La commission d’appel de la Fédération internationale de football association (Fifa) siégera, selon les dernières informations qui nous sont parvenues, le 12 mai prochain à Zurich, en présence des avocats de la Fédération camerounaise de football (Fifa), pour examiner l’appel de la décision de la commission de discipline de la Fifa du 16 avril 2004 interjeté par la Fécafoot.
Pendant ce temps, le pays tout entier ne cesse de bruire de nouvelles, les unes plus cocasses que les autres. Le moment est en effet propice à régler des comptes, à faire passer les idées les plus saugrenues, à se présenter en connaisseur du dossier ou en redresseur de torts.
Dans ce cafouillage géant qui a suivi la secousse du 23 avril 2004 (réaménagement du gouvernement et prescription, par la présidence de la République -cette grosse nébuleuse- de la relecture rapide des textes de la Fécafoot avant toute élection), la rumeur, fausse, de l’arrestation de l’ancien patron du Minjes, Bidoung Mkpatt, et du retrait des passeports aux membres du bureau exécutif de la Fécafoot, a beaucoup circulé, relayée très opportunément par certains titres à sensation de la presse nationale. Les scenarii de destitution de l’équipe dirigeante actuelle de la Fécafoot conduite par Mohammed Iya ont été esquissés dans certains salons et bureaux des gros bonnets de la République, et répercutés habilement au bas peuple qui se nourrit de ce genre de nouvelles, lesquelles lui donnent l’impression illusoire que son quotidien est en train de changer.
Mais, sur le terrain, qu’est-ce qui a changé? Rien de bien important. Cela fait bien deux semaines que l’on a annoncé la « relecture rapide » des textes de la Fécafoot. C’est vrai que la rapidité est une notion très élastique, mais on a tout de même hâte de savoir où l’on va dans cette affaire. Peut-être que, comme Paul Biya est rentré de son voyage à l’étranger hier, les choses vont à nouveau bouger, dans un pays où le président de la République est le centre de tout, se permettant même, plus d’une fois, d’intervenir directement dans la sélection des joueurs à l’équipe nationale de football. Pourtant, le communiqué du secrétaire général de la présidence de la République, publié le soir du réaménagement du gouvernement, laissait entendre que les instructions du président de la République étaient claires. Qu’est-ce qui bloque donc la machine ? En réalité, les réseaux d’affairistes qui ont pignon sur rue jusque dans les allées de la présidence de la République, sont en train de se battre à nouveau pour tirer parti, chacun, de la crise actuelle de la Fédération camerounaise de football. Philippe Mbarga Mboa, ministre chargé de missions à la présidence de la République, aurait trouvé dans cette affaire une belle occasion de s’occuper et de tirer bien des ficelles.
Quant à Jean Marie Atangana Mebara, le ministre d’Etat secrétaire général de la République, embarqué dans les affaires compliquées du football, il a un autre gros caillou dans la chaussure en ce moment avec le scandale du coucou présidentiel, « The Albatross ». Et la malheureuse campagne de blanchiment, engagée cette semaine par le quotidien gouvernemental pour démontrer que les mesures prises au sujet de la Fécafoot n’avaient aucun fondement tribal, ne va pas davantage conforter la liberté de manoeuvre du « président bis ». Or si l’on veut vraiment secouer le cocotier de la Fécafoot, il ne faudrait pas qu’on s’arrête uniquement à la bourde monumentale des maillots querellés de Puma. Quand parlera-t-on du scandale de la World Cup 94 avec ce fameux « coup de cœur » et les millions qui se baladaient dans les avions ? Pour ne citer que ce cas, l’histoire du football national étant parsemé de scandales qui n’ont jamais été élucidés, et dont certains auteurs s’érigent même aujourd’hui en Blek Le roc redresseur de torts…
Le chef de l’Etat-fait-tout est donc rentré hier au bercail, après un séjour en France et en Suisse au cours duquel la sanction de la Fifa contre le Cameroun aurait été au menu de ses entretiens avec certaines personnalités. On espère que les choses vont enfin s’accélérer. Dans quel sens ? On le saura à l’épreuve des faits.
Mais, nous ne cesserons jamais de le répéter: ce n’est guère la révision des textes de la Fécafoot qui va apporter le salut dans l’organisation du football camerounais. C’est le mode même de gouvernance du pays qui est à revoir. Tant que le ministère de la Jeunesse et des Sports sera le ministère du football, dont la patron est libre de nommer qui il veut, quand il veut au poste qu’il imagine de créer une instabilité à la tête d’une selection qui tournait à merveille. Tant que la tutelle aura le pouvoir d’exclure à sa guise certains joueurs de l’équipe nationale, que les rôles entre le ministère et la fédération resteront confus, il n’y aura point de salut. Les résultats ont longtemps été l’arbre qui cache la forêt. Or, ceux-ci ne sont plus du tout garantis. C’est en fait une autre façon de marcher qui s’impose dès lors à nous, et non quelques rafistolages destinés à calmer l’opinion et à contenter quelques ambitieux.
Emmanuel Gustave Samnick, Mutations