Il y a eu une curieuse interview de Samuel Eto’o au média français RFI conduit par Christophe Boisbouvier la semaine dernière. Un face à face où il n’y a jamais eu de relance par rapport aux réponses de celui qui veut remplacer Mbombo Njoya au Conseil Exécutif de la CAF. Pour un publi-reportage, c’en est toute une. Mais l’homme aura déjà géré la Fécafoot pendant trois ans avec un bilan concret des plus minimalistes.
L’homme s’est amusé à réécrire l’histoire. Heureusement, à chaque fois, son nez, contrairement à celui de Pinocchio, grossissait et s’aplatissait. Et même son teint, devenu métissé, craquait sous la poudre bedonnante du “djansang” sous le double effet grossissement aplatissement..
Nous vous proposons les vraies réponses sans langue de bois et sans mensonges aux vraies questions du journaliste de RFI. Ce sont en réalité les réponses de l’interview en arrière de la tête que Samuel Eto’o Fils, président de la FECAFOOT, aurait aimé répondre s’il ne voulait pas faire de l’enfumage.
Morceaux choisis :
Christophe Boisbouvier : Depuis le mois d’avril, vous avez perdu le contrôle administratif et financier des Lions Indomptables. Est-ce que ce n’est pas un coup dur ?
*Samuel Eto’o* : Nous n’avons rien perdu…
*Réponse vraie*: Nous avons énormément perdu avec la décision de confier les cordons de la bourse des Lions Indomptables au ministre des Sports. Chaque regroupement des Lions Indomptables était une opportunité de gérer une cagnotte de 1,5 milliard, auquel il faut ajouter les recettes de stade, estimées à plus de 100 millions.
De cette cagnotte, je dégageais au moins 500 millions pour faire face à mes engagements personnels et à certains de la Fédération. C’est pour cette raison que Céline Eko, la première vice-président peut dire que je suis le premier sponsor de la FECAFOOT. Désormais, c’est plus difficile sans cette cagnotte. N’oubliez pas que j’avais à gérer au bas mot quatre matchs internationaux locaux, sans compter ce qui venait des sélections intermédiaires. Mais je pleure encore plus ce que me générait la participation aux compétitions comme la Coupe du Monde ou la CAN.
A ce rythme, j’ignore si nous allons finir l’année 2025 en honorant nos engagements. Vous avez vu combien c’est déjà compliqué de lancer le championnat professionnel sans l’argent de l’Etat.
*Christophe Boisbouvier* : Dans un an, serez-vous candidat à votre propre succession ?
*Samuel Eto’o* : Nous verrons… Je verrai avec les partenaires est-ce que cela vaut le coup.
*Réponse vraie* : J’ai déjà taillé les textes à ma mesure, pour éviter que ma candidature ne soit retoquée à cause de ma condamnation pour fraude fiscale en Espagne. J’ai aussi compliqué la possibilité pour les concurrents de candidater en limitant l’âge pour être candidat à moins de 65 ans (pour éliminer Yannick Noah), en discriminant les parrainages, etc.
Je verrai après les procédures qui me pendent au-dessus de la tête devant le Jury d’appel de la CAF où je risque une suspension de toute activité liée au football, l’audience est prévue pour le 8 janvier 2025 ; et devant le TAS où ceux qui m’accusent ont demandé huit années de suspension contre moi, la sentence est attendue pour le 31 janvier 2025. Si je suis encore président au terme de ces deux échéances, rien ne m’empêchera d’être candidat.
*Christophe Boisbouvier* : Vous êtes en conflit avec le sélectionneur des Lions Indomptables, Marc Brys. Il dit que vous êtes populaire, très puissant mais vous n’avez réussi que comme sélectionneur et vous avez raté tout le reste. Comme entrepreneur, entraîneur, président de la FECAFOOT. Que lui répondez-vous ?
*Samuel Eto’o* : Si je vais répondre à un employé, vous verrez que je perdrais le niveau qui est le mien…
*Réponse vraie *: Cet entraîneur a tout foutu en l’air. Toute ma stratégie de contrôle des Lions indomptables est tombée à l’eau le jour où il a été recruté. Et tous mes malheurs viennent de lui. Il m’a d’abord fermé la porte des vestiaires, puis il m’a retiré le pouvoir de dire un mot sur la sélection des joueurs. Je ne l’accepterai pour rien au monde. Il aurait dû se comporter comme Rigobert Song, me laisser faire et son séjour au Cameroun aurait été tranquille, même si je me suis opposé à son recrutement.
