Buteur en série pourrait figurer à la rubrique profession de la carte d’identification d’Achille Webo. En ces temps où l’avant garde des Lions est en panne de finisseurs, il enfile but sur but – il a marqué 2 buts en 3 jours avec son club Osasuna – en Espagne et force le respect de son public comme il l’a fait quelques temps avant en Uruguay. Ce succès est la recompense d’un travail de longue haleine, d’une grosse humilité aussi et même s’il est curieux qu’il ne soit pas encore appelé en sélection c’est avec beaucoup de plaisir que le joueur évoque son pays et affiche son amour pour la patrie. Les échanges que nous avons eu avec Achille nous ont laissé l’impression d’un homme vrai et ses prestations dans son club lui valent la réputation d’un joueur plutôt redoutable dans la presse espagnole, ce qui est une bonne nouvelle pour l’avenir des Lions Indomptables.
Camfoot.com: Bonjour Achille, comment peux-tu te présenter aux amateurs du football camerounais?
Achille Webo: Je suis un jeune footballeur camerounais de 21 ans, c’est ma 4ème année en tant que professionnel. J’aime beaucoup le football et comme tout bon camerounais, je travaille dur pour réussir. Personnellement, je préfère qu’on me découvre que de parler de moi-même.
Camfoot.com: Tu étais encore en Uruguay la saison passée, comment es-tu arrivé dans ce pays lointain?
AW: C’était par un agent de joueur au Cameroun, qui avait un ami qui vivait en Uruguay. Et c’est ainsi que je me suis retrouvé là-bas. Il y avait aussi un groupe de joueurs camerounais qui sont arrivés au même moment que moi. J’ai cependant eu la chance d’aller directement au Nacional de Montevideo qui est la meilleure équipe du pays. J’y ai joué 3 ans et grâce à Dieu, j’ai été sacré 3 fois champion d’Uruguay. Ainsi, j’y ai joué les coupes continentales telles que la copa libertadores, mercasure, copa americana (avec un accent pur espagnol…), bref toutes les compétitions sud-américaines.
Camfoot.com: Là, tu te retrouves en Espagne…
AW: Oui, en hiver dernier, suite à ma belle saison, j’ai eu plusieurs propositions pour venir jouer en Europe et la proposition de Osasuna était la plus intéressante. Il faut savoir que les clubs Espagnols sont en vue là-bas grâce à la langue. Et les conseils des aînés comme Gérémi qui est d’ailleurs un cousin de la famille, Ngom Kome et Zinkeu Hugues, qui m’ont convaincu de saisir cette opportunité. Néanmoins, il fallait que je passe par un prêt à Leganès (D2) puisque Osasuna avait un problème de surplus d’étrangers. Ainsi, après les 5 mois de prêt j’ai regagné Osasuna.
«…la dernière saison 2002, j’ai eu la chance d’être titulaire et j’ai inscrit 22 buts avec le Nacional.»
Camfoot.com: En Uruguay, combien de buts as-tu marqués?
AW: Il faut dire que pour la 1ère année, je ne peux pas les compter car je jouais dans les catégories juniors et j’étais en phase d’adaptation. Mais je me souviens bien d’avoir inscrit 2 buts. La 2ème année, j’ai commencé à intégrer l’équipe première et j’ai marqué 5 buts au total. Enfin, la dernière saison 2002, j’ai eu la chance d’être titulaire et j’ai inscrit 22 buts avec le Nacional.
Camfoot.com: Au Cameroun es-tu passé par un centre de formation?
AW: Non, je suis un produit de la rue (rire). À 16 ans, j’ai connu ma première équipe qui fut Kogap de Batoufam, une équipe de D2 du village (dirigé par M. Fotso, le père de Gérémi). Cette jeune équipe misait beaucoup sur les jeunes. Puis, je suis allé au stade de Bandjoun une partie de l’année avant de faire mes valises pour l’Uruguay au début de l’an 2000.
« Avoir une paire de godasse, un ballon et un bon terrain suffisent pour faire mon bonheur car j’adore jouer au ballon. »
Camfoot.com: As-tu eu à côtoyer l’une des équipes nationales?
AW: Non, car je ne peux pas dire que j’ai joué assez au Cameroun: environ 2 ans et demi. J’ai connu le coach Jean-Pierre Sadi à mon passage au Stade de Bandjoun et qui appréciait beaucoup mes qualités. J’aurai été chez les juniors cette année là, si je n’avais pas quitté le pays. Mais, je ne pouvais pas refuser la proposition d’Uruguay.
