Vice-champion du monde en tant que joueur en 1974 et 1978, Arie Haan se trouve aujourd’hui confronté au plus grand défi de sa carrière d’entraîneur : à 57 ans, le technicien néerlandais s’est engagé pour une durée de deux ans avec la fédération camerounaise de football au mois d’août dernier.
Sa mission consiste à mettre toute son expérience au service de Lions Indomptables qui ont eu bien du mal à faire valoir leur statut de poids lourds africains ces dernières années. Avant toute chose, le nouvel homme fort du football camerounais devra assurer la qualification de son équipe pour la Coupe d’Afrique des Nations 2008. Pour ses grands débuts, Arie Haan a remporté un succès convaincant (3:0) face au Rwanda, ce qui devrait lui permettre de travailler dans une ambiance plus décontractée au cours des prochains mois.
Dans une interview exclusive accordée à FIFA.com, le nouveau sélectionneur national du Cameroun revient sur sa décision de partir tenter sa chance en Afrique, ses ambitions pour son équipe et la prochaine Coupe d’Afrique des Nations.
M. Haan, vous avez connu des débuts réussis avec le Cameroun en vous imposant 3:0 devant le Rwanda. Comment avez-vous trouvé votre équipe ?
Cette expérience était très positive. Nous étions parfaitement organisés et nous avons disputé un très bon match. Je ne connaissais pas forcément tous les joueurs car certains ne sont pas toujours titulaires dans leurs clubs. Je me suis donc fié aux impressions ressenties lors de notre stage à Nairobi. Tout s’est bien passé et je crois avoir réussi à établir un bon contact avec les internationaux.
Vous avez également choisi de donner sa chance à Landry Nguemo, qui débutait à ce niveau.
C’est un jeune très prometteur qui joue à Nancy. La preuve, il a marqué pour sa première sélection ! Je l’avais trouvé très bon lors du stage de préparation et j’avais envie de voir ce qu’il donnerait en compétition. Je suis connu pour donner leur chance aux jeunes espoirs, à condition bien sûr qu’ils aient le niveau et que leur conduite soit irréprochable.
Le Cameroun traverse actuellement une mauvaise passe. Après avoir été éliminés de la Coupe d’Afrique des Nations 2004 au stade des quarts de finale, les Lions Indomptables ont manqué la qualification pour la Coupe du Monde de la FIFA, Allemagne 2006 de justesse. Comment expliquez-vous ces difficultés ?
Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour en juger, mais je peux toujours vous donner mon avis. Cette équipe était déjà en fin de cycle depuis un certain temps. Quand les joueurs ont leurs habitudes, il arrive parfois qu’ils perdent leur combativité. L’esprit de compétition est toujours là, mais l’équipe n’a plus cette faim de victoire qui la poussait à se surpasser. Si l’on introduit un ou deux jeunes dans cette équipe, je pense qu’elle ne tardera pas à retrouver tout son allant. Personne n’aime perdre sa place en sélection, cette concurrence ne peut donc qu’être positive pour les joueurs.
Comment avez-vous été contacté par les dirigeants camerounais ?
Par le biais d’un ami qui se rend fréquemment là-bas. Quand il a appris que le pays cherchait un nouveau sélectionneur, il a fait passer mon CV à la fédération. Ensuite, tout est allé très vite. Tous les détails ont été réglés en une semaine, ce qui est exceptionnel.
Considérez-vous comme un honneur le fait d’entraîner l’une des équipes les plus populaires au monde ?
C’est bien pour cela que je suis ici aujourd’hui ! Le Cameroun possède une solide réputation. C’est une équipe avec laquelle on peut gagner des titres.
Vous avez signé un contrat de deux ans. N’est-ce pas un peu court ?
Non, c’est une durée qui me convient parfaitement. Cela laisse le temps de bien connaître les gens avec qui on travaille et de mettre en place ses propres méthodes. Au terme de cette période, il faudra faire le bilan et voir ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné.
Quelles sont vos premières impressions sur l’Afrique en général et le Cameroun en particulier ?
