Il n’est pas encore trop tard. Il est encore temps, chez nous, d’éviter d’embrasser sans discernement, au plus haut niveau, un divertissement à la mode dont semblent se toquer de plus en plus quelques amateurs désireux de meubler leur temps libre.
Le beach soccer connaît depuis un certain temps déjà, c’est indéniable, un engouement extraordinaire qu’ont confirmé, au plan international, la grande manifestation tenue à Rio et, chez nous, le gentil petit tournoi organisé au stade Mbappé Leppé. On ne peut donc nier ni l’attrait du spectacle, ni l’engagement des acteurs, ni la présence d’une bonne dose d’adrénaline chez ces derniers et chez les spectateurs.
Ce divertissement d’un nouveau genre comporte donc, je le reconnais volontiers, la plupart des ingrédients qui en feraient un sport de plein droit. Point n’est besoin d’ergoter inutilement à cet égard. Cela dit toutefois, il faudrait reconnaître que le beach soccer n’est pas du football. Si c’était le cas, on le saurait. C’est, ce me semble, un point capital à rappeler. Et ce n’est pas parce que la FIFA, par précaution et pour le fric, s’introduit sur la pointe des pieds dans ce créneau, que cela change quoi que ce soit.
Les Camerounais ont été présents à Rio et ne se sont pas fait prier pour remplir l’ancien Stade Akwa. Il n’est pas faux de prédire que de plus en plus, nos compatriotes vont pratiquer le beach soccer. C’est une éventualité positive, digne d’encouragement, qui n’est pas de nature à susciter le moindre commentaire négatif. Sauf qu’il se dégage, depuis la manifestation de Douala, une sorte d’euphorie collective qui enivre une certaine classe de Camerounais et les pousse à tenir des propos qui étonnent.
Il est largement question d’ériger le beach soccer au rang du football et ainsi d’en confier l’organisation, la gestion et le financement à la Fécafoot. Risible au demeurant, cette idée est absurde pour deux grandes raisons.
La première raison saute aux yeux. Notre Fécafoot peine à accomplir le mandat qui est le sien d’organiser et d’administrer la pratique du football au Cameroun. Je ne vais pas vous rappeler l’indigence du championnat national, les querelles stériles à l’envi, l’absence d’une orientation claire, un leadership au mieux incertain, les soupçons d’indélicatesse et les velléités totalitaires corruptrices de certains barons, l’incapacité coupable de protéger et de faire prospérer les Lions indomptables. Je ne vous rappellerai pas le délabrement dans lequel croupissent le football des jeunes, le football féminin, la formation des encadreurs et des arbitres, les relations calamiteuses avec le MINSEP. Vous savez tout cela, et plus encore.
Et c’est à cette organisation globalement peu performante qu’on confierait un nouveau dessein dont les contours restent à définir ?
La deuxième raison touche, à mon avis, un point fondamental de l’intervention des pouvoirs publics dans la vie des sociétés modernes. La Fécafoot est un organisme public qui a la charge d’exécuter la politique publique relative au football. L’État intervient sur ce front parce qu’il sait que son action touche le plus grand nombre possible de Camerounais, sinon tous les Camerounais. Toute politique des pouvoirs publics a pour vocation de veiller au bénéfice du plus grand nombre possible de citoyens.
Le beach soccer, quelle que soit sa popularité à venir, ne peut prétendre, sur la base ci-dessus, à la pleine sollicitude des pouvoirs publics camerounais, pour la simple raison qu’il ne sera jamais, pour des raisons évidentes, pratiqué par le plus grand nombre possible de nos concitoyens.
Si l’on en croit ce qui s’est passé à Douala et pour ceux qui suivent ce divertissement sur la scène internationale, le beach soccer offre un terrain de choix pour l’initiative privée. Il y a sans doute de l’argent à gagner sur des investissements largement à la portée d’une foule d’hommes d’affaires camerounais. L’État ne peut pas tout faire, et ne devrait pas être appelé à tout faire.