C’est définitif! Pierre Womé ne veut plus jouer avec les Lions Indomptables. Le défenseur du Werder de Brême ne comprend pas sa non – sélection pour le match Cameroun – Liberia de ce dimanche et en a assez que d’aucuns lui reprochent encore ce penalty manqué qui eut pu envoyer les Lions en Coupe du monde allemande.
Dans un entretien accordé à Mutations, le Fauve en colère explique les raisons de sa décision. Une vraie histoire de quartier. Où l’on apprend que Roger Milla a passé un coup de fil à Womé pour lui dire qu’il apprend qu’il n’est pas sélectionné. Et surtout, Milla lui a dit que … le ministre des Sports lui a dit que …l’entraineur Nyonga lui a dit que … Samuel Eto’o dit que, lui Womé ne reviendra chez les Lions que s’il lui demande pardon à lui Eto’o et aux autres joueurs. Et pour ne rien arranger, Jean-Paul Akono, l’entraîneur des Lions juniors, a appelé le même Womé pour le prier de ne présenter des excuses à personne. De quoi je me mêle? Est-on tenté de se demander.
Tout ce foin pour un joueur, certes talentueux, mais souvent mis au ban de l’Equipe Nationale, pour ses écarts de comportement; un joueur qui a tout de même impoliment refusé ses deux dernières convocations en Equipe Nationale, et dont rien ne dit par conséquent, qu’il aurait accepté de participer au match Cameroun – Liberia, s’il avait été sélectionné. Au moins, ces cancans de demoiselles dignes des salons de coiffure de Mokolo, ont le mérite de faire la lumière sur l’ambiance pourrie qui règne autour des Lions Indomptables. Des personnages, sans rôle officiel en rapport avec l’Equipe Nationale, mais, profitant de la confusion des rôles entre le ministère et la fédération, ainsi que du peu de légitimité des dirigeants actuels du football camerounais, usent de leur nom ou de leur influence pour semer la zizanie chez les Lions. Ils agissent comme si la marche des Lions s’arrêterait si eux, n’existaient pas. Ils aiment ou n’aiment pas les entraîneurs choisis et usent de moult intrigues pour se faire entendre. Ils veulent ou ne veulent pas de tel joueur ou de tel autre. C’est à peine si on ne les retrouve pas dans les vestiaires, à refaire la composition de l’équipe et la causerie aux joueurs, à la place du coach. A l’occasion, le ministre ou le président de la fédération se servira d’eux pour faire la guerre à ses ennemis d’en face.
Il faut oser un exemple: que fait Roger Milla auprès des Lions Indomptables? Surtout, que leur apporte-t-il? Le roi Pelé, tout influent qu’il demeure, n’eut jamais la même omniprésence dans le quotidien de la Seleçao, ni Maradona chez les Argentins, Cruyff chez les Hollandais et Platini chez les Français. Le dire, ce n’est pas renier le passé du vieux Lion. Ce n’est pas non plus refuser que la nation soit reconnaissante à son immense apport au football camerounais. Mais, faut-il, au nom de la reconnaissance due à son passé, renoncer à l’avenir de notre football? Encore que, d’autres Lions qui apportèrent tant à ce football, n’eurent jamais les mêmes privilèges: Nkono, Abéga, Bell, Mbida, Kundé, Omam; pour ne citer que les plus symboliques.
Depuis 2002, les Lions Indomptables n’ont plus rien gagné. Ils ont été éliminés en quarts de finale de la Can 2004, puis en huitièmes de finale deux ans plus tard, et n’ont participé ni à la dernière Coupe du monde, ni au dernier tournoi de football des Jeux Olympiques, dont ils étaient pourtant le champion sortant. Si l’on n’y prend garde, le Cameroun qui ne fait plus peur ni au Soudan, ni à la Guinée Equatoriale, ne gagnera pas la prochaine Can et pourrait bien ne pas se qualifier pour la Coupe du monde sud-africaine. Ce qui est arrivé une fois, peut arriver une fois de plus. Non pas que Samuel Eto’o et ses coéquipiers soient devenus des footballeurs médiocres, mais à cause de l’environnement malsain de la sélection.
Les raisons de la chute vertigineuse des Lions sont à trouver dans les intrigues de leur entourage et la gestion approximative de leur encadrement technique et administratif. En sept ans, depuis 2000, les Lions ont usé 7 sélectionneurs, le Sénégal 4, la Côte – d’Ivoire et la France 3 chacune. Record absolu donc pour une sélection de ce niveau. Dans le même temps, des joueurs essentiels tels que Lauren Etame, ont renoncé à la sélection, dégoûtés par l’amateurisme et les intrigues du milieu. D’autres continuent de venir, juste par devoir. Il faut donc faire le menage autour des Lions. Je propose ici, trois mesures minimales pour y parvenir.
