Elle fait partie des amazones du journalisme sportif au Cameroun. Dans un contexte où on rencontre plus les femmes dans du journalisme « soft », elle a choisi de « se frotter à des sportifs dégoulinants de sueur ». Dans les milieux du sport, elle ne passe pas inaperçue. Sa réputation, elle l’a taillé sur les terrains nationaux et internationaux où elle a déjà couvert plusieurs compétitions d’envergure. En ce jour de la journée internationale de la femme, entretien à cœur ouvert avec Bertille Bikoun, chef de la Rubrique Sport, du premier quotidien privé camerounais, ‘’MUTATIONS ».
Camfoot.com: Qui est la journaliste Bertille Bikoun ?
Bertille Bikoun: Je suis employée à la South Média Corporation, la société éditrice du quotidien Mutations où je suis chef de la Rubrique Sport. Je suis maman d’un adorable petit garçon de 8 mois trois semaines. Il se prénomme Anthony Roman. En dehors de mon boulot, c’est ce bout de chou qui m’occupe.
Camfoot.com: Comment vous êtes-vous retrouvée dans le journalisme sportif ?
Bertille Bikoun: Par amour pour le sport. Mais davantage parce que lorsque je commence à Mutations, j’ai la chance de tomber sur un Monsieur à qui je dois beaucoup, Emmanuel Gustave Samnick, alors chef de rubrique Sport. C’est lui qui me met le pied à l’étrier et me coache pendant longtemps.
Lentement, mais sûrement, je vais me fondre dans le milieu et prendre des galons. Ce que je continue d’ailleurs de faire puisque j’estime ne pas être accomplie. Chaque jour, dans chaque article que j’écris, j’essaie de me parfaire.
Camfoot.com: Quelles sont les compétitions internationales que vous avez déjà couvert ?
Bertille Bikoun: J’ai couvert les Coupes d’Afrique des nations de 2002 au Mali et de 2004 en Tunisie. J’ai quelquefois accompagné les clubs camerounais en coupes africaines inter-clubs et dans des tournois amicaux internationaux.
Camfoot.com: Racontez-nous votre expérience de femme et de journaliste. Est-ce facile de collecter ?
Bertille Bikoun: Je ne me considère pas comme femme et journaliste mais comme « un » journaliste de sexe féminin. Il y a nuance. Je ne mets pas mon genre en avant mais mes qualités professionnelles. Lorsque je suis sur le terrain, je cherche à avoir la bonne information. Pour cela, il faudrait pouvoir rencontrer la ou les personnes adéquates ; discuter avec elles en toute objectivité, sans à priori. Avec une pareille démarche, je ne pense pas qu’une personne ressource puisse vous refusez des informations au prétexte que vous êtes une femme. Si elle le fait, ce qu’elle ne veut tout simplement pas vous les donner. Et cela arrive des fois que je ne puisse pas obtenir ce que je recherche pour une raison ou pour une autre. Mais jamais encore, il ne m’a été opposé un refus et que j’ai ressentie que cela était lié à mon genre.
Camfoot.com: Rencontrez-vous souvent des menaces après la publication de vos articles ?
Bertille Bikoun: Je reçois très souvent le Feed back de mes articles. Et ce n’est pas toujours pour me féliciter pour leurs qualités qu’on m’appelle. Mais je ne pourrais pas considérer ces remarques (parfois dures) pour des menaces. Il peut arriver que je cite le nom de quelqu’un dans un de mes articles et que cela ne soit pas de son goût, il m’appelle ou me rencontre et on discute. D’ailleurs, lorsque je pressens que la personne me cherche querelle ou alors que la discussion pourrait s’enflammer, je m’emploie à ce que cela n’arrive pas mais finisse par une causerie d’adultes.
Je voudrais ajouter que tout dépend de la notoriété de la personne citée, de la sensibilité et de l’impact du sujet traité. Les acteurs (joueurs, encadreurs, dirigeants…) du football national, par exemple, n’apprécient pas toujours d’être indexés.
Camfoot.com: Pourquoi, à votre avis, ne rencontre-t-on pas beaucoup de femmes dans le journalisme sportif ?
