Dans les hautes sphères du football international, la bienséance impose de faire les choses dans l’ordre, en respectant la hiérarchie. Au mois de mai dernier, lors du 71e Congrès de la Fifa organisé au siège de l’instance à Zürich, le président de la Fifa Gianni Infantino a évoqué l’organisation d’une Coupe du monde tous les deux ans. Une idée soumise par la fédération saoudienne et défendue notamment par Arsène Wenger, ancien entraîneur d’Arsenal (Angleterre) et directeur du développement du football mondial à la Fifa.
« On va en discuter et analyser ça (…). Il n’y a pas besoin d’être Einstein pour savoir que si vous passez à une Coupe du monde tous les deux ans, vous allez doubler les revenus. Mais il faudra d’abord voir d’abord si cela fait sens d’un point de vue sportif », a estimé le patron de la fédération. Et une large majorité des membres du Congrès a alors décidé de voter une étude de faisabilité sur ce projet, qui semble donc faire son chemin.
Mais l’initiative provoque aussi une levée de boucliers dans le monde du football, en particulier en Europe, où d’anciennes stars du ballon rond comme Philipp Lahm et Paolo Maldini se sont ouvertement exprimés contre ces derniers jours. Le conseil d’administration de la Ligue de football professionnelle française, réuni le 13 octobre, sy’est lui aussi opposé. Sur le continent en revanche, on observe un large consensus favorable.
La Coupe du Monde tous les quatre ans favorise surtout l’Europe et l’Amérique du Sud
Avec un format à 48 équipes à partir du Mondial 2026 et une dizaine de places attribuées à l’Afrique – contre 5 actuellement –, certains pays nord-africains, et notamment l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et l’Égypte, verraient leurs chances d’être régulièrement qualifiés augmenter de manière significative.
Fouzi Lekjaa, le très influent président de la fédération marocaine et ministre délégué chargé du Budget, dont la proximité avec Infantino est notoire, a dès le mois d’août exprimé sa sympathie pour le projet, dans les colonnes du 360Sports. « Cela donnerait davantage d’opportunités aux équipes africaines de progresser en affrontant les meilleures sélections du monde, et permettrait à leurs joueurs les plus talentueux de briller. Nous devons faire de la Coupe du monde une compétition plus inclusive, plus démocratique en donnant l’occasion aux nations les moins développées l’occasion d’y participer. Le Maroc, un grand pays de football, n’y a participé que cinq fois, et cela n’est seulement dû à l’extrême difficulté des qualifications, mais aussi à sa périodicité », a-t-il plaidé.
Même son de cloche chez le voisin algérien, même si la fédération n’a pas encore communiqué officiellement sa position. « Il y a eu des réunions et la Fédération algérienne de football (FAF) est évidemment favorable à ce projet, assure, sous couvert d’anonymat, un membre de l’instance. Nous sommes pragmatiques et nous pensons d’abord aux intérêts de notre sélection. Une Coupe du monde tous les deux ans, ce serait tout bénéfice pour nous et d’autres fédérations. »
« En tant que joueur, j’aurais aimé avoir la possibilité de disputer le Mondial tous les deux ans pour l’expérience, avoue l’ancien international algérien Rabah Madjer, qui a participé aux éditions de 1982 et de 1986. Je ne pense pas que cela contribuerait à banaliser l’évènement. Par contre, comment faire pour insérer une telle compétition et sa phase qualificative dans un calendrier déjà très rempli ? »
Sauver les stades africains ?
« Il faut vivre avec son temps et ouvrir la discussion. On peut envisager de modifier le calendrier en organisant des compétitions où tout le monde s’y retrouve. Tout est question d’harmonisation, estime Augustin Senghor, président de la Fédération sénégalaise de Football (FSF). La Coupe du Monde tous les quatre ans favorise surtout les grosses confédérations, c’est-à-dire l’Europe et l’Amérique du Sud. La CAF compte 54 fédérations, et avec le Mondial à 32 équipes, il y a 5 places. À partir de 2026, avec 48 équipes, on passera à 9 sélections africaines. Mais le pourcentage reste assez faible. Est-ce satisfaisant ? »
Patrice Motsepe, le président sud-africain de la CAF s’est déclaré ouvert à l’éventualité
« Il faut essayer de nouvelles choses, rompre avec le conservatisme, renchérit Mathurin de Chacus, le président de la Fédération béninoise de football (FBF), alors que son pays ne s’est jamais qualifié pour une phase finale de Coupe du Monde. Ce projet permettrait également de générer de nouveaux revenus, et beaucoup de fédérations africaines ont besoin d’argent. On peut adapter le calendrier, c’est loin d’être insurmontable. »
Il estime également que cette réforme pourrait permettre aux stades africains d’être plus souvent utilisés, et donc mieux entretenus. Le sort des infrastructures sud-africaines spécialement construites à coups de centaines de millions de dollars pour l’édition 2010 et qui peinent aujourd’hui à se remplir est dans tous les esprits. « Avec plus de matchs qualificatifs pour le Mondial, les stades ne tomberaient pas en désuétude, comme on le voit après certains phases finales de CAN », argumente de Chacus. Récemment, Patrice Motsepe, le président sud-africain de la Confédération africaine de football, s’est lui aussi déclaré ouvert à l’éventualité.
Le 30 septembre, la Fifa a lancé une grande consultation auprès de toutes les fédérations afin d’aborder la question du calendrier international, et donc le projet de Coupe du Monde tous les deux ans. Si l’OFC (Océanie) ne s’est pas encore prononcée, l’Uefa (Europe) et la Conmebol (Amérique du Sud), les deux confédérations les plus importantes du monde, ont d’ores et déjà exprimé leur opposition. L’AFC (Asie) et la Concacaf (Amérique du Nord, Amérique centrale et Caraïbes) se sont quand à elle déclarées favorables et l’Afrique est sur la même ligne. Une résolution à cet effet a été votée ce vendredi