Il a raison. J’ai tout réussi comme joueur. C’est vrai que ce que j’ai tenté comme entrepreneur a échoué comme Set Mobile. J’ai eu une carrière éclair de deux semaines d’entraîneur, mais il ne devait pas me dire ça devant les employés de la FECAFOOT. Je refuse de signer son contrat de sélectionneur des Lions, donc techniquement il n’est pas employé de la FECAFOOT. Mais je suis la structure utilisatrice, et il me doit respect et obéissance.
Je sais que la seule façon de provoquer son départ c’est les mauvais résultats, et je fais tout pour qu’il en ait mais c’est un veinard ; il gagne tout le temps même quand on ne lui facilite pas la tâche. Par exemple, quand il veut un bon joueur comme Namaso, qui est très bon et que même Rigo avait déjà convoqué, on ne s’empresse pas de boucler les formalités administratives pour le priver d’une telle pépite. Il va lire l’heure et finir par perdre et là, je demanderai sa tête sans tarder.
*Christophe Boisbouvier* : Il n’y a pas de défaite depuis que Marc Brys est à la tête des Lions indomptables. Il n’est pas si mauvais, cet entraîneur…
*Samuel Eto’o* : Personne n’a dit qu’il était mauvais.
*Réponse vraie *: La question n’est pas qu’il soit bon ou mauvais, à la tête des Lions, je veux un entraîneur choisi par moi qui me soit aussi soumis que l’était Rigo. Ce n’est pas compliqué ce que je demande. Marc Brys peut gagner tous les matches qu’il veut, pour moi il ne sera jamais à sa place et je ferai tout pour écourter son séjour.
*Christophe Boisbouvier* : Vous êtes opposé au ministre des Sports Narcisse Mouelle Kombi, qui est soutenu par le puissant SGPR Ferdinand Ngoh Ngoh. Est-ce que cet adversaire n’est pas trop fort pour vous.
*Samuel Eto’o* : Je ne suis opposé à personne, j’ai défendu la légalité.
*Réponse vraie :* Je n’ai peur ni du ministre des Sports ni du SGPR. Depuis que je suis opposé à eux, qu’ont-il réussi contre moi ? Certains ont dit que j’irai en prison, mais je suis toujours là. J’ai mes propres soutiens à la présidence de la République, la Première Dame, le Directeur adjoint du Cabinet civil, Osvalde Baboke. Je ne suis donc pas seul contre le SGPR, dont la puissance n’est pas sans limite. C’est pour cela que je requiers l’arbitrage du Chef de l’Etat qui décide en dernier ressort. Et en homme politique, il mesure ma popularité et se dit qu’il faut me manipuler avec beaucoup de précautions.
*Christophe Boisbouvier* : On dit que vous avez des ambitions politiques et que vous visez un destin à la George Weah. La prochaine présidentielle c’est l’année prochaine, est-ce que vous y pensez ?
*Samuel Eto’o* : Je ne peux pas me présenter à l’élection présidentielle, je vais prendre les députés où ? je n’ai même pas de parti politique. Je soutiens le président Biya.
*Réponse vraie *: Le destin de Weah me parle, qu’est-ce qu’il a de plus que moi ? Je suis populaire dans mon pays, je suis même le plus populaire. Le président actuel est vieux et fatigué. Si on organise une élection aujourd’hui aucun homme politique camerounais ne peut me battre. Des gens croient en moi partout même dans les villages, je mérite de diriger le Cameroun mais les caciques qui sont là depuis ne vont pas me laisser faire. Ils vont d’abord ressortir ma nationalité espagnole, puis tous les dossiers comme les 2,7 milliards d’avance de l’Etat pour la participation des Lions à Qatar 2022 qui n’ont jamais été remboursés.
Mais même si je ne peux pas moi-même, je peux trouver des accords avec des candidats à la succession pour mettre ma popularité à leur service moyennant quelques assurances. Cela veut dire que j’ai un rôle politique à jouer au Cameroun et je compte bien le jouer.
Par Thomas Sankara