Jean-Claude Mbvoumin, ancien international camerounais, aujourd’hui à la tête de Culture FootSolidaire se veut le défenseur des jeunes footballeurs africains en difficulté en Europe. Cette association, parrainnée par l’entraineur des champions du monde 1998 Aimé Jacquet, organisait jeudi dernier la première conférence du Jeune Footballeur Africain, pour trouver des solutions à ce problème préoccupant pour de nombreuses familles du continent noir.
A Enghien les Bains, jeudi 2 novembre, de nombreuses personnalités s’étaient donné rendez-vous au Casino théatre de la ville à l’invitation du dynamique Jean-Claude Mbvoumin. Le camerounais se bat depuis des années pour aider les jeunes footballeurs qui arrivent en Europe sans repères ni informations sur ce qui les attend, quelques fois bien « aidés » par certains agents plus ou moins recommendables. Des institutions comme l’Uefa, l’UCPF (Union des Clubs Professionnels), des anciens joueurs comme Salif Keita, premier Ballon d’Or africain ou Nordine Kourichi ont intervenu sur la scène du théatre pour mettre le doigt sur le problème, mais surtout, pour proposer quelques solutions pouvant arranger tout le monde: les jeunes africains et leurs familles, et aussi les institutions et clubs européens.
La conférence a duré la journée entière et nous revenons ici sur certaines interventions les plus pertinentes.
Aimé Jacquet
Jean-Claude Mbvoumin est venu me voir, je connaissais le joueur, j’ai trouvé sa démarche courageuse, et je voulais absolument lui apporter modestement mon soutien, lui apporter certains principes, lui donner certaines idées pour pouvoir lui permettre de pouvoir poursuivre cette mission. Je trouve que c’est une belle chose d’avoir réalisé ça et de faire admettre qu’on peut faire des choses, construire l’enfant et l’homme de demain. Le football, c’est 10-12 ans, 8 ans de préparation et 10 ou 12 ans de carrière. ça va très vite, pour ceux qui réussissent, pas de problèmes! mais pour ceux qui échouent, et ils sont nombreux.
Heureusement le football français est bien organisé: on a mis en place des championnats de jeunes, des détections, des cadres techniques dans toutes les régions, pour permettre à tous les français de jouer au football. Le foot français peut apporter son aide aux fédérations africaines, mais on ne peut pas être partout, même si ça se fait: j’envoie des entraîneurs en Afrique pour l’encadrement des formations, il y a une demande énorme, mais on ne peut pas y répondre entièrement.
Jean Claude Mbvoumin
Nous voulons offrir aux Africains ce qu’on peut avec les moyens du bord. La Maison du Jeune Footballeur est un projet de partage. Le jeune footballeur et sa famille sont livrés à eux mêmes. Il n’y a personne pour les conseiller pour atteindre l’objectif de ressembler à Eto’o qu’on voit tous les jours à la télévision, pour parvenir à ce stade du professionnalisme. Footsolidaire ne peut le faire lui seul: il faut apporter un peu d’espoir et d’espérance, avec des appuis et des soutiens.
Nous écrirons bientôt une lettre officielle à messieurs Blatter, Johansson et Hayatou, pour leur soumettre ces propositions:
-L’avenir du jeune footballeur africain passe par ces conditions: Il faut assainir son environnement, donner des armes à ses éducateurs pour mieux les encadrer, pour les accompagner dans leurs premiers pas en club. Dès 12/13 ans, il faut les prendre par la main et leur expliquer les exigences du football de haut niveau.
-Il faut soutenir les clubs et les centres de formation par une mission socio-éducative, l’association seule ne pourra pas le faire. Les clubs professionnels sont encore dans une position attentiste, meme si l’UCPF nous soutient considérablement par son D.G, Mr Diallo.