Je suis arrivé sans idées préconçues. Je n’ai donc pas été surpris par ce que j’ai découvert sur place. Pour le moment, je suis encore dans une phase d’apprentissage car je n’avais encore jamais visité l’Afrique. Toutefois, le fait que j’ai déjà voyagé à travers le monde me permet sans doute de m’adapter plus facilement à de nouvelles cultures. Ici, ce n’est pas l’Europe. Par chance, je crois que nous autres Néerlandais avons un don pour prendre les choses comme elles viennent. Le Cameroun est encore un pays en voie de développement. Une fois que l’on a intégré ce paramètre, tout devient beaucoup plus simple.
Les joueurs africains doivent-ils être traités différemment des Européens ou des Asiatiques ?
Le football est partout le même. Ce constat vaut également pour les joueurs. Néanmoins, il y a toujours de subtiles différences d’une région à l’autre, même en Europe. Je ne me conduis pas de la même façon avec un Belge ou un Néerlandais, alors que les deux pays sont pourtant très proches. Chaque peuple a sa propre mentalité. Certains joueurs ont besoin que l’on s’occupe d’eux, alors qu’il faut être très dur avec d’autres. De ce point de vue, le Cameroun n’est pas différent des autres pays dans lesquels j’ai pu exercer.
La question du lieu de résidence du sélectionneur est un thème récurrent ces dernières années. Comptez-vous vivre au Cameroun ?
Oui, je cherche justement un appartement. Je pense passer la majeure partie de mon temps au Cameroun. Toutefois, je serais amené à faire de fréquents voyages en Europe, puisque c’est là qu’évoluent les meilleurs joueurs. Je devrais donc me rendre là-bas afin de discuter avec les internationaux et leurs clubs.
Garder un oeil sur tous les internationaux potentiels pour composer votre sélection sera-t-il votre plus grand défi ?
Il y a beaucoup de joueurs talentueux au Cameroun. Certains sont encore de parfaits inconnus. Beaucoup de jeunes partent très tôt et la fédération elle-même ne sait pas toujours ce qu’ils deviennent. C’est pourquoi nous aimerions effectuer un travail en profondeur avec les formateurs, afin de tenter de conserver un maximum de jeunes au pays.
Pour conduire le Cameroun à la Coupe du Monde de la FIFA, Afrique du Sud 2010, faudra-t-il impérativement que vous remportiez la Coupe d’Afrique des Nations 2008 ?
Qui peut dire de quoi l’avenir sera fait ? Il peut y avoir des changements au sein de la fédération ou même au niveau politique. Bien entendu, mes dirigeants attendent au minimum que nous nous qualifiions pour les demi-finales. Nous allons tout faire pour remporter ce trophée, mais il est encore beaucoup trop tôt pour tirer des plans sur la comète car tous les pays africains ont accomplis de grands progrès ces dernières années.
Quelles sont les équipes à surveiller ?
La Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Cameroun et le Ghana. En ce moment, le football africain est dominé par des équipes occidentales. Le sud et l’est du continent sont un peu à la traîne. Pour l’heure, l’Afrique du Sud ne fait pas encore partie des plus grands. Pourtant, je suis sûr que d’ici à deux ans, les Bafana Bafana seront à la hauteur de l’énorme attente suscitée par la prochain Coupe du Monde.
Dans les années 90, on prédisait que les équipes africaines auraient bientôt le niveau nécessaire pour remporter un titre de champion du monde. Est-de déjà envisageable ?
Si les choses continuent à évoluer de cette manière, oui, c’est possible. Cependant, nous allons devoir effectuer encore beaucoup de travail, notamment sur le plan tactique, avant d’en arriver là. Sur le plan individuel, de nombreux joueurs possèdent une technique somptueuse. Sur le plan collectif, nous pouvons encore progresser. Il faut des stars dans chaque équipe. Chaque pays a ses stars – chez nous, il y a Samuel Eto’o, l’attaquant de Barcelone. Il y a aussi Rigobert Song, de Galatasaray, ou encore Geremi, qu’on voit peu parce qu’il évolue dans une équipe exclusivement composée de grands joueurs. Nous avons besoin de trouver d’autres joueurs pour les épauler et étoffer encore notre groupe. Si nous y parvenons, un pays africain peut remporter la Coupe du Monde. Certains équipes n’en sont d’ailleurs plus très loin.