association, d’un montant de 20 euros « mais on peut aider en donnant ce qu’on veut! » précisait Marcelline Mbvoumin d’un grand sourire. Il y avait aussi l’édition n°1 du magazine de l’association, qui présente CFS et ses partenaires. Mme Mbvoumin nous raconte sa journée: « le magazine est en vente à 3 euros. Il a été offert à la presse et certains invités. Pour l’instant, les gens le découvre…quant aux adhésions, il en a eu quelques unes depuis ce matin, mais ce n’était pas évident d’aborder les gens, avec les travaux de la conférence qui les occupe. On espère en avoir un peu plus d’ici la fin de la journée. L’association prend beaucoup de temps à mon mari Jean-Claude, c’est une structure qu’il developpe et qui lui tient beaucoup à coeur, il y met tous les moyens nécessaires, et on essaye de l’encourager dans ce sens…
Elle poursuit: « Moi je ne travaille pas vraiment pour CFS, je ne suis pas dans les bureaux à St Gratien. J’ai mon propre travail à part, je participe juste aux opérations spéciales comme celle d’aujourd’hui.Je connais bien le milieu, moi même j’ai joué au football, donc ça n’a pas été dur d’être une femme de footballeur, je savais où j’allais. Pour Jean-Claude, ça n’a pas été facile au début de se faire une place, mais contrairement à certains jeunes africains, il n’a pas eu de problèmes pour intégrer une équipe: il est venu en France avec une invitation et un contrat.
Marcelline Mbvoumin après une pause café et quelques ventes de magazines revient pour nous donner son avis sur le football et envoyer un message aux jeunes africains, premiers concerné par l’évènement du jour: « Il vaut mieux pour les jeunes qu’ils aient quelque chose à côté c’est à dire faire des études, et apprendre un métier, avoir un diplôme. Le foot n’est pas éternel, ça peut s’arrêter et d’ailleurs ça s’arrête un moment ou à un autre. Il faut avoir une porte de secours pour s’orienter après, il faut faire des études même si on veut faire du football aussi, et savoir avant de s’engager chercher à savoir où on va et avec qui on y va. Mon fils joue déjà au foot, et je l’encouragerais s’il fait aussi ses études: c’est le plus important! je considère le football comme un loisir d’abord…
Valerie Perez, ex-journaliste à France Télévisions, directrice de la communication à l’UCPF
Beaucoup de choses ont été dites à cette conférence. Il va falloir faire un tri. Je crois que basiquement, on se rend compte qu’il y a vraiment de nombreux jeunes africains qui sont en difficulté quand ils arrivent ici et veulent intégrer un centre de formation. Il y a Beaucoup de vendeurs d’illusions, il faut lutter contre eux. Ce que j’ai ressenti, et qui montre que tout le monde va dans le même sens, est que tout le monde veut trouver une solution.
Quand je travaillais à la télévision, quand j’étais journaliste, je n’ai pas vraiment rencontré de footballeurs en difficulté, puisque je faisais surtout des reportages sur le football professionnel. Ce problème est bien plus fréquent dans le football amateur.
Maintenant que je travaille à l’UCPF, je constate que les présidents de clubs sont sensibles à ce problème, et ils veulent donner l’exemple, en appliquant des règles de conduite qui doivent être applicables à tous les niveaux du football. Ce n’est pas seulement dire j’ai envie d’aider, mais c’est aussi le faire financièrement! comme le disait Philippe Diallo, il n’y a pas beaucoup de gens qui mettent la main à la poche, nous on l’a fait. A l’UCPF, je suis directrice de la communication des 40 présidents des clubs professionnels de France. On travaille sur les dossiers juridiques, économiques sociaux, fiscaux, ce qui est complètement différent de ce que j’ai pu faire à France Télévision.
Claude Leroy, ancien entraineur des Lions, actuellement à la tête des Blacks Stars du Ghana
Je suis venu pour témoigner de ma solidarité à J.C Mbvoumin qui a été un de mes jeunes joueurs au Cameroun. Je ne pense pas venir apprendre quelque chose, j’ai envie d’être là pour dire que je me sens concerné par tout ce qui se passe sur ce continent. Comment expliquer le problème? la pauvreté tout d’abord, et aussi certains africains eux mêmes qui sont des « marchands d’esclaves »
Sur le plan personnel, je sors d’une tournée asiatique avec le Ghana: deux victoires en Corée et au Japon. Bientôt, on croise l’Australie le 14 novembre à Londres. Nous aurons ensuite en 2007 au programme l’Argentine, l’Espagne et la Colombie, pour préparer la CAN qu’on se doit de gagner à la maison. Il y a du boulot!!!!
