J’en conviens volontiers : c’est avec une légère mauvaise foi que je comparerais la victoire du roi Pyrrhus à la bataille d’Italie en 280 av. J.-C. à celle du général Semengué au TAS en 2020. Du point de vue matériel et humain, la victoire du général n’est pas entachée des énormes pertes subies par le roi d’Épire. Mais, dans les deux cas, la victoire finale est irréalisable. C’est l’évidence même : tout comme Pyrrhus, le général Semengué ne pourra pas gagner la guerre.
De quoi s’agit-il en fait ? La Fécafoot, l’employeur, a écarté le Général Semengué, l’employé. On pourra pinailler comme on veut sur le fond du problème, enjoliver par ici, passer la brosse à reluire par-là, user d’arguties de ce côté ou, de l’autre, exciper d’une théorie du complot pour expliquer la position de la Fécafoot, mais la situation reste toute simple. Mettre un employé à la porte est un privilège basique de l’employeur. Ici, à Sipandang, nous comprenons cela, et nous savons qu’il existe des moyens de recours contre le licenciement abusif.
Le général Semengué le sait aussi. Il s’est rebiffé, comme il en a le droit. Il a gagné, certes devant une instance étrangère, mais qu’y pouvons-nous ? L’ordonnance du TAS a l’avantage, corrélatif de son défaut, d’être juste. Elle reconnaît le traitement cavalier de la Fécafoot, ce qui naturellement profite au mis-en-cause, mais elle occasionne en même temps une impasse qui est hautement préjudiciable au football camerounais. Le ménage forcé entre le général Semengué et M. Mbombo Njoya n’est pas une solution envisageable et ne devrait jamais être encouragé.
Le tohu-bohu qui enfle à Yaoundé et que Dieu merci la Sanaga empêche de parvenir de ce côté-ci tire le débat dans tous les sens et masque, à plusieurs égards, un élément fondamental. M. Mbombo Njoya est le patron du football au Cameroun. Il ne partage cette responsabilité avec personne d’autre. Il est capital non seulement qu’il ait la légitimité, mais surtout qu’il ait l’autorité voulue pour s’acquitter de cette responsabilité. À quoi sert-il donc d’élire un haut responsable si les décisions de ce dernier sont constamment battues en brèche ? Je suppose que la trajectoire impulsée par le général Semengué n’était pas du goût de M. Mbombo Njoya, qui a sans doute tenté de recadrer l’action du dirigeant de la plus importante branche de la Fécafoot. Si c’est le cas, la personne qui doit reculer ne saurait être la personne qui a été élue à la tête de l’institution faîtière.
Nous sommes dans le dur pour de vrai, mais certains farceurs laissent flotter l’idée d’une « paix des braves » entre les deux hommes. C’est risible. Les deux hommes ne sont pas des adversaires politiques. Il n’y a pas de place à l’arrangement dans une relation professionnelle fondée sur des paliers d’autorité et de responsabilité bien délimités.
Les décisions de M. Mbombo Njoya peuvent être contestées certes, mais elles doivent être respectées. La bonne solution est entre les mains du Général.
Léon Gwod