Bertille Bikoun: C’est avant tout une question de sensibilité. Mêmes si nombre d’entre elles aiment et pratiquent le sport, il n’y a pas beaucoup de journalistes qui aimeraient se frotter à des sportifs dégoulinants de sueur, voir le spectacle pas toujours plaisant des pugilistes qui s’empoignent sur un ring ou encore un joueur enfoui dans une mêlée de rugby. Il faut aimer pour aller voir ces scènes-là.
En occident, il y a plus de journalistes de sexe féminin dans le sport qu’en Afrique. Là-bas, on assiste à une spécialisation. Vous rencontrerez des journalistes sportifs occidentales calées dans les disciplines telles que la danse, le tennis, la gymnastique… Ces disciplines qui ne demandent pas un contact ou, qui, dit-on, ne sont pas «des sports violents».
En Afrique, on fait un peu de tout. Et il faut dire que le football demeure le sport roi. Mais alors, il n’y a pas beaucoup de femmes qui y pigent quelques choses en ce qui concerne les règles.
Nous tirons aussi cette disparité de femmes dans le journalisme sportif en raison de l’aspect traditionnel de la société africaine, où il y a des domaines réservés aux hommes et d’autres à des femmes. Et le sport n’échappe pas à cela. Certes, la représentativité de la gent féminine dans ce secteur professionnel est infime, mais il n’en demeure pas moins qu’on en retrouve bien plus qu’il y a dix ans ; et mieux encore, des journalistes sportifs de sexe féminin qui occupent des postes de responsabilités. Cela veut dire que l’intérêt des journalistes « femmes » pour le sport y est.
Camfoot.com: Comment comprenez-vous le thème de cette édition de la journée internationale de la femme : violence et femmes battues ?
Bertille Bikoun: Le thème de cette 22ème édition est bien : « violences à l’encontre des femmes et des filles : briser le silence, agir ». D’amblée, je voudrais dire que les violences ne sont pas que physiques, c’est-à-dire des simples griffes aux coups mortels en passant par des mauvais traitements. Les violences à l’encontre des femmes et des filles sont corporelles (violences pouvant entraîner des blessures graves nécessitant des soins médicaux ou l’intervention de la police ou de la justice), domestiques (femmes battues), sexuelles (viols, incestes, pédophilie, clitoridectomie, excision et autres mutilations génitales féminines), morales… Ce sont des phénomènes et situations à combattre.
Ce thème devrait donc interpeller les victimes à dénoncer les auteurs de ces violences. Mais aussi, les femmes instruites devraient profiter de ce thème pour porter à la connaissance de leurs sœurs les droits qui sont les leurs en pareille circonstance.
Camfoot.com: Que pensez-vous de la lutte de l’émancipation de la femme et des mouvements féministes qui naissent comme des champignons ?
Bertille Bikoun: La lutte pour l’émancipation de la femme participe de la dynamique de la société. Les femmes se battent pour conquérir leur liberté politique et financière, sans lesquelles elles restent assujetties. Si elles ne le font pas elles-mêmes, qui le fera à leur place ? Certainement pas les hommes. Malheureusement, cette lutte d’émancipation se fait très souvent dans la confusion.
Camfoot.com: Les femmes ne revendiquent-elles pas en réalité la domination et non l’égalité entre hommes et femmes ?
Bertille Bikoun: Non, les femmes ne revendiquent que leurs droits. Ce qui est tout a fait normal dans une société camerounaise patriarcale comme le Cameroun, où plusieurs dispositions légales et règles de conduite morale sont mises sur pieds pour que la soumission, voire l’exploitation des femmes soit légitime et acceptée comme une situation normale. Et que, paradoxalement, le législateur camerounais a pourtant ratifié plusieurs textes internationaux ou régionaux qui consacrent les principes de non-discrimination et d’égalité homme/femme. Je citerais entre autres le principe de quota des Nations Unies qui demande aux états membres que 30% des titulaires des postes de décision soient de sexe féminin.
Propos recueillis par Eric Roland Kongou