Pierre Lechantre, autre ancien entraineur des Lions
Venu écouter les débats de la conférence, Pierre Lechantre a bien voulu nous donner son avis sur quelques sujets, comme ce qu’il devient en ce moment…
–Situation actuelle
Pour l’instant je suis en stand by, j’ai eu la chance d’être entraineur pendant trois ans dans le Golfe Persique, ce qui m’a donné le luxe de refuser certaines propositions, ce que je peux regretter quelque peu. J’ai refusé le Congo Brazzaville. Le problème est que, quand vous avez eu la chance d’entrainer le Cameroun, de gagner la Coupe des nations, les J.O, et bien, on cherche une équipe nationale qui soit capable de faire la même chose. J’ai pas cru qu’avec le Congo, j’aurais pu le faire! c’était peut être une erreur. J’ai porté mon attention sur des grandes nations comme la Côte d’Ivoire, le Ghana. Mais je n’ai pas été choisi: mon ami Leroy pour le Ghana et Stielike pour les Elephants l’ont été.
-sur les Lions
je suis encore 50% camerounais, mon fils a un hôtel à Kribi.je me tiens au courant de ce qui se passe au Cameroun. Arie Haan fait du bon travail mais il a du pain sur la planche! son équipe est un peu vieillissante, les joueurs sont ceux qui évoluaient déjà avec Leroy en 98 et aussi avec moi après. Ceux-ci sont en train de terminer leur carrière. Il est en train d’essayer de renouveller les cadres, ce n’est pas évident de retrouver des joueurs aussi doués que la génération que j’ai pu avoir.J’ai encore des contacts avec certains comme Patrick Mboma qui est aujourd’hui un homme d’affaires avisé chez Mc Cormarck.
Salima ‘Salimade In France’
Culture Foot Solidaire avait aussi invité Salima, une jeune femme qui est venue parler du football africain à sa manière, au moyen d’un « slam », sorte de récitation rythmée et surtout bien pensée. Le texte intégral de son slam est publié dans le fil info du site.
–Qui est « Salimade In France »?
J’interviens auprès de l’association France Bénin Football Plus en tant que bénévole depuis de nombreuses années. Cette association a pour vocation la construction d’un centre de football au Bénin et l’accompagnement de ces jeunes et de participer à les former dans leur pays et leur apporter un avenir. J’ai eu à organiser des tournois des championnats, je suis par ailleurs arbitre de futsal. J’ai arbitré à Auxerre en avril dernier lors d’un tournoi en faveur du projet de FBF+.
-le Slam dit à la conférence:
J’ai eu l’idée de ce slam spécial football africain en discutant avec un acteur de FBF+, monsieur Domingo, éducateur de jeunes à Sèvres. J’ai soumis la proposition à Jules Kodjo, responsable de l’association. On en a discuté dimanche, j’ai préparé le texte lundi. mercredi matin Jules et Jean Claude Mbvoumin de CFS ont validé mon projet. Je me suis documentée, en plus de ma culture footballistique, car j’ai été aussi éducatrice sportive.ça m’a pris une journée entière de documentation et d’expression écrite. Je slamme, je slamme « citoyen », je me vois comme « poétique slammeuse citoyenne », je suis parfois accompagnée d’un musicien, et je slamme sur des sujets de société, par exemple le harcelement moral en entreprise, la discrimination, la reconnaissance des périodes historiques, notamment la période de la colonisation, des tirailleurs, mise en lumière recemment par le film de Jamel Debouze « les Indigènes ». Le slam est pour moi un moyen d’expression, de plus en plus médiatisé, qui nous apporte une lumiere sur nos fragilités en tant que citoyens, en tant que français, car je dis souvent dans mes textes que « la France fait battre mon coeur,l’Afrique coule dans mes veines, du monde je suis citoyenne, voila pourquoi je suis Salimade In France, le sang n’a qu’une couleur, et que le coeur est son moteur » voila pour moi ce qu’est le slam, un « claquement de mots pour moins de mots ».
-BALLON d’OR pour ETO’O?