1- la distribution claire et nette des responsabilités entre le ministère des Sports et la Fédération. Au ministère, la régulation et le contrôle du sport en général, et du football en particulier. La construction et l’entretien des infrastructures étant bien entendu, de la responsabilité de l’Etat, des régions et des municipalités. Pour peu que l’on donne encore un minimum de valeur au travail gouvernemental, le rôle d’un ministre de la République n’est tout de même pas d’aller superviser des entraînements, furent-ils ceux des Lions Indomptables du Cameroun; ni de s’assurer que l’équipementier a expédié des shorts pour les joueurs. La gestion quotidienne du football et de l’Equipe Nationale doit revenir à la Fédération, dans tous ses aspects, techniques, administratifs et financiers. La Fédération en a la vocation et la responsabilité internationale.
2- la désignation d’un sélectionneur à objectifs. Un tel sélectionneur aurait pour mission de bâtir une nouvelle sélection du Cameroun, compétitive et conquérante. Il aurait totalement les mains libres pour mener sa mission à bien, et serait jugé sur la durée et non sur des résultats immédiats. Par exemple, il se servirait de la suite des éliminatoires de la Can 2008 et de la Can 2008 elle-même, pour rôder ses nouveaux joueurs. Il devra par la suite qualifier le Cameroun pour la Coupe du monde 2010, gagner la Can 2010 et figurer dans le dernier carré de la Coupe du monde en Afrique du Sud.
Je ne vois pas de coach camerounais local jouant ce rôle. D’abord, les entraîneurs locaux sont tellement trempés dans les intrigues du milieu, et manquent cruellement de charisme, voire même de légitimité, pour pouvoir en imposer, même à leurs propres joueurs. Il est par exemple effarant d’entendre Jules Nyonga, le titulaire de la charge, avouer qu’il n’a pas de contact direct avec Samuel Eto’o, son joueur majeur, avec lequel il parle par personnes interposées. Ensuite, il n’y a pas de coach local qui s’impose par ses résultats. Comment en choisir un, sans verser dans le favoritisme ou le copinage? En dehors de Jean – Paul Akono, il n’y en a pas un, qui ait conduit une sélection ou un club camerounais à un titre international depuis maintenant plus de 20 ans. Pour prétendre entraîner les Lions, il faut déjà aspirer à encadrer Cotonsports de Garoua, le club qui domine le championnat camerounais depuis plus d’une décennie et qui est entraîné par un étranger, parce qu’il n’y a pas sur le marché local, de coach camerounais à sa dimension. Alors, si Cotonsports trouve les locaux indignes de son rang, a fortiori l’Equipe Nationale?
En 2005, trois semaines après le fâcheux penalty manqué, Pierre Womé tout enthousiaste à l’idée d’être réconforté par un responsable camerounais, reçoit un coup de fil d’un entraîneur local très en cour dans l’encadrement des Lions Indomptables. A sa grande surprise, le joueur s’entend dire par le coach: « Petit frère, avec ce qui se passe, je crois que tu ne reviendras plus au pays. Je souhaite que tu me vendes ton terrain de Biyem – Assi ». Le renouveau des Lions peut-il se faire avec de tels entraîneurs affairistes? Qu’il s’agisse d’un Camerounais ou d’un étranger, le sélectionneur à objectifs devra faire le ménage et rajeunir la sélection. Il est tout à fait indiqué qu’il soit un homme neuf n’appartenant pas au système pourri actuel auquel il ne doit rien et qui ne le tient pas.
3 – la désignation d’un manager général des Lions. Le manager général serait une sorte de directeur général de l’Equipe Nationale. L’interface entre l’Etat, la Fédération, les partenaires des Lions et les clubs employeurs des joueurs de l’Equipe Nationale. Il aurait en charge, la gestion administrative et celle des ressources financières de l’Equipe Nationale. Un ancien footballeur à la stature internationale, ayant fait une carrière professionnelle respectable, bénéficiant d’un sens certain du management, avec des entrées à l’étranger, et fort d’un charisme avéré, serait le bienvenu à un tel poste.
Ces mesures minimales supposent toutefois que la Fédération camerounaise de football gestionnaire du football camerounais, soit elle-même, devenue professionnelle. Et là, je me demande s’il faut vraiment rêver.
Ambroise Ebonda