Le match de finale retour de la Ligue africaine des clubs champions ayant opposé le 31 mai l’Espérance de Tunis au Wydad Casablanca (WAC) fait partie de ces joutes sportives à oublier au plus vite. Venu pour assister au beau spectacle, le public a plutôt eu droit à une tragi-comédie qui relève presque de l’inédit. Rocambolesque, ubuesque, pathétique, aucun qualificatif n’est trop fort pour décrire le triste tableau offert par les différents acteurs, à savoir les joueurs, les arbitres et les officiels. Les Tunisiens l’ont certes emporté (2-1), consolidant de ce fait leur palmarès déjà riche dans cette compétition.
Mais au-delà du score ayant sanctionné la partie, c’est le déroulement du scénario sur le terrain et en dehors qui aura le plus marqué les esprits. Devant les yeux éberlués des spectateurs et des téléspectateurs, des joueurs de l’équipe marocaine ont quitté en bloc l’aire de jeu alors que ceux de l’équipe adverse restaient sur place. Principale raison avancée : le but d’égalisation du WAC refusé par l’arbitre central Bakary Gassama pour un hors-jeu discutable. Les protestations de l’équipe adverse qui exigeait un recours au VAR (arbitrage vidéo) n’ont pas prospéré, confortant les Marocains dans leur refus catégorique de reprendre la partie. Ils sont restés ainsi campés sur leur position jusqu’au bout. Toutes les tentatives de médiation, y compris de la part des officiels de la Confédération africaine de football (CAF) n’auront rien changé à l’affaire. Du jamais vu à un tel niveau. Après 90 minutes d’interruption, l’équipe hôte a été désignée vainqueur conservant ainsi une couronne gagnée la saison dernière.
Cette situation grotesque aurait prêté à sourire si l’image ainsi écornée du ballon rond sur tout un continent n’y était pas associée. Chacune des parties se rejette certainement la responsabilité sur ce qui est arrivé. Pour avoir imposé un match nul à son adversaire lors du match aller, l’équipe tunisienne peut estimer sa victoire somme toute logique sur l’ensemble des deux confrontations. De son côté, en l’absence de l’assistance vidéo, le WAC Casablanca estime être dans son bon droit en criant à l’injustice, voire au complot. Ceux en charge de l’organisation d’une rencontre aussi prestigieuse auraient aussi quelque chose à se reprocher pour n’avoir pas rendu opérationnel le dispositif technique pour la VAR. Le plus inquiétant c’est que les controverses suscitées par un arbitrage jugé plus ou moins partisan tendent à se multiplier. A titre de rappel, un autre scandale était survenu lors du match-aller. La CAF avait alors évoqué la « performance faible » pour suspendre l’arbitre égyptien Gehad Grisha pour une durée de six mois, l’homme s’étant négativement distingué en refusant un but au club marocain ainsi qu’ un penalty pour une faute de main évidente. Visiblement, cette sanction n’aura pas été assez dissuasive pour éviter d’autres couacs.
Mais quelles que soient les raisons évoquées par les uns et les autres, le piteux spectacle offert lors d’un match aussi prestigieux n’honore pas le football africain qui a tant d’autres chats à fouetter en ce moment précis. Le fait pour une équipe d’avoir été victime d’une injustice réelle ou supposée, ne lui donne pas droit de se faire justice ou de contraindre l’arbitre de se plier à ses exigences. Montrer ainsi en mondovision les tares de l’arbitrage ainsi que des attitudes conflictuelles aux antipodes de la tolérance et du fair-play que recommande l’éthique sportive est du plus mauvais effet. Surtout à la veille de la CAN Egypte 2019. Ceci dit, l’arbitrage a encore beaucoup d’efforts à faire pour se mettre à la hauteur des attentes et remplir pleinement l’obligation d’impartialité qui lui incombe. Car à l’allure où se multiplient les scandales d’arbitrage sur le continent, il est fort à craindre que la toute prochaine grande fête du football africain soit gâchée par d’autres décisions faisant rarement l’unanimité.
Jean Marie NZEKOUE, Editorialiste, auteur de « L’aventure mondiale du foot africain » (2010)