– Il faut mettre en place au sein de cette maison des jeunes des coordinateurs, des conseillers, des animateurs pour relayer l’info sur le terrain, des conférences et des débats pour sensibiliser. Il faut une structure physique pour accompagner les familles et les jeunes joueurs, avec l’aide des entraîneurs, des anciens footballeurs, ceux encore en activité.
Nous avons un calendrier d’activité ambitieux, qui peut vite avancer si Culture Fotsolidaire est aidé:
–mars 2007: signature de conventions avec des états africains, et aussi avec des institutions comme l’Uefa, la Fifa et la FFF. Mais nous n’avons pas encore reçu de soutien ferme et clair de la FFF, malgré le soutien de Aimé Jacquet et d’autres personnalités. Pas découragés, nous continuons les discussions.
–juillet 2007, avec le soutien de l’UCPF qui nous finance à hauteur de 20 000 euros: la mise en place d’un Livret du Jeune Footballeur pas uniquement réservé au jeune footballeur africain, mais à tous ceux qui intègrent un centre de formation.
–Septembre 2007: ouverture de la 1ere Maison du Jeune Footballeur pilote en Afrique. Au Cameroun nous avons eu toutes les autorisations, mais il y a peu de motivation et d’élan des concernés vers le projet. On ira alors ailleurs, chez le plus motivé, à qui on offrira ce projet. Avec ou sans le soutien des institutions, nous ferons tout pour que le projet voie le jour.
Philippe Diallo, D.G de l’UCPF
Il y a des problèmes lors de l’arrivée des africains en France et en Europe, dans le foot professionnel comme celui amateur. Dans les clubs professionnels, dans les centres de formations bien structurés, ça se passe bien, les jeunes sont bien encadrés à tous les niveaux. Par contre, c’est en amont que vous avez des gens qui vont recruter directement en Afrique, les « marchands de rêves« . Ils font valoir des liens avec des clubs, des connaissances et cassent le rêve! Il ne faut pas laisser ce rêve dans les mains de gens qui font venir des jeunes en Europe, si l’opération ne se réalise pas, les jeunes se retrouvent livrés à eux mêmes avec leur visa de touriste, à faire le tour des clubs pour essayer de décrocher la timbale. C’est là que commence le malheur de leur destinée. Les clubs sont conscients de ces difficultés, les institutions sportives aussi. Elles ont mis en place des choses:
-les transferts des moins de 18 ans sont interdits aujourd’hui pour freiner l’arrivée des mineurs.
-des indemnités de formation sont mises en place, qui permettent tout au long de la carrière d’un joueur de redonner de l’argent, au fur et à mesure de ses transferts au club d’origine.
Mais des problèmes en découlent: certains pays ont commencé à « vieillir » les jeunes pour faciliter leurs transferts. avant les joueurs étaient « jeunes », maintenant ils sont « vieux »! Ensuite on est censés donner à un club africain formateur 90 000 euros d’indemnité de « solidarité », mais là aussi effet pervers : avec cette barre limite, une norme pour l’Europe, on freine le flux financier, car le club européen a beaucoup de difficulté à vouloir donner trois fois cette somme pour trois transferts à un club pour un joueur africain, soit 270 mille euros, en regardant dans quelle conditions parfois ce joueur a été formé.
Nous avons financé CFS depuis trois saisons: le rêve doit continuer. Il faut pouvoir informer les jeunes sur place sur le fonctionnement d’une carrière! Donc création d’un guide du footballeur pour lui dire comment ça marche et les écueils à éviter. Plus tard, nous nous impliquerons dans les MJF qui seront mises en place sur le continent.
Mr Mosengo-Omba (Uefa)
L’Uefa est consciente de ces problèmes mais ne peut pas agir juridiquement. Elle agit toutefois sur le football africain des jeunes depuis 1998 au travers le programme Méridien, en association avec la CAF. Socialement, l’Uefa aide l’Afrique en mettant en place des formations de coaching, d’arbitrage et bientôt d’administration.