Camfoot.com: Comment s’est fait l’adaptation en Uruguay, un pays où on ne voit pas beaucoup de camerounais?
AW: Ah!… ça n’a pas été facile. Je peux dire que nous étions les cinq premiers joueurs camerounais à atterrir là-bas. Il y avait Momo, Biakop, Tatat, Kofana et moi. Il fallait surmonter plusieurs facteurs dont la langue espagnole, le climat, l’alimentation, la culture, presque tout. Heureusement, comme je suis quelqu’un de très motivé, ça ne m’a pas empêché de travailler pour réussir là-bas. Avoir une paire de godasse, un ballon et un bon terrain suffisent pour faire mon bonheur car j’adore jouer au ballon. Il faut dire que, se voir à la télé après les matchs, doublait cette motivation.
Camfoot.com: Le Nacional, une grande équipe?
AW: Complètement, c’est une équipe avec pleine d’histoire et de titres tant en Uruguay qu’en Amérique du sud. Ce n’était pas facile pour un étranger comme moi de venir intégrer l’équipe. Pour moi, c’est l’une des plus grandes équipes du monde. Et c’est drôle car, aujourd’hui en Espagne, on m’identifie plus à un joueur sud américain qu’à un camerounais. Tout simplement parce que le National de Montevideo est bien connu ici.
Camfoot.com: Et le prêt à Leganès?
AW: Pas facile car je venais de Montevideo où il faisait 38 à 40°C contre 0° à -5°C ici. J’ai aussi eu un peu de malchance puis que je me suis blessé, sans compter les problèmes administratifs. J’ai dû retourner au Cameroun pour satisfaire aux exigences espagnoles, ce qui a pris plus de temps que prévu… Donc, finalement, ça ne m’a pas permis de jouer énormément. Mais les coéquipiers du club de Leganès m’ont aidé à m’intégrer.
Camfoot.com: Aujourd’hui, tu joues de plus en plus avec Osasuna…
AW: Grâce à Dieu, je travaille bien et l’entraîneur apprend à me connaître. Il faut dire qu’avec le statut de joueur extra-communautaire, on doit se battre doublement pour être aligné. Heureusement, l’arrivée de Baka (Bakayoko) qui a un passeport français, ne limite pas mon utilisation. Et le coach M. Aguire (ex-sélectionneur Mexicain) a ainsi l’opportunité de me faire jouer.
Camfoot.com: Tu inscris ton premier but contre Majorque dimanche dernier (05/10/03), peux-tu nous le décrire?
AW: Ce fut une action rapide avec un ballon venant du coté droit. Je n’hésite pas le frapper instantanément du gauche pour prendre de vitesse les défenseurs et le gardien. C’est réussi!
« On n’obtient rien sans travail et sans sacrifice: c’est ma philosophie. »
« Je suis fier d’avoir un compatriote comme Eto’o, qui hisse très haut nos couleurs. »
Camfoot.com: En général, quand un joueur est de retour de prêt, il lui est difficile d’avoir une place dans l’équipe. Comment se fait-il que tu joues à Osasuna (D1) alors que tu n’as pas fait trop tes preuves à Leganès (D2)? Est-ce parce que les attaquants n’ont pas leur preuve ou est-ce ton talent qui convint le coach?
AW: Je vais être sincère: ici à Osasuna, on ne fait de cadeau à personne… Il faut dire la vérité. C’est d’ailleurs la même chose dans les autres clubs de la liga. Ce n’est pas pour rien que c’est un des meilleurs championnats du monde. Quand je suis revenu du prêt, on ne me connaissait pas à Osasuna puisque je n’y avais pas joué. Le coach m’a dit que j’avais les mêmes chances que tout le monde mais que je devais faire plus, puisqu’on ne me connaissait pas. Voilà, j’ai compris le message et je me suis mis au travail. Grâce à Dieu, je joue bien et le coach me fait confiance. On n’obtient rien sans travail et sans sacrifice: c’est ma philosophie.
Camfoot.com: As-tu toujours joué en attaque?
AW: Tout à fait. Tout jeune à Kogap de Batoufam, je jouais allier puis avant centre. Partout où je suis passé, c’est à l’attaque qu’on m’a placé. C’est à cette position que j’excelle le plus.
Camfoot.com: C’est qui ton modèle d’attaquant?
AW: Mon modèle c’est Thierry Henry, et mon idole c’est Roger Milla.