Plusieurs des participants, interrogés sur la possibilité pour Samuel Eto’o de remporter le ballon d’or de France Football, ont été plutôt unamines dans leurs réponses…
Salif Keita:
Je souhaite le ballon d’or pour ETO’O, qui a effectué bonne saison avec le Barça, même s’il n’a pas participé à la coupe du monde. C’est un grand attaquant qui mériterait un ballon d’or.
Philippe Doucet, journaliste à Canal +
Il serait un magnifique ballon d’or, pour ce qu’il a fait avec le Barça et aussi à la CAN. Mais il ne l’a pas gagnée, et il n’était pas à la Coupe du monde. C’est difficile. Si on juge sur un palmarès, évidemment Barcelone a gagné la Ligue des Champions, mais peut être qu’on dira que d’autres ont aussi joué la finale, et aussi la coupe du monde! Sur un point de vue de qui a fait la meilleure saison, quel est le joueur qui s’est distingué cette saison, je mettrais Samuel Eto’o! Maintenant je suis à peu près persuadé qu’il ne l’aura pas. C’est pas très gentil de dire ça, mais je suis persuadé que sa blessure va lui coûter beaucoup, le fait qu’il ait pas été à la Coupe du monde, malheureusement ça compte énormément, je ne veux pas être oiseau de mauvais augure, mais je suis persuadé que ce ne sera pas ce jugement qu’auront les votants. Rien que sur les 6 mois exceptionnels qu’il a fait avec le Barça, et aussi son début de la saison actuelle, on lui donnerait, mais il y a eu la coupe du monde, et les années mondial, on donne généralement le ballon d’or à quelqu’un qui a aussi brillé là bas, au moins à un demi-finaliste. Qui va gagner alors? Mon choix, c’est Etoo, du coup, le reste ne m’intéresse pas!
Claude Leroy
En tous cas, même si j’ai vu que Michel Platini et Deschamps voulaient Buffon, il est bien évident que même s’il n’a pas participé à la coupe du monde, même si blessé, pour l’ensemble de son oeuvre, pour ce joueur qui est au niveau mondial depuis 1998, j’espère que Samuel Eto’o aura enfin le ballon d’or cette année, mais je ne vote pas: si tel était le cas, je voterais pour lui. Il fait la preuve par l’absence, il ne joue pas en ce moment et on voit les difficultés du Barça dans les trente derniers mètres, parce que les déplacements, les courses sans ballon, le travail dans les intervalles, les courses dans les espaces, « Sam » n’est pas là avec son intelligence dans ses déplacements. Deco, Giuly et Ronaldinho sont un peu orphelins de Samuel Eto’o.
Pierre Lechantre
Si on avait la possibilité de revenir en arrière, j’avais donné une interview en 2001 à France Football quand j’étais entraîneur des Lions. On me demandait ce que je pensais d’Eto’o, et j’avais répondu que c’était un ballon d’or en puissance et peut être un des meilleurs buteurs du monde. Souvenez vous qu’à la CAN 2000, l’attaque des Lions c’était Job et Mboma. Les choses se sont transformées au bout du 1er match, et Samuel est devenu titulaire et a joué tous les matches qui ont suivi. Il est devenu ensuite l’avant-centre incontournable des Lions Indomptables. Eto’o, quand il joue avec Barcelone, il est certes attaquant, mais on le voit aussi revenir chercher le ballon derrière pour montrer à ses partenaires qu’il participe à la récupération du ballon. Il y aura de la concurrence pour le ballon d’or…s’il n’avait pas été blessé, je crois qu’il le mériterait ce ballon d’or, car il aurait marqué de nouveaux buts importants en Ligue des Champions; mais donner le trophée à un joueur qui est sur son lit, le pied dans le plâtre, c’est un peu plus compliqué. Je crois que Buffon risque d’être un concurrent difficile, car il a des arguments.
Paul Al’oo Efoulou, footballeur à l’Entente Sannois St Gratien
Eto’o le mérite! Il a fait ce qu’il fallait en 2006, ce n’est pas les trois matches qu’il reste cette année avant décembre qui peuvent changer quelque chose. En ce moment on est aux qualifications de la ligue des Champions, ça ne doit pas compter pour le trophée.
C’est une pièce importante pour le Barça, on le voit par son absence. On disait souvent que c’était plutôt Ronaldinho, là on constate que non! la pièce maîtresse c’est Eto’o, qui sait la mettre au fond quand il faut! c’est le boss de cette équipe, pour moi.
Jean-Pierre ESSO, à Enghien-Les-Bains