Après trois mois sur le banc de touche de Canon de Yaoundé, l’équipe de Nkolndongo n’a pas gagné de match en huit journées de championnat et est dernière au classement. L’entraîneur du club a payé les frais par son remplacement à la tête de l’encadrement technique du Kpa-Kum par Dieudonné Nké. Il refuse de porter le chapeau de cette situation et accuse. Interview.
Après la défaite de Canon dimanche dernier, vous vous disiez dépité et que malgré cela vous allez continuer votre travail dans cette équipe. Depuis quelques jours, il y a une décision du président du conseil d’administration (Pca) de Canon qui a réorganisé l’équipe dans son administration et sur le plan technique, avec Dieudonné Nké comme entraîneur principal. Quelle est votre réaction à la suite de cela ?
J’ai été surpris par cette nomination, parce qu’il n’a jamais été question que je sois remplacé ; le mal de l’équipe n’était pas moi. Tout Canon et son administration savent où est le problème. Il était question dans un premier temps que je trouve un adjoint, parce j’étais seul sur le banc de touche. Il me fallait donc un adjoint et il y avait trois noms sur la table. Malheureusement, j’ai été surpris d’apprendre par des amis et la famille qu’on a nommé un nouvel entraîneur dans Canon par voie de presse.
Et comment avez-vous accueilli cette nouvelle de la nomination d’un nouvel entraîneur ?
Immédiatement, j’ai appelé le Pca pour lui demander ce qui se passe, parce que je venais d’apprendre par un jeune qu’il y a eu des mouvements dans Canon. Le Pca (Fabien Omboudou, ndlr) me répond : on parle de renfort et donc j’ai renforcé ton staff avec Dieudonné Nké qui va t’épauler. C’est le terme qu’il a utilisé en parlant d’un coup de main qu’allait me donner Nké. J’ai aussitôt appelé le concerné pour lui dire ce que je venais d’apprendre du Pca. J’étais content, parce que dans cette situation, si on a la venue d’un grand frère, qui peut faire une autre lecture, c’est une bonne chose. Je lui ai donc proposé une séance de travail. Nous avons tenu cette séance de travail à trois, avec le Pca et j’ai tout de suite compris les intentions de Nké. J’ai compris qu’il y avait une grosse machination qui était mise en place depuis longtemps, non seulement pour que je ne réussisse pas, mais pour qu’il vienne. On ne peut pas dire venir au secours de quelqu’un pour chercher à prendre sa place. Quand on vient au secours de quelqu’un, c’est pour li apporter un coup de main afin qu’il sorte du pétrin dans lequel il se trouve.
Donc, pour vous, Dieudonné Nké fait partie des acteurs de cette machination contre vous ?
Je peux l’affirmer aujourd’hui, parce que lui-même s’est trahi lors de la discussion que nous avons eue avec le Pca, pendant près de 4h de temps. Quand il dit qu’il faisait le compte rendu de tous les matchs que nous jouions au président, parce que c’est son frère, c’est clair. Et quand je regarde derrière, le président de Jeunesse sportive de Ngoulmekong (Joachim Claude Essomba, ndlr), qui se retrouve là comme directeur général-adjoint je comprends tout. Il a tout fait au début de la saison pour que je recrute ses joueurs et quand je ne l’ai pas fait, il a passé le temps à me faire du sabotage, en disant : Pagou se prend pour qui ? (…) J’ai dit au Pca que Nké est mon aîné en âge, mais sur le plan professionnel il ne l’est pas ; je suis son chef. J’ai alors dit que s’il ne peut pas être mon adjoint, qu’on lui trouve un autre poste, un peu au-dessus d’entraîneur principal pour qu’il se sente grand-frère. Et comme ça, sur le plan technique, je travaille avec lui. Nké lui, n’était pas prêt et j’ai tout compris. J’ai donc demandé au président de me payer mes droits pour que je le laisse travailler. Le président refuse et demande que nous trouvions une formule pour travailler ensemble ; je propose alors le travail en duo tout en restant entraîneur principal, sachant qu’il est venu avec son expertise et on va travailler la main dans la main ; je peux le faire. Or Nké est venu pour prendre Canon, être le leader, le chef. Et après, la note est sortie avec Dieudonné Nké, entraîneur principal.
Et vous avez démissionné alors ?
Non. Je n’ai pas démissionné.
Vous avez été donc limogé …
Je peux le dire, parce que je n’ai pas été signifié. Mais, le Pca veut que je travaille avec Nké.
Vous a-t-on payé vos droits ?
Pas encore. J’étais avec le Pca hier (mercredi, dlr), parce que j’ai signé un contrat de deux ans en bonne et due forme et je n’ai jamais reçu de salaire. On m’avait avancé 250.000FCFa comme avance sur le montant de deux millions que j’avais signé. J’ai fait trois mois et comme il est rompu, j’ai sollicité un arrangement amiable. Un rendez-vous m’a été donné pour la semaine prochaine en vue de cet arrangement amiable. Mais, je ne suis pas convaincu, parce que la machine s’était ébranlée pour que je ne réussisse pas.
Qu’est-ce qui vous fait parler toujours de machination contre vous ? Quel a été le véritable problème ?
Les joueurs ne mangeaient pas. Lors de la présentation des nouveaux dirigeants, un joueur a pris la parole pour dire : « président, vous faites partir notre entraîneur. Ce n’est pas lui le responsable. On a tout fait aux entraînements ; on a joué comme on pouvait. On ne mange pas ; nos primes de signature n’ont pas été payées ; on ne voit aucun dirigeant. Ce coach à longueur de journée, c’est lui qu’on entend et qu’on voit. On veut même poser un problème de loyer, un problème de 5000F ou de 10.000F on ne voit personne ». Pour les primes d’entraînements, il fallait que je bagarre dur, que je plaide, que je pleure, que je crie de gauche à droite pour que ces enfants aient leurs primes. Les joueurs ne connaissent même pas leurs dirigeants. Ils n’ont jamais eu une réunion où on leur présente ces dirigeants. Dans ces conditions-là, que vous soyez Mourinho, Arsène Wenger, Nké Dieudonné, Pagou David ou n’importe quel entraîneur, vous n’allez pas faire la magie. Les joueurs n’ont aucune source de motivation.
Et quels souvenirs gardez-vous de Canon après trois mois de service ?
Canon, c’est une équipe où il y a pas seulement des crabes, mais aussi un panier où on retrouve des cafards, des moustiques, des guêpes, des scorpions ; bref toutes sortes d’insectes nuisibles. Je dois dire qu’en trois mois, tout ce que j’ai gagné de bon, c’est que j’ai grandi de dix ans. En trois mois, ce que j’ai vécu, je devais attendre dix ans pour le vivre. C’est vrai que Canon, c’est le pire choix de ma carrière, mais c’est bien pour moi. Je n’ai jamais connu ce début de championnat depuis 16 ans que j’entraîne. C’était une aventure vouée à l’échec, parce que tout a été mis en œuvre pour que je ne réussisse pas.
Avez-vous déjà des sollicitations dans des clubs ?
Des équipes m’ont déjà approché. On m’annonce déjà partout. Mais, je préfère d’abord me concentrer à préparer les Jeux universitaires. L’équipe de football de l’Université de Yaoundé I n’a plus remporté de médailles d’or et on me l’a confiée.
Entretien menée par Antoine Tella à Yaoundé