Camfoot.com: Tu as eu l’occasion de rencontrer Éto’o sur le terrain dimanche dernier…
AW: Oui, j’ai fait sa connaissance… Vraiment, c’est un joueur admirable, sa vitesse, sa technique, tout. Il est assez respecté dans le monde du football, et pas seulement au Cameroun et en Espagne… Même en Uruguay, c’est une référence du football mondial. A Majorque, son influence sur son équipe est palpable: capitaine et tout, il s’est fait du respect dans toute la ville et même le pays. Je suis fier d’avoir un compatriote comme lui qui hisse très haut nos couleurs.
« Moi, j’ai le lion tatoué sur le coeur et ça me ferait plaisir d’aller défendre nos couleurs, quelque soit la catégorie. »
Camfoot.com: Quel est ton objectif cette année?
AW: C’est d’adord de gagner une place titulaire à Osasuna et surtout, le plus important, réaliser un rêve d’enfant: être appelé un jour en équipe nationale du Cameroun pour défendre nos couleurs.
Camfoot.com: À 21 ans tu peux encore passer par les espoirs…
AW: Oui, vous savez l’équipe nationale c’est l’équipe nationale; que ce soit cadet, junior ou espoir, il faut être toujours disponible. Il ne faut pas dire que je suis un meilleur joueur pour jouer dans telle ou telle catégorie. Moi, j’ai le lion tatoué sur le coeur et ça me ferait plaisir d’aller défendre nos couleurs, quelque soit la catégorie.
Camfoot.com: Aujourd’hui, on voit que les joueurs ont parfois de la difficulté à se libérer pour l’équipe nationale. Si on y ajoute la concurrence avec Bakayoko, est-ce réaliste de s’absenter du club aujourd’hui pour toi?
AW: Ça dépend des circonstances. Mais moi je considère que l’équipe nationale passe avant tout. Une sélection au pays des Lions Indomptables, ça ne se refuse pas. D’ailleurs, ce serait pour moi un honneur de défendre notre titre olympique, si chèrement gagné en 2000.
Camfoot.com: Étend donné que tu n’as jamais joué en équipe nationale, n’importe quelle pays peut s’arranger à t’appeler… Comme par exemple la RD Congo (rire)…
AW: Non non non, je n’irai jamais (rire)…
Camfoot.com: En dehors du football, que fait Webo de son temps perdu?
AW: Vous savez que le football professionnel est assez exigent, alors le repos est fondamental. A part le repos, je passe une bonne partie de mon temps sur le net, je prends des cours d’Anglais car, à force de parler tout le temps l’espagnol, je néglige d’autres langues et je perds un peu de mon français.
Camfoot.com: Vis-tu avec ta famille?
AW: Non, je suis seul car célibataire. Je suis issu d’une famille de 6 enfants. J’ai perdu mon père très jeune, il y a 14 ans et ma maman vit au Cameroun avec mes petits frères, sauf mon grand frère qui vit à Paris… Je leur adresse mes salutations.
Camfoot.com: Comment ça se passe entre Ibrahima Bakayoko et toi?
AW: Vu son vécu, c’est un plus de le côtoyer. Vous le connaissez, il n’est pas à présenter mais je sais que j’ai d’autres qualités à faire valoir. On est souvent ensemble par la force des choses car il vient d’arriver et ne maîtrise pas la langue espagnole. À ce niveau, j’essaie de l’aider… Bref, c’est avec lui que je passe la majeure partie de mon temps. C’est un joueur assez rapide et technique, un bon joueur quoi.
Camfoot.com: Et la rivalité avec la Côte d’ivoire?
AW: (rire) Comme je lui dis toujours: entre un lion et un éléphant, il y a une différence, car le lion c’est le roi de la forêt… Sur ce point-là, il sait déjà. D’ailleurs, il a eu Salomon (Olembé) comme coéquipier à Marseille.
Camfoot.com: Donc, vous passez le temps à faire la gueule?
AW: Non, mais on met les points sur les « i » et il sait qu’il ne peut comparer les deux pays. Vous savez, Bakayoko nous apprécie assez, il est admiratif devant la foi, l’amour et la combativité que nous avons pour notre pays. En fait quand il parle du Cameroun, c’est avec beaucoup de respect.
Camfoot.com: Un dernier mot?
AW: Juste dire que j’ai confiance en l’avenir tant personnel que pour les Lions Indomptables. L’équipe actuelle du Cameroun a besoin de peu de chose pour conserver son titre continental. Je salue tous les fans sans oublier ma famille.
Camfoot.com: Nous te remercions pour ta disponibilité.
AW: Le plaisir fut le mien, merci.
Propos recueillis par ER. Lowe & J. Yansa