L’an prochain, le tournoi Meridien change de formule. La Caf et l’Uefa vont chacune former une sélection de jeunes qui va s’affronter en aller et retour à Barcelone en aller et retour le 26 fevrier et le 2 mars prochain, au Nou Camp.
Henri Douala, agent de joueurs
Les agents qui semblent visés à cette conférence ne sont pas seuls responsables du problème des jeunes africains. Les joueurs sont de plus en plus exigeants en termes de services Je ne me sens pas concerné par ce qui se dit ce jour, car n’ayant jamais été l’auteur d’agissements louches. Par contre, j’ai eu de mauvaises expériences avec des joueurs camerounais (Somen Atchoyi et Sanda Oumarou), avec qui malgré tout, je garde de bons rapports aujourd’hui.
Je ne travaille plus vraiment avec l’Afrique, sauf cas exceptionnel car certains joueurs exigent pour qu’on puisse obtenir leur mandat que l’on passe un accord avec le frère, la soeur ou les amis à qui on reverserait certaines sommes.
Frank Simon, journaliste à France Football
Je connais le problème des jeunes africains depuis plus de 20 ans, à l’époque où les africains ont commencé à gagner les compétitions cadettes et juniors. On a vu arriver des gens les clubs européens, des agents à la fois sérieux et moins sérieux. C’est déplorable. Pour un qui réussi, il y en a des centaines en situation d’échec. Mbvoumin est un africain qui veut aider ses jeunes frères avec son association, il ne faut pas tout attendre des pays riches, l’afrique elle même peut contribuer à son propre épanouissement.
Issa Hayatou le président de la CAF, au moment de sa campagne en 2003 a annoncé dans son programme la création de quelques centres de formation sous-régionaux s’il était réélu. On est en 2006: demandez-lui où sont ces centres là? ça pourrait remedier, et fixer les jeunes sur le continent. Il faut que toutes les parties se réunissent pour légiférer pour aller dans le bon sens!
Je suis impliqué au Kenya à titre personnel où j’aide une petite équipe, mais l’aide commence par les africains eux memes. Avant de venir en Europe, qu’ils fassent profiter leur club, leur ville, leur village ou leur championnat de leur talent. Les interlocuteurs à la conférence jeudi l’ont souligné.
Boubacar Sarr, représentant du Paris St-Germain
Le rôle des clubs européens sur l’integration des jeunes africains, en nombre coissant doit évoluer. Ils doivent venir voir sur place en Afrique et développer les infrastructures comme les clubs, centres de formation, fédérations, pour quelles deviennent autonomes. Partout en Europe les Africains s’imposent
la formation du psg sort des jeunes africains comme Mulumbu,Mvoto ou Ngog, un jeune franco-camerounais pétri de qualités et que l’on verra bientôt en équipe première.
Nordine Kourichi, ancien international algérien
Je suis venu à la conférence dire mon mécontentement du comment est géré le futur des jeunes joueurs africains, je suis là pour aider CFS, pour éviter les drames que l’on constate à l’heure actuelle. J’ai donné l’exemple de Roger Milla avec un contrat de 3 ans, et un appartement, une voiture qui l’attendaient à Valenciennes.
J’ai parlé aussi de l’échec de jeunes de 19, 20 ans, qui viennent sans papiers ou alors avec un visa de courte durée, et qui se retrouvent après à l’abandon. Il ne faut pas faire n’importe quoi, il faut respecter ces joueurs là. J’avais proposé des contrats de longue durée pour les joueurs issus de l’immigration. Si un club veut réellement un joueur africain, qu’il aie sa majorité d’abord, puis qu’on lui fasse signer des contrats faits par l’Uefa ou la Fifa, des contrats de longue durée pour donner une légitimité à ces jeunes africains.
2eme partie à suivre, avec les coulisses de la Conférence…
Recueillis par Jean-Pierre Esso, à Enghien-Les Bains